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goire VII, ils avaient donné, a différentes époques, les couronnes de Hongrie, de Constantinople, de Portugal, d’Aragon, de Bulgarie, de Halicz, de Lithuanie, de Servie, de Bohème et de Norvège. Entouré d’ennemis, Vladislas avait besoin d’appui. En s’adressant au pape il pouvait s’attendre à une protection que les empereurs étaient hors d’état de lui donner. En 1324, écrivant à Jean XXII, il se dit roi de Pologne par la providence de Dieu et du siège apostolique. Cependant il s’était fait sacrer et couronner sans attendre la permission expresse du pontife. » Vladislas donna sa fille Elisabeth en mariage à Charles Robert, roi de Hongrie (1320). Le prince Louis, né de ce mariage, succéda à Casimir le Grand ; et à sa mort, la famille des Piasts étant éteinte, Vladislas Jagellon lui succéda et fut le chef d’une nouvelle dynastie (voy. Jagellon). À la prière du roi de Pologne, le pape Jean XXII avait nommé une commission qui, chargée de juger entre l’ordre teutonique et lui, décida que les chevaliers restitueraient à la Pologne les districts de la Poméranie dont ils s’étaient emparés et qu’ils payeraient au roi Vladislas trente mille marcs d’argent. Les chevaliers ayant refusé de se soumettre à cette décision, l’ordre entier fut frappé d’excommunication. De grands changements survenus en Russie et en Silésie augmentèrent les inquiétudes de Vladislas et les difficultés de son administration. Gedymin, roi de Lithuanie, s’était emparé du duché de Kiow, après une bataille dans laquelle avaient péri les descendants de Vladimir le Grand. Avec eux finit la dynastie de ce monarque, qui pendant près de cinq siècles avait régné à Kiow. Dans une lettre au pape Jean XXII (1324), Vladislas donna des regrets à la mort des princes russes, qui étaient, dit-il, pour la Pologne comme un bouclier contre les hordes des Tartares. La position de ce prince a l’égard de la Silésie devenait de jour en jour plus difficile. Les princes polonais, à qui cette province avait été donnée en apanage, oubliant leur origine, s’étaient soumis aux rois de Bohème, qui menaçaient de là Posen et Cracovie, les deux premières villes du royaume. Vladislas, qui s’était assuré du roi de Hongrie, en lui donnant sa fille en mariage, voulut aussi avoir pour allié Gedymin, duc de Lithuanie et de Russie ; il envoya demander une de ses filles pour le prince Casimir, son fils unique, désirant qu’on donnât pour dot a la princesse les prisonniers que les Lithuaniens avaient faits en Pologne dans les dernières incursions. Cette proposition fut agréée. La princesse arriva à Cracovie, où elle fut baptisée, avant la célébration du mariage. Les prisonniers qui suivirent la princesse se mirent à relever les villages et les villes, avec d’autant plus de confiance, qu’ils n’avaient plus a craindre les incursions des Lithuaniens. Vladislas forma contre les chevaliers teutoniques, ennemis irréconciliables de la Pologne, une ligue dans laquelle entrèrent Gedymin, le roi de Hongrie et les princes de la Poméranie occidentale. S’étant mis à la tête de l’armée polonaise et des troupes alliées, il passa l’Oder et ravagea les terres du marquis de Brandebourg, pour le punir de ses liaisons avec les chevaliers (1326). L’empereur Louis, allié du marquis de Brandebourg, publia deux manifestes par lesquels il déclara qu’il donnait à son fils la Pologne, comme un royaume qui avait autrefois appartenu à l’empire. D’un autre côté, Jean de Luxembourg, roi de Bohème, se disait aussi roi de Pologne. Étant allé, à la tête d’autres croisés, se joindre aux chevaliers teutoniques, il fit en leur faveur une cession de la Poméranie. Vladislas se jeta sur le palatinat de Culm, pendant que Gedymin menaçait la Livouie. Les chevaliers, effrayés, rendirent Bromberg, Dobrzyn et quelques autres contrées sur la Vistule ; et l’on consentit à une trêve. Mais la situation du royaume était de plus en plus inquiétante. Les Tartares s’avançaient de nouveau vers la Russie et la Pologne. Le roi de Hongrie avait été complètement défait par les peuples barbares établis dans la Valachie ; et les Turcs menaçaient Constantinople. Vladislas, âgé de soixante-dix ans, confia le gouvernement de la Grande-Pologne à son fils Casimir, afin de former sous ses yeux le jeune prince aux soins de la royauté. Vincent Szamotulski, qui pendant plusieurs années avait occupé cette place, mécontent de ce que le roi la lui enlevait pour la donner au prince royal, résolut de s’en venger. Étant allé trouver les chevaliers teutoniques, il les engagea à entrer dans la Grande-Pologne, qu’ils ravagèrent cruellement. Le roi s’avança contre eux ; et ayant regagné Szamotulski, il marcha pendant toute une nuit, et se trouva au point du jour près du camp ennemi ; il confia son fils Casimir à un de ses généraux, en lui disant : "Je suis vieux ; qu’importe ma mort ? mais vous me répondez de mon fils : il me vengera si je viens à périr." On pénétra dans le camp à la première attaque ; l’ennemi se défendit avec le courage du désespoir : mais enfin il fut défait, et se retira après avoir perdu plus de 20.000 hommes. Le lendemain, le roi, parcourant le champ de bataille, s’arrêta près d’un chevalier polonais qui, ayant reçu trois coups de lance, était resté au milieu des ennemis morts ou blessés : "Vous souffrez beaucoup, dit le monarque. — Oui certes, sire, je souffre, a mais beaucoup moins de mes blessures que de ces mauvais voisins dont vous me voyez entouré. — Ayez patience, lui dit le roi ; je vais vous délivrer de ce voisinage." Le roi le fit aussitôt transporter dans sa tente ; et lorsqu’il fut guéri de ses blessures, il acheta pour lui le village de Plowce, où s’était donnée la bataille ; et en mémoire de ses trois blessures, il ajouta trois lances aux armes de ses ancêtres. Ce brave gentilhomme devint le chef de la famille Saryusz,