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vives instances, Leszko fit son entrée à Cracovie, pour se mettre de nouveau à la tête du gouvernement (1207). Vladislas Laskonogi avait conservé la Grande-Pologne, qu’il tenait de son père, et la il mettait tout en désordre, violant les droits les plus sacrés, s’emparant des propriétés qui lui convenaient, et dirigeant particulièrement ses violences contre le clergé. Toutes les représentations étant inutiles, il fut excommunié par le pape. Le margrave de Misnie et de Lusace vint assiéger Lébus, qui appartenait à Vladislas ; celui-ci accourut au secours de la place, et envoya défier le margrave à un combat singulier qui devait avoir lieu sur les bords de l’Oder. Sans attendre le jour indiqué, Vladislas tomba pendant la nuit sur le camp de son adversaire ; il fut repoussé, et la place ayant été prise, le vainqueur fit massacrer la garnison (1209). Vladislas s’en vengea sur le clergé, à la prière duquel le pape envoya un légat qui l’excommunia de nouveau. Sous prétexte de gérer les biens du prince Vladislas Odonicz, son neveu, il s’en était emparé ; Swientopelk, duc de Poméranie, prit la défense du malheureux pupille, et Vladislas, chassé de ses États, mourut dans l’exil, en 1233. G-Y.


VLADISLAS IV, dit Lokietek (1)[1], roi de Pologne, fut, après la mort de Leszko le Noir, élu chef de la monarchie polonaise, et proclamé par le clergé et la noblesse du palatinat de Cracovie, contre le gré des habitants de la ville, qui avaient déjà élu Henri, duc de Breslau (1290). Celui-ci envoya des troupes à Cracovie, et Vladislas, surpris, fut obligé de prendre l’habit d’un religieux pour se sauver. Henri étant mort, on vit à la fois trois compétiteurs à la couronne : Vladislas Lokietek, Venceslas, roi de Bohème, et Przémyslas, duc de la Grande-Pologne. Le parti de celui-ci ayant prévalu, il fut sacré et couronné à Gnesne, en 1295. Après la mort violente de ce prince, Vladislas fut de nouveau choisi par la diète du royaume ; mais il ne prit que le titre de souverain de Pologne : dominus regni Poloniae (1296}. Quatre ans s’étaient à peine écoulés, lorsque la noblesse polonaise, au mépris de ses serments, le déclara déchu de ses droits, et appela à la couronne Venceslas, roi de Bohème, qui fut sacré roi de Pologne en 1300. Vladislas, chassé même de ses apanages, se réfugia en Hongrie, et de là à Rome, où il fut accueilli par le pape Boniface VIII, qui trouvait très-mauvais que Venceslas eût osé prendre la couronne sans consulter le siège apostolique. Un légat fut envoyé en Pologne avec ordre de tout employer pour éloigner le roi de Bohème et rétablir Vladislas. Le pape écrivit à Venceslas : « Sans avoir été appelé par le Seigneur, vous avez eu la présomption téméraire d’aller de votre propre autorité en Pologne, de vous y nommer roi, au mépris du siège apostolique, à qui appartiennent, comme on sait, les provinces de la Pologne. Nous vous défendons, etc.... » Vladislas, revenu de Rome, entra dans le duché de Cracovie. Son parti se fortifia par la mort de Venceslas, qui périt à l’âge de trente-trois ans (1305). Son fils, qui prit aussi le titre de roi, fut assassiné, comme il marchait sur Cracovie (1306); et Vladislas fut de nouveau reconnu par tous les palatinats, à l’exception de la Grande-Pologne, qui choisit Henri, duc de Glogau. Celui-ci étant mort en 1309, la noblesse de ce palatinat élut Vladislas, qui fut ainsi reconnu seul souverain de la Pologne. Sous les faibles descendants de Swientopelk, la Poméranie orientale était de nouveau rentrée sous la domination polonaise ; et Vladislas y avait été solennellement reconnu ; mais les chevaliers teutoniques, profitant de la situation du royaume, avaient réussi, soit par ruse, soit par force, à s’emparer de Dantzig et des contrées situées à la gauche de la Vistule. Cette usurpation amena une guerre cruelle qui, après avoir désolé pendant cent cinquante-sept ans la Poméranie, la Prusse et les provinces septentrionales de la Pologne, fut enfin terminée par le traité de Thorn. Jean, roi de Bohème, formant aussi des prétentions sur la couronne de Pologne, Vladislas envoya des députés à Avignon, qui était la résidence des papes. Jean XXII était bien disposé en sa faveur, mais il craignait de mécontenter le roi de Bohème ; il adressa aux évêques et à la noblesse de Pologne une bulle qu’il terminait ainsi : "Nous ne prononcerons point à présent sur la promotion du duc Vladislas, que vous nous avez demandée. Par la cependant nous n’entendons porter préjudice ni à vos droits ni à ceux des autres, vous laissant toute liberté d’en user comme vous le trouverez bon." En conséquence, le jour du couronnement fut indiqué, et la cérémonie, qui sous les rois précédents s’était faite à Gnesne, eut lieu à Cracovie. Vladislas y fut sacré, ainsi que la reine ladwige ou Hedwige, son épouse (1319). « Des écrivains étrangers, dit Naruszewicz, ont blâmé Vladislas de ce que, de concert avec les évêques et la noblesse, il avait demandé au pape la permission de se faire couronner ; et ils ont dit qu’en agissant ainsi, il avait imprudemment soumis le royaume à toutes les prétentions que pourraient élever les successeurs de Grégoire VII; qu’il aurait dû, à l’exemple de ses prédécesseurs, s’adresser aux empereurs d’Allemagne. Pour bien juger ici, continue cet historien, il faut faire attention aux circonstances. Alors les princes qui aspiraient à la couronne, n’étant pas assez puissants pour la mettre eux-mêmes sur leur tête, s’adressaient aux papes ou aux empereurs, selon le degré de prépondérance qu’avaient dans le moment le siège apostolique ou le trône des Césars. Or, à l’époque où Vladislas se trouvait, la puissance des papes paraissait ; prévaloir. Depuis Gré-

(1) Ce qui signifie petit de taille, pas plus haut qu’une aune, du mot polonais lokisc, aune.


  1. (1) Ce qui signifie petit de taille, pas plus haut qu’une aune, du mot polonais lokisc, aune.