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subsistera, ils n’oublieront jamais que ce prince, si digne de régner, donna le premier l’exemple d’une générosité trop peu commune, et que, renonçant à un droit qui avait pour lui l’usage de plusieurs siècles, il voulut ien servir sous les ordres de ses neveux, auxquels il aurait pu commander. La couronne conserve avec respect, dans ses archives, son testament, ainsi que ses traités avec Dmitri et Vassili.

G—Y.


VLADIMIR, palatin de Cracovie, montra, dans une époque de deuil et de désastres, un courage et un dévouement dignes des plus beaux siècles de Rome et de la Grèce. En 1241 les Tartares-Mongols, ayant pillé et brûlé Kiow, s’avancèrent sur la Pologne pour la dévaster, et de là porter la désolation dans le cœur de l’Europe. S’étant répandus depuis le Dnieper jusqu’au Bug, ils détruisirent les villes qui se trouvaient sur leur passage, à l’exception de Kamionice-Podolski, qu’ils conservèrent pour y réunir leur butin et y enfermer les esclaves. Bientôt ils se jetèrent sur la Gallicie, passèrent la Vistule, et s’approchèrent jusqu’à sept mille de Cracovie. Las de massacrer et de piller, ils revinrent sur leurs pas, pour diriger le butin et les prisonniers sur Kamienice. Les habitants, frappés de terreur, se sauvèrent dans les forêts. Boleslas, dit le Chaste, duc de Pologne, se tenait lâchement enfermé dans Cracovie. Son palatin, le brave Vladimir, avant rassemblé avec peine une petite armée, lui inspira son dévouement et son courage ; et il se jeta sur les Tartares, qu’il défit et mit en désordre mais après un second combat les barbares, devenus plus furieux par cette résistance, reparurent avec de nouvelles hordes. Les habitants, animés par les exhortations de Vladimir, avaient repris courage ; et le 18 mars 1241, au lever du soleil, le brave palatin tomba sur les barbares. qui, après avoir perdu plusieurs de leurs chefs, se retirèrent en désordre. Les Polonais chantaient victoire; mais assaillis par de nouvelles hordes, ils furent forcés de se retirer de nouveau dans leurs forêts, après avoir fait des prodiges de valeur. Le duc Boleslas, effrayé, s’enfuit en Hongrie (voy. BOLESLAS). À l’exemple de ce lâche souverain, la noblesse et les habitants se dispersèrent. Vladimir ne pouvant défendre Cracovie, les Tartares, qui trouvèrent la place déserte, il mirent le feu. Tout étant dévasté, ils marchèrent sur Breslau. Cette partie de la Silésie avait pour souverain Henri II, prince d’un grand courage, qui, de même que Vladimir, n’avait point désespéré du salut de la patrie. Le palatin de Cracovie, qui ne pouvait s’éloigner, lui envoya son fils Sulislaw avec les troupes dont lui-même pouvait se passer. Le 15 avril 1241, les deux chefs, Henri et Sulislaw rangés en bataille près de Liegnitz, sur les bords de la Nissa, attendirent les barbares, qui s’avançaient en poussant des cris de fureur. Après un combat glorieux, Sulislaw tomba près de Henri,

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qui bientôt fut lui-même entouré et massacré par les barbares. Le carnage fut tel, qu’ils envoyèrent à Kamienice des sacs remplis d’oreilles de leurs ennemis. Ils se jetèrent, ensuite sur la Moravie, et se réunirent aux hordes qui pillaient la Hongrie. Boleslas revint à Cracovie ; et son palatin l’aida à réparer ses pertes. On ignore époque de la mort de celui-ci.

G—v.

VLADISLAS Ier, dit Hermann, roi de Pologne, succéda à Boleslas II, son frère, en 1081. Il était le second des fils de Casimir ler et de la reine Dobrogniewa, fille de Vladimir le Grand ; on l’avait surnommé Hermann, en l’honneur de l’archevêque de Cologne, son grand-oncle, frère de la reine Rixa, sa grand-mère. Après la fuite de Boleslas, la Pologne était restée pendant une année sans chef et sans loi. Les grands du royaume, voulant mettre fin à cet état d’anarchie, prièrent Vladislas de monter sur le trône, qui lui appartenait de droit, et auquel jusque-là il n’avait point prétendu, parce que l’on ignorait ce qu’était devenu Boleslas. Après la mort violente de St-Stanislas, Grégoire VII avait excommunié Boleslas, le déclarant dechu de la couronne, et ses sujets déliés de leurs serments; il défendit aux princes de la maison régnante de prendre sans sa permission le titre de roi, et aux évêques de sacrer le monarque, si, avant d’avoir pris les ordres de la cour romaine, on osait donner un successeur à Boleslas. On méprisa des menaces qui ne pouvaient avoir d’autre effet que de prolonger les malheurs de la Pologne; l’empereur Henri IV ayant joint une invitation expresse aux prières des évêques et des grands du royaume, Vladislas fut couronné et sacré à Gnesne. Ses premiers soins se tournèrent vers la religion; après avoir fait quelques démarches à Rome pour obtenir que l’interdit jeté sur le royaume fût levé, sans attendre l’effet de sa demande, il fit ouvrir les églises, ordonnant que l’on y célébrât l’office divin. Il avait eu d’une union illégitime, un fils appelé Zbigniew. Sur la proposition de sa sœur Swientochna, il épousa Judith, fille de Wratislas. roi de Bohème. Les noces se célébrèrent à Cracovie avec une magnificence royale. Comme le jeune Zbigniew y faisait ses études, le père, craignant que sa présence ne fût désagréable à la reine, l’envoya dans un couvent en Saxe, où il le fit élever avec soin. La reine était stérile; elle et son époux envoyèrent un de leurs chapelains, avec de riches présents, au couvent des bénédictins, en Languedoc, où reposait le corps de St-Gilles. L’abbé de cette maison ordonna des prières pendant trois jours; et les parents crurent devoir à un bienfait particulier du ciel la naissance du prince qui leur naquit neuf mois après les vœux; ils l’appelèrent Boleslas, et il fut depuis surnommé Krzywousty ou le Balafré (1085). Cet heureux événement causa une grande joie en Pologne, et l’on y érigea, en l’honneur de St-Gilles, un