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BIOGRAPHIE UNIVERSELLE.


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V

VAU (Louis). Voyez Lavau et Levau.


VAUBAN (Sébastien Le Prestre de), maréchal de France, naquit le 1er mai 1633, à St-Léger de Foucheret, près de Saulieu, en Bourgogne, d’Urbain le Prestre et d’Aimée de Carmignol. Son père mourut au service, laissant une fortune dérangée, une veuve qui le suivit de près, et des enfants sans ressource. La terre de Vauban fut mise en séquestre, et celui qui devait en illustrer le nom se vit orphelin dès l’enfance, sans protecteur et sans appui. M. de Fontaines, prieur de St-Jean, à Semur, le recueillit, lui apprit à lire, à écrire, à calculer, et lui donna les premiers éléments de géométrie. Vauban vécut ainsi jusqu’à sa dix-septième année, avec des compagnons rustiques, dont il partageait les jeux et souvent les travaux. Des courses dans les montagnes, de violents exercices le rendirent agile et robuste. C’est au milieu d’une population livrée à une vie laborieuse et pénible qu’il reçut ces premières impressions qui se renouvelèrent plus tard, et le déterminèrent à s’occuper du projet de soulager le peuple, dont il avait connu la misère. L’indépendance où le laissait vivre le prieur de St-Jean finit par l’ennuyer. Il se sentait appelé à d’autres destinées. Le souvenir de son père, l’exemple de ses oncles, de ses frères, de tous ses parents qui, au nombre de onze, étaient sous les armes, lui faisaient honte de son oisiveté. Seul, ne prenant conseil que de lui-même, il s’échappe, à peine âgé de dix-sept ans, et se rend à pied à l’armée espagnole, dans le régiment du grand Condé, qui le reçut comme cadet. Il dut bientôt à sa bravoure autant qu’à sa naissance le grade d’officier. Faisant marcher de front l’étude et le service, il acquit rapidement de l’instruction, réfléchit sur les diverses parties de l’art militaire, et se décida pour celle qui exigeait le plus de connaissances et dans laquelle l’art funeste de détruire les hommes peut être soumis en quelque sorte à l’art de les conserver. Il devint ingénieur, et comme le dit avec autant d’élégance que de justesse un auteur digne de l’apprécier : « Les travaux des fortifications souriaient à son génie, et les dangers des sièges plaisaient à son courage[1]. » Ce fut à Clermont qu’eurent lieu ses premiers travaux en cette qualité. Comme il s’occupait des fortifications de cette place, il fut appelé au siège de Ste-Menehould. Au moment de l’assaut, il se jette dans la rivière et la traverse à la nage sous le feu de l’ennemi, étonné de son audace. Cette action hardie le fit connaître ; son nom retentit dans le public, et ce fut ainsi que ses parents apprirent pour la première fois de ses nouvelles. Ayant été arrêté par un parti de royalistes, il fut conduit à Mazarin, déjà instruit de ses exploits. Ce ministre l’accueillit d’autant mieux, qu’il ne voulait pas laisser dans les rangs des ennemis de l’État un officier de ce mérite. Vauban, d’ailleurs, séduit par l’éclat des lauriers de Condé, n’avait eu d’autre motif que d’en cueillir sous ses drapeaux. Mazarin obtint pour lui une lieutenance dans le régiment de Bourgogne. Bientôt Vauban va rejoindre le chevalier de Clerville, l’ingénieur le plus renommé de ce temps. Il assiège et reprend avec lui Ste-Menehould, puis Stenay, où il reçoit une blessure, et trois mois après, reparaît sous les murs de Clermont. C’est dans cette ville qu’il obtint (1655) le brevet d’ingénieur, objet de tous ses vœux. Plein d’ardeur, il dirige dans la même année, sous les yeux de Clerville, les attaques de Landrecies, de Condé, de St-Guislain. Étonné de ses succès, le maréchal de la Ferté lui en fait voir de plus grands dans l’avenir et lui donne une compagnie dans son régiment. Mazarin lui accorde une gratification et lui adresse des éloges qui ne sont pour lui que l’obligation d’en mériter de nouveaux. Il s’expose à Valenciennes, à Montmédy, est blessé plusieurs fois et continue de s’exposer encore. C’est à vingt-cinq ans (1658) qu’il trouve l’occasion d’essayer les inspirations d’un génie qui commençait à se développer ; et il peut les écouter et les suivre dans la direction des sièges de Gravelines, d’Ypres et d’Oudenarde, qui lui furent confiés. Il ne s’y livre toutefois qu’avec cette méfiance de soi-même qui accompagne toujours le vrai mérite, mais qui nuit quelquefois aux élans du génie. Six années de paix ne sont point pour Vauban six années de repos : les Anglais venaient de céder à la France Dunkerque, Fort-Louis et Mardick (1662). Louis XIV, sentant l’importance de ces places et

  1. Allent, Histoire du corps du génie, t. 2, p. 45.