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premières années, placé au collége de Vendôme, avec ses frères, et y fit d’excellentes études. Au sortir du collége, il habita d’abord la ville de Fougères, puis celle de Rennes, où il se livra à I’étude de la médecine. Cette profession devint toute son occupation et son principal mérite. Il fréquentait les hôpitaux ; chargé d’y faire des pansements, il s’acquittait de cette fonction pénible avec tant de douceur et de précautions délicates, que les malades enviaient le bonheur de lui être confiés. Naturellement il n’avait point d’attrait pour ces opérations, mais il était animé par des pensées élevées. À ces soins matériels il joignait l’aumône, et sa fortune lui procurait la jouissance de fournir à ses malades tous les secours par lesquels il croyait pouvoir adoucir leur situation. Ses bienfaits continuaient en dehors de l’hôpital, et il s’employait de toutes les façons pour être utile à ses nombreux protégés. Il les visitait chez eux, les recevait et les pansait chez lui. Il est facile de concevoir que, dans ces temps malheureux, les ecclésiastiques ne jouissant d’aucune liberté, le jeune la Villegontier faisait tout pour procurer les secours religieux ses malades. C’était aussi à ses yeux un acte méritoire que de visiter dans leur retraite les prêtres cachés, et d’alléger leurs peines par tous les moyens qui dépendaient de lui ; il trouvait d’ailleurs dans ces courses secrètes l’avantage de remplir lui-même ses devoirs religieux. Il faut ajouter qu’à tant de mérites il joignait celui de soigner les prisonniers, auxquels son professeur, qui savait apprécier, l’envoyait de préférence. Tous ceux qui l’entouraient avaient pour sa vertu une considération unanime, et ils en donnaient un témoignage bien significatif en l’appelant tout naïvement le bon Charles. Reçu docteur en 1804, il vint à Fougères pour y passer l’été. Cette ville fut alors alfligée d’une épidémie. La fièvre pernicieuse qui y régnait attaqua les deux seuls médecins qu’il y eût alors dans la localité ; il se multiplia pour tous les malades. qui le réclamaient de tous les côtés, obtint de nombreux succès, mais éprouva beaucoup de fatigués et même des affections très-pénibles. Ce fut peut-être la qu’il contracta le germe de la maladie qui l’enleva bientôt après. Il allait quitter Fougères pour n’y plus revenir. Non content d’y avoir si utilement payé de sa personne, il voulut encore prouver par ses Iargesses l’attachement qu’il portait à cette chère contrée. Il remit au recteur (curé) de la ville. et à celui de Louvígnédu-Désert, où se trouvait située sa terre la plus considérable (la Gelousière), une somme de 800 fr. pour être distribuée aux pauvres. Arrivé à Paris avec une santé mal assurée, il fut, huit jours après, attaqué d’une maladie aussi cruelle que rapide. La mort l’enleva en effet à ses amis, à sa famille, à un avenir si beau en apparence, le samedi 20 octobre 1804. Ses obsèques se firent a St-Jacques-du-Haut-Pas, sa paroisse. Le jeune VIL 451
de la Villegontier n avait que 27 ans ! Il a laissé quelques manuscrits non destinés à la publicité. Ils sont au surplus sténographiés en partie, et peut-être lui seul en avait-il la clef. L’abbé Carron a publié sa vie dans le livre intitulé Modèles d’une tendre et solide dévotion à la mère de Dieu dans le premier âge de la vie, ouvrage qui a eu plusieurs éditions. B-n-e.
VILLEHARDOUIN (Geoffroy de), historien, né
vers l’année 1167, dans un château situé entre
Bar et Arcis-sur-Aube, d’une des plus anciennes
familles de Champagne, et des plus considérables
à la cour des comtes de cette province, exerçait
la charge de maréchal de Champagne, lorsqu’en
1199. Thibaut, comte de Champagne et de Brie,
se trouvant dans un tournoi avec toute la noblesse
de son comté, annonça qu’il allait entreprendre
le voyage d’outre-mer. Un grand nombre
de seigneurs, parmi lesquels était Geoffroy
de Villehardouin, prirent la croix dans cette occasion.
Tous ces croisés s’assemblèrent d’abord à
Soissons, ensuite à Compiègne, pour déterminer
l’époque de leur départ et la route qu’ils suivraient.
Ils nommèrent six députés, qui furent
chargés d’aller dans les ports de mer pour préparer
l’embarquement. Villehardouin fut l’un
des députés qui se rendirent à Venise. Le doge,
Henri Dandolo, les accueillit honorablement, et
leur dit qu’il les regardait comme les envoyés
des plus hauts homes qui soient sans corone. Villehardouin
porta la parole dans le grand conseil.
Il dit que les barons de France les avaient envoyés
pour prier Venise d’aíder les Français à
venger la honte de Jésus-Christ ; qu’ils avaient
ordre de se prosterner à leurs pieds, et de ne pas
se relever que le peuple vénitien n’eût promis
d’avoir pitié de la terre sainte d’outre-mer. À ces
mots les six députés s’agenouillèrent en versant
des larmes. Le peuple, touché de cette vue, s’écría :
Nous l’octroyons ! nous l’octroyons ! La république
s’engagea à fournir des vaisseaux pour
4,500 chevaux et 33,500 hommes, moyennant
quatre-vingt-cinq mille marcs d’argent. Il fut
arrêté que les barons et les pèlerins se rendraient
à Venise le jour de la St-Jean de l’année suivante,
1202, et que les vaisseaux seraient prêts à faire
voile. Après la signature du traité, Villehardouin,
revenu en France, trouva le comte Thibaut, son
seigneur, dangereusement malade. Sa mort laissa
bientôt sans chef les croisés, qui prièrent le duc
de Bourgogne, et ensuite le comte de Bar de se
mettre à la tète de l’entreprise. L’un et l’autre
refusèrent. Villehardouin proposa d’offrir le commandement
au marquis de Montferrat, qui accepta,
et donna aux pèlerins rendez-vous à
Venise. Les premiers arrivés dans cette ville apprirent
avec chagrin que la plupart des croisés suivaient
une route différente et s’embarquaient
dans d’autres ports. Les signataires de la convention
avec les Vénitiens, craignant de se voir
dans l’impossibilité de rassembler la somme con-