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différeraient que par les signes, quel rapport il y a entre chacun des coefficients qui leur sont communs et les racines de l’une et de l’autre ; 4° d’avoir su faire usage des découvertes précédentes, pour résoudre généralement les équations du troisième et même du quatrième degré ; 5° la formation des équations composées par leurs racines simples, lorsqu’elles sont toutes positives ; 6° la résolution numérique des équations, a l’imitation des extractions des racines numériques. C’est la plus considérable de ses découvertes. C’est encore lui qui a enseigné la méthode pour construire géométriquement les équations. On lui doit aussi géométrie des sections angulaires. Les savants anglais Harriot, Pell, Oughtred, Wallis, qui ont excellé dans l’analyse mathématique, s’accordent tous à placer François Viète au premier rang des inventeurs de cette science. Newton adopta aussi les principes de sa méthode exégétique. Ils consistent à rechercher immédiatement les différentes parties de chaque racine, sans recourir aux transformations inapplicables de Cardan et Tartaglia. Ce qui caractérise les ouvrages de Viète, c’est la justesse et la profondeur des vues. Il n’a point résolu les questions les plus difficiles de l'analyse algébrique ; mais il a montré le premier la route que l'on doit suivre pour les résoudre. L’histoire des sciences ne le séparera point de Descartes et de Newton. « L’algèbre n'était encore qu’un art ingénieux, borné à la recherche des nombres, a dit Fourier, il en montra toute l’étendue, et substitua des expressions générales à des résultats particuliers. Viète, qui avait médité profondément sur la nature de l’algèbre, vit que le caractère principal de cette science consiste à énoncer ces rapports. Newton exprima depuis la même pensée lorsqu’il définit d’algèbre l'arithmétique universelle. Les premières conséquences de cette vue générale de Viète sont l’application qu’il fit lui-même de son Analyse spécieuse à la géométrie, et la théorie des lignes courbes, due à Descartes, idée capitale et féconde, qui sert de fondement à l’analyse des fonctions, et devint l’origine des plus sublimes découvertes. Elle donna lieu de regarder Descartes comme le premier auteur de l’application de l’algèbre à la géométrie ; mais cette découverte appartient à Viète ; car il résolvait les questions de géométrie par l’analyse algébrique, et déduisait des solutions les constructions géométriques. Ces recherches le conduisirent à la théorie des sections angulaires et il forma les équations générales qui expriment les valeurs des cordes. C’est dans cette théorie qu’il puisa l’explication inattendue de la difficulté propre au cas irréductible. Il ramena la recherche des racines à une question de géométrie, ce que Raphaël Bombelli avait déjà entrevu ; et il apprit à trouver les racines dans les tables trigonométriques. On ne pouvait dans cette question paradoxale rien découvrir de plus décisif et de plus clair. Viète posa aussi les fondements de la théorie des équations algébriques ; car il apprit à former les coefficients des puissances successives de l’inconnue ; et il n’y a aucune propriété générale qui ne dérive de ce principe. » Citons aussi les appréciations de M. Libri (Histoire des sciences mathématiques en Italie, t. I, p. 22). « Viète était doué d’une grande pénétration, et les sciences lui doivent de notables progrès ; il a généralisé avec talent des remarques à peine indiquées par ses devanciers ; esprit éminemment philosophique, il doit être admiré pour les méthodes plus que pour les résultats auxquels il est parvenu. » On peut ajouter que Viète eut aussi le mérite de découvrir le sixième théorème des triangles sphériques rectangles. Quatre seulement étaient connus des Grecs. Géber trouva le cinquième ; Joachim Rhéticus trouva le sixième en même temps que Viète, et le publia quelques années plus tard dans l’Opus palatinum. Le mathématicien français avait acquis une si grande facilité pour resoudre les problèmes les plus difficiles, qu’Adrien Romain en ayant proposé un de ce genre à tous les mathématiciens de l’Europe, Viète lui en envoya la solution avec des corrections et des augmentations, et lui proposa à son tour un problème qu’il ne put résoudre que mécaniquement. Ce savant Allemand, surpris de la sagacité de l’Œdipe français, part aussitôt de Wurtsbourg, en Franconie, pour faire connaissance avec lui, et vient le trouver dans sa patrie, sans s’arrêter à Paris, d’où une maladie avait forcé de s’éloigner pour respirer l’air natal. Ils passèrent un mois ensemble, et se séparèrent pénétrés d’admiration l’un pour l’autre. Viète défraya son nouvel ami jusqu’à la frontière du royaume. Joseph Scaliger s’était flatté d’avoir trouvé la quadrature du cercle : Viète releva les erreurs et les paralogismes de cette prétendue découverte. La fierté du prince de Vérone le prit d’abord sur le haut ton qui lui était naturel : mais quand il eut mieux connu la supériorité de son adversaire, il lui rendit un juste tribut d’estime, et se consola de sa défaite par le mérite du vainqueur. Les Espagnols, vouant alors établir entre les membres épars de leur vaste monarchie une communication qui ne pût pas être interceptée, avaient imaginé des caractères de convention, qu’ils variaient même de temps en temps, afin de déconcerter tous ceux qui seraient tentés de suivre les traces de leur correspondance. Ce chiffre, composé de plus de cinquante figures, leur fut d’une merveilleuse utilité pendant nos guerres civiles. Viète, ayant été chargé par le roi d’en découvrir la clef, y parvint, et trouva même le moyen de le suivre dans toutes ses variations. La France profita pendant deux ans de cette découverte. La cour d'Espagne, déconcertée, accusa celle de