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qu’il a illustré depuis par son dévouement a une éclatante infortune ; il s’appelait Bertrand. L’établissement de la convention fut le signal de la dispersion de tous les partisans du gouvernement royal. Vaublanc n’échappa qu’à la faveur d’une vie errante, au milieu de privations, d’angoisses et de périls sans nombre, aux proscriptions révolutionnaires qui, jusqu’au 9 thermidor, ne cessèrent de menacer ses jours. Cependant il ne voulut point quitter la France. Les circonstances rappelèrent bientôt à reparaître sur la scène politique. Lors du mouvement insurrectionnel des sections de Paris contre la convention, il présidait la section Poissonnière ; il y remplit un rôle actif et fut condamné à mort par contumace, ainsi que MM. Delalot et Quatremère de Quincy, par la convention militaire que la commission avait instituée pour juger les chefs du parti vaincu. Presque au même instant, le département de Seine-et-Marne l’élisait député au conseil des Cinq-Cents ; mais ce ne fut qu’à la fin d’août 1796 que ses amis Borne et Pastoret réussirent à faire annuler le jugement rendu contre lui. Aussitôt après, il vint siéger à l’assemblée. Lorsqu’il alla prêter, selon l’usage, le serment de haine à la royauté, tous les assistants furent attentifs ; l’un d’eux, au moment où il prononçait la sinistre formule, lui ayant crié : « Plus baut! - Et vous, plus bas! » répondit Vaublanc sans se déconcerter. Sa conduite et ses discours, éclairés par une amère expérience, ne furent qu’une longue et vive opposition aux idées démagogiques et à l’administration corrompue du directoire. Le club des Jacobins ayant entrepris de se réformer, il profita de cette occasion pour demander la dissolution de toutes les sociétés de ce genre, et l’obtint par un décret que sanctionna le conseil des Anciens. Il dénonça le ministre de la marine comme accordant des subventions au Républicain des colonies, journal d’une démagogie effrénée. Le 21 juillet 1797, il se prononça avec une extrême énergie contre ce qui restait encore des institutions révolutionnaires, et fit un éloquent tableau de toutes les calamités que la révolution française avait déchaînées sur la France. Quelques jours après, il défendit les droits des Conseils contre les empiétements du directoire, et fut nommé membre de la commission des inspecteurs chargés d’opposer des mesures de résistance aux entreprises du pouvoir exécutif. Il eut une grande part aux résolutions malheureusement insuffisantes qui furent concertées dans cet intérêt. On voit aussi, par ses Mémoires, qu’il noua vers cette époque des négociations secrètes avec Carnot, pour le rattacher à la cause royaliste, et qu’elles échouèrent surtout par la crainte qui obsédait ce général de ne pouvoir se faire pardonner son vote régicide. Il en fallait moins sans doute pour que Vaublanc fût compris dans la grande prescription du 18 fructidor. C’était la quatrième dont il était atteint ; il échappa par la fuite la déportation qui le menaçait, passa en Suisse, puis en Italie, et ne reparut en France qu’après la révolution du 18 brumaire. Il fut à cette époque élu membre du corps législatif par le sénat conservateur ; il y remplit les fonctions de questeur. Le collége départemental de Seine-et-Marne le désigna comme candidat au sénat. Un homme d’un caractère aussi fortement trempé que Vaublanc ne pouvait étre négligé par le gouvernement de Napoléon. Le 1er février 1805, il fut nommé préfet du département de la Moselle, puis décoré du titre de comte et du grade de commandant de la Légion d’honneur. Vaublanc justifia ces faveurs par son zèle pour le régime impérial[1] et fit aimer son administration par la droiture qu’il y déploya et par l’expérience intelligente dont tous ses actes furent empreints. Il fit l’épreuve de cet intérêt dans une conjoncture critique de sa vie. Vers la fin de 1813, l’armée de Mayence s’étant repliée à l’intérieur par suite du désastre de Leipsick, la ville de Metz se trouva encombrée de soldats blessés et malades, et ne tarda pas à devenir un foyer d’infection. L’actif administrateur établit plusieurs hôpitaux, les visita régulièrement plus d’une fois par jour, et ressentit bientôt les atteintes du fléau qu’il s’appliquait à conjurer. II fut à toute extrémité. La ville entière lui prodigua, à cette occasion, des témoignages de la plus honorable sympathie. Vaublanc recouvre la santé, et le gouvernement de la restauration, dont il embrasse la cause avec ardeur, le maintint dans ses fonctions. Le 27 décembre 1811, Louis XVIII le créa grand officier de la Légion d’honneur. Frappe dès les premiers mois de 1815 d’un mouvement inaccoutumé dans le régiment des grenadiers de l’ex-garde impériale qui tenait garnison dans la ville de Metz, il crut devoir se rendre à Paris pour faire part de ses observations à l’abbé de Montesquieu, alors ministre de l’intérieur ; mais il n’obtint de lui et de Louis XVIII qu’une attention distraite, et ses utiles avis furent malheureusement négligés. À la nouvelle du débar nement de Napoléon, Vaublanc exhorta la garge nationale de Metz à demeurer fidèle au roi, et il prit, de concert avec le brave maréchal Oudinot, gouverneur de la division, toutes les mesures propres à retenir la population dans le devoir. La ville de Metz fut déc arée en état de siége, et les habitants reçnrent l’invitation de s’approvisionner pour trois mois. On a prétendu ue les dispositions de Vaublanc s’étaient modigées à la suite du 20 mars, et qu’il avait écrit à Carnot, ministre de l’intérieur, pour demander a étre maintenu dans sa préfecture de la Moselle. Cette supposition a paru accréditée par une lettre de Carnot, que Van lanc lui-même cite dans ses Mémoires, et où ce ministre lui fait entrevoir le retour prochain de la faveur impériale, dans l’es-


  1. Mémoires du comte Miot, t. 2, p. 221.