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concours de ces autorités et de l’officier supérieur qui l’avait accompagné, il réprima la rébellion, fit mettre aux fers ou en prison dix des plus mutins, et rétablit les officiers dans la plénitude de leur commandement. Au mois de septembre 1791, Vaublanc fut élu député à l’assemblée législative. Au moment de son élection, il promit solennellement non-seulement d’être fidèle à la constitution acceptée par le roi, mais encore de combattre de toutes ses forces les opinions dangereuses qui menaçaient la France d’une entière subversion. Il prit place parmi les royalistes constitutionnels, tels que Pastoret, Quatremère de Quincy, Matthieu Dumas, Ramond, Becquey, Beugnot, etc., et son énergie ne se démentit point sur la scène périlleuse où il était appelé à figurer. Il dénonça courageusement le despotisme des administrations municipales et s’opposa à ce qu’il fût dressé une liste des officiers émigrés qui, plus tard, dit-il, deviendrait pour eux une table de prescription. Il s’efforça également de garantir les prêtres insermentés des persécutions dirigées contre eux. Ces actes dé fermeté n’empêchèrent point toutefois Vaublanc de payer tribut au langage et aux passions du temps. Il insista vivement et à plusieurs reprises pour que l’assemblée votât des mesures rigoureuses contre les princes émigrés. Il fut élu, le 14 novembre, à la présidence de l’assemblée législative, et se trouva chargé, en cette qualité, de rédiger un message au roi, pour lui faire retirer en l’intimidant le cao qu’il avait apposé au décret du 9 de ce mois sur les émigrés. Le but secret de Vaublanc, en prétant son concours à cette démarche, était, dit-on, de provoquer la formation d’une armée royaliste. capable de contenir le parti jacobin, dont la force augmentait de jour en jour, et l’on ajoute qu’il eut dans cet intérêt plusieurs conférences particulières avec les ministres de Louis XVI. Quoi qu’il en soit, l’assemblée fut tellement satisfaite de son travail, que, par une dérogation formelle à ses usages, elle voulut qu’il en fût donné lecture au roi par Vaublanc lui-même. Le ton de ce manifeste était sec et impérieux : « La nation, disait-il, attend de vous des déclarations énergiques ; qu’elles soient telles, que les hordes des émigrés soient à l’instant dissipées. » En rendant compte à l’assemblée de la réception de son message, Vaublanc eut soin de faire remarquer que « le roi s’était incliné le premier, et qu’il n’avait fait que lui rendre son salut ». amené vingt-cinq ans plus tard à s’exprimer sur cet incident à la chambre des députés, Vaublanc motiva sa conduite par le désir de calmer la faction démagogique qu’exaspérait toute espèce de prévenance envers l’infortuné monarque : « Deux mille personnes, dit-il, assistaient à nos séances ; les factieux nous entouraient, la fureur les animait et les poignards étaient dans leurs mains. » Il convient d’ajouter que Vaublanc ne fut d’ailleurs, en cette circonstance, que l’organe de la députation qu’il présidait. Dans un rapport qu’il fit au nom du comité d’instruction publique sur les récompenses nationales, le 28 janvier 1792, on remarque encore cette concession étrange aux préjugés de l’époque : « Longtemps les Français ont été de grands et faibles enfants ; ils ne sont des hommes que depuis la révolution. » L’impartialité nous fait une loi de reconnaître que Vaublanc effaça ces faiblesses par des actes d’un dévouement inébranlable à la cause de l’ordre. Il défendit énergiquement, mais sans succès. le ministre de Lessart contre les attaques de l’abbé Fauchet, et contribua à empêcher que Bertrand de Folleville ne fût décrété d’accusation par l’assemblée. Il repoussa vivement aussi l’amnistie proposée en faveur de Jourdan et des autres assassins de la glacière d’Avignon ; mais ses efforts échouèrent contre la tolérance systématique du parti girondin, et son impuissance lui arracha cette exclamation prophétique, qui excita une vive rumeur : « Vous accordez l’impunité aux assassins : je vois la glacière d’Avignon s’ouvrir dans Paris. » Vaublanc s’éleva avec force, à cette occasion, contre l’existence des clubs, auxquels il imputa tous les malheurs de la France et la compression qui pesait sur l’assemblée elle-même. Peu de jours après, il demanda et obtint un décret d’accusation contre Marat. Quand les girondins, de plus en plus fidèles à leur tactique, accusèrent le général Lafayette d’avoir violé la constitution et compromis la sûreté de l’État, Vaublanc fit preuve d’un grand sens politique en défendant en lui le dernier obstacle qui s’opposait aux débordements de l’anarchie. Il exposa avec beaucoup de détail et d’exactitude les mouvements de son armée et de celle du maréchal Lückner, rétablit la vérité des faits[1] et démontra pleinement que la conduite de Lafayette avait été en tout point conforme aux inspirations de la prudence et du patriotisme. Son discours (8 août) produisit un grand effet sur l’assemblée, qui en ordonna l’impression. Au sortir de cette séance, Vaublanc fut poursuivi par les huées et les menaces de la multitude, à laquelle il sut imposer par son courage et son sang-froid. Il parvint, avec quelques autres députés menacés comme lui, à se réfugier au corps de garde du Palais-Royal, d’où ils s’évadèrent par une fenêtre[2]. Le lendemain, il signala cet attentat à l’assemblée, en demandant l’éloignement immédiat des fédérés et des Marseillais, qui servaient d’instrument à cet odieux système d’intimidation ; mais les girondins firent encore écarter sa proposition. Dans la journée du 10 août, Vaublanc, signalé particulièrement aux fureurs des anarchistes, courut de nouveaux dangers ; un coup de sabre dirigé contre lui fut détourné par un jeune officier du génie. Ce jeune militaire portait un nom

  1. Souvenirs du général Matthieu Damas, t. 2, p. 214.
  2. Ibid., p. 664.