Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 42.djvu/7

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pendant la nuit. Rien n’était encore préparé pour conduire les vaisseaux sur des mers inconnues lorsque Colomb entra en correspondance avec Toscanelli pour la découverte du nouveau monde[1]. Un chanoine de Lisbonne, nommé Ferdinan Martínez, à son retour d’un voyage en Italie, parla au roi (voy. Alphonse V) du mérite et des projets de Toscanelli. Ses paroles firent une forte impression sur l’esprit du monarque, qui le chargea de consulter l’astronome florentin sur les découvertes des Portugais, et sur la nouvelle route proposée pour arriver aux Indes. Toscanelli, dont les idées étaient déjà arrêtées sur ce point, accompagna sa réponse d’une carte hydrographique, sur laquelle était marquée une ligue depuis Lisbonne à l’extrémité occidentale de l’Europe, jusqu’à Quisai (Han Chéou), sur les confins opposés de l’Asie. Cette ligne, subdivisée en 26 espaces, de 250 milles chacun, portait la distance totale entre ces deux villes à 6 500 milles ; ce qui, selon Toscanelli, faisait à peu près le tiers de la sphère, c’est-à-dire 120°. Si ce calcul avait été exact, les avantages de la navigation occidentale sur l’ancienne route eussent été incontestables. Mais Toscanelli, rempli de la lecture de Marco-Polo[2], avait adopté les rêves de ce voyageur sur le prolongement excessif de l’Asie vers l’Orient ; et en établissant son système d’après une donnée aussi fausse, il ne comptait que 120° la où il y en avait 230. D’ailleurs il ne tenait aucun compte du continent américain, dont il ne soupçonnait nullement l’existence, et qui aurait opposé une barrière insurmontable à ce voyage direct de l’Europe au Cathay. Cette erreur faillit devenir fatale à Colomb, auquel Toscanelli avait communiqué son plan par une lettre du 25 juin 1474, et qui n’était qu’un duplicata de celle qu’il avait envoyée à Martinez. Si, en rappareillant des Canaries, ce grand navigateur fit tous ses efforts pour se rapprocher du tropique du Cancer, c’est qu’on lui avait recommandé de s’éloigner du pôle ; et il aurait probablement continué à voguer en pleine mer au sud, si les murmures de l’équipage, et tous les indices d’une terre voisine, ne l’eussent arrêté sur cette route périlleuse pour le mettre dans le chemin de la découverte. Il était tellement imbu des idées de Toscanelli que, lorsqu’il descendit sur l’île Giovanna (Cuba), il crut avoir abordé à la province du Cathay[3]. Ainsi les conseils de cet astronome n’ont influé qu’indirectement sur la découverte de l’Amérique. Mais c’est à lui qu’on doit la construction du gnomon solsticial posé, en 1468, sur le dôme élevé par Brunelleschi sur la métropolitaine de Florence[4]. Toscanelli fit usage de cette méridienne pour déterminer les points solsticiaux, les variations de l’écliptique, et surtout pour corriger les Tables alphonsines (voy. Alphonse X), employées jadis par les astronomes, malgré leur inexactitude à représenter les mouvements solaires et la quantité

de l’année tropique. Toscanelli, en commerce avec le ciel, fut exempt des préjugés de l’astrologie judiciaire. Il répondait à ceux qui lui en parlaient qu’il en trouvait une preuve contraire en lui-même ; car il avait atteint un grand âge, en dépit des constellations qui figuraient dans son horoscope, et dont aucune n’était favorable à la vieillesse. Malgré sa longévité, il n’eut pas la satisfaction d’apprendre les grandes découvertes de Christophe Colomb. Il mourut à Florence, le 15 mai 1182. Voy. Xíménès, Del occchio e nuovo gnomone fiorentino, Florence, 1757, in-4°, p. LXXIII.

A-g-s

.


TOSCANO (Jean-Matthieu), littérateur, né à Milan vers la fin du 15e siècle, cultiva la poésie et employa une partie de son temps à rassembler les pièces des poètes italiens qui avaient écrit en latin. Il composa des odes bibliques et traduisit les psaumes de David, d’après le texte hébreu. Ce dernier ouvrage fut publié par Dorat (voy. Dorat), son ami, dont il se vantait d’être l’élève. Il l’avait connu à la cour de Catherine de Médicis,dont il fut particulièrement protégé. Toscano est aussi l’auteur d’un recueil d’épigrammes et de discours en l’honneur des écrivains qui parurent en Italie depuis la renaissance des lettres. Il mourut en France, peu après l’année 1576. Ses ouvrages sont : 1° Octo cantica sacra, e sacris Bibliís, latino carmine expressa, Paris, 1575, in-8° ; 2° Psalmi Davídis, ex hebraica veritate, latinis versibus expressi, ibid., 1575, in-8° ; 3° Carmína illustrium poetarum italorum, ibid., 1576, 2 vol. in-16. Il avait préparé un troisième volume, qui devait contenir le recueil complet des vers de Marulli (voy. Tarcagnota). 4° Peplus Italiæ, in quo illustri virí.... tam carmine, tum soluta oratione recensentur, ibid., 1578, in-8°, réimprimé, en 1730, par J.-Albert Fabricius, dans le Conspectus thesauri litterarii in Italia, in-8°. Voy. Argelati, Bibliotheca scriptorum mediol., t. 2, 1re partie, page 1507. Il ne faut pas confondre cet auteur avec un autre Matthieu Toscano, Romain, qui, après

  1. Dans la lettre que Toscanelli envoya à Colomb, et qui porte la date du 25 juin 1471, il dit qu’il a obtenu beaucoup de renseignements de l’ambassadeur du grand khan qui s’était rendu auprès du pape Eugène IV, pour lui faire connaître l’attachement que les princes et les habitants de son pays avaient pour les catholiques. Toscanelli ajouta que cet ambassadeur, avec lequel il causa tort longtemps, lui donna des détails sur la magnificence de son souverain, sur les grands fleuves qui arrosaient son empire, sur les villes. etc. D-z-s.
  2. Navarette, dans une note du deuxième volume de sa Collection des voyages et découvertes des Espagnols depuis la fin du 15e siècle, prétend que Mariana a confondu Toscanelli avec Marco-Polo, quoique ce dernier fût né à Venise et eût vécu deux siècles auparavant. Cette erreur de l’historien espagnol a ete réfutéé par les annotateurs valenciens de Mariana, t. 8, p. 293. D-z-s.
  3. Voy. une Lettre au trésorier du roi d’Espagne, dans la Vie de Colomb, par M. Bossi, Milan, 1818, in-8°, p. 187.
  4. Ce gnomon, dont on s’était servi pour la dernière fois en 1510, fut rétabli par les soins de Ximénès et de la Condamine. Del Migliore (Firenze illustrata, p.381) s’est trompé en attribuant cette invention à Ignace Danti. C’est Danti lui-même qui en déclare auteur Toscanelli. Voy. sa traduction italienne du Traité de perspective d’Euclide, Florence, 1573, in-4°, p. 84.