Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 42.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ayant été choisi pour évêque, assista au concile que les Ariens convoquèrent en 360, à Constantinople. St-Hilaire, qui s’y trouvait, défendit devant l’empereur Constance la foi catholique, avec sa fermeté ordinaire. Mais les Ariens l’ayant renvoyé dans les Gaules, ce faux concile adopta une formule contraire à la foi catholique. Après la défaite des Goths par les Huns, vers la fin du 4e siècle, plusieurs de leurs hordes se réfugièrent dans les forèts de la Sarmatie ; ceux qui étaient restés en Orient députèrent leur évêque Ulphilas à Constantinople, en 377, pour prier l’empereur Valens de leur assigner une province de l’empire dans laquelle il leur fût permis de s’établir. Ils promettaient qu’en récompense ils serviraient fidèlement dans les armées romaines. Ulphilas se trouvant dans la capitale de l’empire occupé de sa mission, et apprenant que les chefs des Ariens étaient puissants à la cour, il les rechercha et eut des conférences avec eux. Ils lui représentèrent que les Catholiques et les Ariens n’étaient divisés que par des disputes de mots, qu’au fond leur doctrine était la même, et qu’en faisant des concessions à Valens il réussirait beaucoup plus facilement. On prétend qu’Ulphilas se laissa entraîner ; qu’à sa persuasion les Goths embrassèrent l’arianisme, et qu’ils le portèrent avec eux en Italie et en Espagne. Jusque-là ces peuples avaient suivi fidèlement la doctrine des apôtres, et, d’après des témoignages authentiques, la défection parmi eux fut loin d’être générale. Quoi qu’il en soit, Ulphilas réussit parfaitement dans sa mission, et Valens permit aux Goths de s’établir sur la rive droite du Danube, dans la Mœsie et dans la Thrace. Mais les ordres de ce prince furent mal exécutés. Reçus en apparence comme amis, les Goths furent traités avec la plus grande dureté par les généraux grecs. Poussés au désespoir, ils se concertèrent et se jetèrent sur la Thrace pour la piller. Valens accourut de l’Asie, et s’étant avancé jusqu’à Andrinople, Fritigaire, roi des Goths, lui envoya de nouveau Ulphilas, avec une lettre dans laquelle il lui déclarait, en termes très-soumis, que ses sujets ne demandaient qu’à être traités humainement ; il priait qu’il leur fût permis d’habiter en paix les provinces qui leur avaient été assignées, et d’y cultiver les troupeaux qui faisaient toute leur richesse. Ces demandes modérées furent rejetées avec hauteur, et le 6 août 378 on en vint aux mains. Après un combat sanglant, Valens, complétement défait, fut brûlé dans une cabane où il s’était retiré (voy. Valens). Il est probable qu’après sa mort les Goths quittèrent les erreurs d’Arius. Ce qui est bien certain, c’est que St-Ambroise, St-Jérôme et St-Jean Chrysostome donnent de grands éloges à la pureté de leur croyance, et que l’évangile d’Ulphilas ne porte aucune trace d’arianisme. Ce prélat ne paraît pas avoir survécu aux grands événements de l’an 378, car sous l’empereur Théodose, depuis l’an 379 jusqu’en 395, nous voyons que Théomine, qui sans doute lui avait succédé, était évêque des Goths. D’après le témoignage unanime de l’antiquité, Ulphilas avait traduit en langue gothique les saintes Écritures, l’Ancien et le Nouveau Testament. Philostorge assure qu’il avait omis dans sa traduction les livres des Rois, craignant que cette (partie de nos livres saints, consacrée au récit événements militaires, n’enflammât encore davantage l’ardeur d’un peuple guerrier, motif qui paraît bien léger ; aussi cette assertion est regardée comme extrêmement hasardée. Le même écrivain attribue à Ulphilas la gloire d’avoir inventé les lettres gothiques, ce qui n’a aucune apparence de vérité. Car s’il avait introduit des caractères étrangers, et jusque-là inconnus aux Goths, comment ceux-ci auraient-ils pu le lire, le comprendre ? De quelle utilité aurait été pour eux sa traduction, à moins qu’il n’eût commencé par apprendre à lire à toute la nation ? Ulphilas avait donc devant lui l’alphabet des Goths, lequel appartenait à celui de tous les peuples septentrionaux ; il ne fit que suppléer là où il avait à rendre des sons que les formes, les figures de son alphabet ne pouvaient assez clairement exprimer. Versé dans a littérature grecque, le savant traducteur a pu donner à la langue gothique plus de régularité ; il lui a sans doute imprimé un mouvement qu’elle n’avait point, il en a rendu l’étude plus facile aux Grecs ; mais il n’en a inventé ni les lettres, ni l’alphabet. Junius, Mareschall, Stiernhielm, Fulda, Reinwald, Zahn et les autres savants qui ont examiné sa version, assurent qu’il a traduit le texte grec que l’on appelle byzantin moderne ; il suit son original mot à mot, il conserve fidèlement la construction grecque, autant que cela peut se faire sans blesser les règles de la grammaire gothique, et à cette imitation presque servile il sacrifie quelquefois la clarté. Il décrit avec une exactitude religieuse chaque mot plutôt qu’il ne le traduit ; si quelquefois il n’arrive point jusqu’à l’expression propre, c’est parce que son manuscrit grec était vicieux, ou que, malgré ses efforts, il n’avait pu faire plier la langue gothique à la tournure de la phrase grecque. La traduction d’Ulphilas est, pour les savants qui étudient les antiquités du Nord, d’autant plus précieuse qu’elle présente le plus ancien document écrit dans une des langues septentrionales : elle leur montre le point où ils doivent commencer leurs recherches. Dans les anciens idiomes francique, anglo-saxon, bas allemand, frison, haut-allemand, suève, islandais et scandinave, on n’a encore rien découvert qui appartienne au 4e siècle. Les savants du Nord prétendent, il est vrai, que quelques chants de l’Edda sont du 2e ou du 3e ; mais cette haute antiquité est contestée, et Reinwald qui avait des connaissances si profondes dans les langues septentrionales, assure que ces chants ne peuvent