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patrie aux offres les plus brillantes. Fixé à Genève, il s’y voyait consulté par l’Europe entière. Cependant le duc d’Orléans, par ses instances réitérées, parvînt à lui faire accepter la place de son premier médecin. Ses manières nobles et gracieuses, son empressement à soulager tous les maux, ajoutèrent un sentiment d’affection à la haute estime que l’on ne pouvait refuser à ses rares talents. l’extrême variété de ses connaissances et le charme de sa conversation rehaussé par la physionomie la plus heureuse, firent rechercher le docteur Tronchin, comme homme du monde, par ceux qui n’en avaient pas besoin comme médecin. Il compta parmi ses amis les hommes les plus illustres dans la philosophie et dans les lettres, tels que Voltaire, J.-J. Rousseau, Diderot, Thomas, etc. Voltaire, qu’il avait beaucoup contribué à fixer dans le voisinage de Genève et qu’il assista dans sa dernière maladie, a célébré ses talents dans des vers qui feront passer son nom à la postérité. Étranger à tout système, il s’efforçait constamment de propager une hygiène simple et naturelle. Les femmes et les enfants étaient l’objet de ses soins particuliers ; chez les unes, il traita la maladie alors à la mode (les vapeurs), par le grand air, l’exercice et l’occupation ; il affranchit les autres, autant que possible, des ligatures qui déformaient leur taille et détruisaient leur santé. Il fit disparaître la méthode absurde d’enfermer les malades dans une atmosphère empestée, en les privant de toute communication avec l’air extérieur. Il perfectionna les procédés de l’inoculation, en substituant les vésicatoires à l’incision, toujours un peu douloureuse, et surtout effrayante pour les enfants. Naturellement sensible et bienfaisant, il consacrait régulièrement deux heures par jour à recevoir les pauvres. Pendant) ces consultations, il avait un sac d’argent près de lui, donnant à chaque malade de quoi se procurer les médicaments qu’il prescrivait. Ses libéralités étaient si nombreuses que, malgré le produit très-considérable de l’exercice de son art, il ne laissa à ses enfants qu’une fortune médiocre/Tronchin mourut à Paris le 30 novembre 1781, dans sa 73° année. Thomas a fait de Tronchin un touchant éloge dans une Lettre à madame Necker (18 jauvier 1782) (1). Tronchin était trop occupé pour pouvoir laisser beaucoup d’écrits. Outre des articles de médecine dans l’EneyeIopédie et une édition des Oeuvres de Baillou (soy. ce nom) avec une préface, on n’a de lui que deux thèses : De nympho ; De clytoride, Leyde, 1736, in-&°, et un petit traité : De colica pictorum, Genève, 1757, in-8° (2), qui fut vivement critiqué par Bouvart (voy. ce nom) ; et enfin des Observations sur la cure d’une ophtalmie et sur des hernies épiploïques internes,

Voyez aussi le Portrait du docteur Tronchin par Grimm, dans C nd n i 1182.

sa orrnpo a ce. ma

(2l Ce livre est intitulé, dans quelques dictionnaires, De celica Ptctoium ; ce qui voudrait dira la colique des Poitevin, au lieu de la colique des peintres.

XLH.

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dans le tome 5 des Mémoires de

I'Académie de chirurgie. Senebier assure (Histoire littéraire de Genève, t. 3, p. 140) que Tronchin avait laissé en manuscrit un grand nombre d’ouvrages précieux sur presque toutes les parties de l’art de guérir ; mais on ignore ce qu’ils sont devenus. Le zèle de Tronchin pour l’inoculation et sa pratique éclairée sont ses titres ii l’estime publique. Il était membre des principales académies de l’Europe. Louis et Condorcet prononcèrent son éloge, le premier à l’Académie de chirurgie et le second a l’Académie des sciences. On trouve une Notice sur Tronchin dans le Nécrologe des hommes célèbres de France, t. 17, p. 257-269. Les journaux et les mémoires contemporains contiennent sur lui des détails et des anecdotes qui n’ont pu trouver place dans cet article. Son portrait a été gravé d’après Liotard, in-1.°, avec une rare perfection. S-v-s et W-s.

TRONCHIN (Jean-Robert), jurisconsulte, parent du précédent, naquit à Genève en 1711. Il n’avait que vingt-huit ans lorsque sa profonde connaissance du droit 'public le fit choisir pour négociateur d’un traité entre le roi de Sardaigne et la république de Genève. Nommé bientôt après procureur général, il se vit à la tête de l’ordre judiciaire de son pays. On y conserve, dans les archives, ses réquisitoires et ses conclusions en matière criminel e comme des chefs-d'œuvre de savoir, de raisonnement et de style. Quelques uns des discours qu’il prononça dans le grand conseil sont imprimés et pourraient soutenir la comparaison avec ceux des orateurs les plus célèbres. Il était généralement regardé comme fort supérieur à sa place. C’est ce que Voltaire a exprimé d’une manière un peu triviale. en disant que le procureur général Tronchin à Genève lui semblait le grand acteur Baron sur un théâtre de la foire. Lord Mansfield, grand juge d’Angleterre, disait plus noblement : u Dans notre pays, « Tronchin eût été chancelier. › Les arrêtés du conseil d’État au sujet de l’Emile et du Contrat social de Rousseau et de la personne de ce célèbre écrivain donnèrent lieu à des discussions orageuses. Tronchin prit la défense du gouvernement dans un ouvrage intitulé Lettres écrite.: dela campagne, qui ajouta à sa réputation. Jean-Jacques y répondit par les Lettres de la montagne, dont l’éloquence trop passionnée accrut l’effervescence du peuple genevois et fit triompher la démocratie. Les mesures qui furent prises pour apaiser momentanément ces dissensions étant peu conformes aux principes que professait Tronchin, il renonça aux affaires publiques et se retira à la campagne. C’est la qu’il fit le plus noble usage d’une fortune considérable, dotant plusieurs établissements de charité, recherchant le mérite indigent, soutenant les jeunes gens que l’insuffisance de leurs moyens aurait arrêtés dans la carrière vers laquelle ils se sentaient portés. Les étrangers les plus distingués étaient accueillis 26