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devaient être aussi le théâtre de sa mort. Surpris le 16 mai 1838 dans le hameau de Puisernan de Laneran, il fut fait prisonnier par les troupes de la reine, après une vigoureuse résistance, et conduit à Solsonne, où dès le lendemain on le fusilla par ordre de l’inexorable capitaine général et malgré les prières des habitants, qui demandèrent sa grâce. — Un autre Tristany (Raphaël), probablement de la même famille que Benedito, a paru dans le royaume de Navarre à la tête des bandes qui ont pris les armes pour la famille de don Carlos.

M-d j.


TRITHÈME ou TRITHEIM (Jean), historien et théologien, naquit le 1er février 1462, dans l’électorat de Trèves, à Trittenheim ; et c’est de ce nom qu’on a formé le sien. Son père est désigné par ceux de Joannes de Monte, Jean Heidenberg ou Eidenberg, et qualifié tantôt vigneron, tantôt chevalier. On dit aussi qu’Elisabeth de Longovico ou de Longwi, mère de Trithème, était d’une noble famille. Ayant perdu son époux douze à quinze mois après la naissance de leur fils, elle resta sept ans veuve, et prit ensuite un second mari, dont elle eut plusieurs enfants : ils moururent tous fort jeunes, excepté un seul, nommé Jacques. L’éducation de Jean Trithème avait été fort négligée. À peine à quinze ans avait-il commencé d’apprendre à lire : mais il se sentait du goût pour l’étude ; et ce penchant devint si vif, qu’il résolut de s’y livrer, malgré la défense de son beau-père. Les menaces et les mauvais traitements ne l’effrayèrent plus ; et s’il ne pouvait étudier à son aise en plein jour, il allait passer une partie de la nuit chez un voisin, qui lui enseignait tant bien que mal à tire, à écrire, à décliner et conjuguer des mots latins. Il vit bientôt que cette instruction ne le conduirait pas fort loin, et prit le parti de quitter la maison maternelle, impatient de fréquenter de meilleures écoles. Ses talents se développèrent à Trèves, puis en quelques autres villes, particulièrement à Heidelberg. Lorsqu’il crut avoir acquis un assez grand fonds de connaissances, l’idée lui vint de retourner à Trittenheim. Il se mit en route au commencement de l’année de 1482 : le 25 janvier il arrivait à Spanheim. Les neiges qui tombèrent durant toute cette journée le forcèrent de s’arrêter au monastère de ce lieu, non sans un secret pressentiment qu’il y fixerait sa demeure. En effet, après y avoir séjourné une semaine, il déclara qu’il renonçait au monde, quitta l’habit séculier le 2 février, fut admis au nombre des novices le 21 mars, et fit profession le 21 novembre. Il était encore le dernier des profès quand ses confrères l’élurent pour abbé, le 9 juillet 1482. Si l’on voulait supposer, contre l’opinion de Mercier de St-Léger (Mém. À la suite du Sup. de l’Hist. de l’imprim. de Pr. Marchand), qu’alors l’année commençait à Pâques en Allemagne, il y aurait lien de modifier les dates que nous venons d’énoncer, et de substituer à 1482 et 1483, 1483 et 1484. Mais dans cette hypothèse peu plausible, l’élection de Jean Trithème, âgé de vingt-deux ans et demi au plus, semblerait encore bien précoce. Pour en être moins étonné, il faut songer d’une part que, studieux comme il était, et doué des plus heureuses dispositions, il avait dû faire de grands progrès durant les six ou sept années précédentes ; de l’autre, qu’à la fin du 15e siècle, les monastères de l’ordre de St-Benoît ne se peuplaient que de sujets fort médiocres, et ne possédaient plus à beaucoup près autant d’hommes de mérite qu’ils en avaient compté jadis et qu’ils en ont retrouvé depuis. Aussi l’abbaye dont Trithème prenait possession était-elle dans un état si déplorable qu’effrayé des obligations qu’il venait de contracter, il craignit de n’avoir point assez d’expérience et d’autorité pour les bien remplir. On avait négligé même le soin du temporel. Les bâtiments tombaient en ruine ; les biens étaient aliénés, ou engagés, ou mal régis. D’énormes dettes, qu’il fallait payer, rendaient cette administration de plus en plus difficile. Cependant le jeune abbé vint à bout de remédier à tant de désordres : il fit des réparations et des constructions, opéra des remboursements, rétablit l’équilibre entre les recettes et les dépenses. Son zèle s’exerçait avec plus d’ardeur encore sur le régime intérieur et moral de sa communauté. Il exigea des mœurs plus régulières ; et persuadé qu’aucune réforme ne serait efficace au sein de l’ignorance et de l’oisiveté, il s’efforça de ranimer les études sacrées et profanes. Dans ses sermons à ses moines, il leur recommande surtout de lire et d’écrire : selon lui, le meilleur travail manuel auquel ils puissent se livrer est de transcrire des livres. Il voudrait les voir presque tous occupés de cet exercice honorable ou des services accessoires qu’il entraîne, comme de préparer le parchemin, l’encre et les plumes ; de régler les pages, de corriger les fautes, d’enluminer les titres et les capitales, et de relier les tomes. Au moyen de ces copies et des acquisitions qu’il faisait, soit d’anciens manuscrits, soit des livres qui s’imprimaient depuis 1450, il parvint à former une riche collection. Il n’avait trouvé dans ce couvent que quarante-huit volumes, ou même que quatorze, à ce qu’il dit quelque part : il y en avait seize cent quarante-six en 1502, et bientôt après deux mille, en tout genre et en toutes langues, spécialement en latin, en grec et en hébreu. On venait voir par curiosité cette bibliothèque nouvelle, qui paraîtrait si chétive aujourd’hui. On était d’ailleurs assez attiré à Spanheim par le désir de connaître le savant abbé, dont la réputation s’était rapidement étendue. Des seigneurs, des prélats, des hommes de lettres, accouraient d’Italie, de France et de toutes les parties de l’Allemagne pour jouir de ses entretiens. Les princes qui ne pouvaient le visiter eux-mêmes lui envoyaient,