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dépourvue à dessein d’ornements, mais portant coup presque toujours. Il convient cependant de rappeler une affaire qui lui donna pour client prince d’abord son adversaire, le duc d’Orléans, depuis roi des Français. Le duc réclamait d’un sieur Julien la propriété du Théâtre-Français. Il avait pour organe un autre avocat en renom, M. Dupin ainé, appuyé d’ailleurs sur le conseil du prince. Mais telle fut la lumineuse discussion à laquelle se livra l’avocat de Julien qu’il amena une transaction honorable pour tous. Le duc d’Orléans sut si bien apprécier le talent du jurisconsulte qui venait de combattre sa réclamation, qu’il l’appela à faire partie de son conseil privé, dont il devint la lumière, au témoignage d’un vénérable magistrat, Henrion de Pansey. Le talent de Tripier ne fut pas même atteint par les années ; cependant, en 1823, une faiblesse éprouvée à l’audience le détermina à laisser la plaidoirie pour ne se livrer qu’à la consultation. Un illustre émule, M. Berryer, lui adressa alors de touchants adieux : « Si dans nos luttes judiciaires, disait-il de Tripier, il a pu rencontrer parfois des adversaires heureux, toujours il sut se montrer notre modèle et notre maître… » À côté des plaidoiries de Tripier, empreintes d’une rare vigueur, d’une force d’argumentation peu commune, il convient de placer ses consultations, laconiques il est vrai, mais substantielles. Il se livrait désormais à cette nouvelle forme de la science juridique, lorsque ses confrères lui décernèrent le bâtonnat, « cette suprême récompense, due à son immense mérite », dit M. Josseau. Mais la magistrature réclamait le concours de ses lumières et de son expérience. À la fin de l’année 1828, il fut nommé conseiller à la cour royale de Paris. Il devint président de chambre après la révolution de juillet ; enfin, en 1831, il fut appelé à siéger à la cour suprême. Le magistrat fut digne de l’avocat. Ce qu’il demandait au juge, alors qu’il cherchait à faire pénétrer la conviction dans son esprit, c’était l’attention ; ce qu’à son tour il se lit une religion d’accorder aux justiciables, à ceux qui avaient été ses confrères, ce fut également une oreille bienveillante, que rien ne pouvait distraire. Comme homme politique, Tripier marqua moins, quoique toujours d’une façon estimable, dans l’histoire contemporaine. Peut-être tenait-il à ne pas affaiblir dans la polémique des partis sa haute renommée comme jurisconsulte. Toutefois, devenu, en 1822, une nouvelle fois membre de la chambre des députés, nommé ensuite pair de France, il s’attacha partout à répandre sur des questions ardues les lumières de son expérience. Ainsi lit-il toutes les fois qu’il s’agit de prononcer sur les lois relatives à des intérêts commerciaux ou civils, administratifs ou judiciaires. Dans le nombre des rapports ainsi marqués du cachet de sa science, nous citerons son travail sur les faillites, qui restera toujours nu 163 un chef-d’œuvre de savoir et de clarté. Dans la vie privée, un esprit judicieux comme celui de Tripier ne pouvait guère présenter de dissonances : il fut simple, même parmi les honneurs qui vinrent le chercher. S’il lui arrivait d’avoir des loisirs, il allait les passer à sa campagne de Noisy-le-Sec, où bien souvent on rencontrait le puissant dialecticien des audiences du palais occupé à jardiner, à bècher quelque coin de terre. Noisy-le-Sec, dont il était maire, lui dut sa prospérité, et l’élite de ses habitants parut à la suite du cortège des célébrités qui accompagnèrent Tripier à sa dernière demeure. Il mourut en quelque sorte à la peine, le 26 août 1840. Chargé d’un de ces rapports qu’il faisait si lucides, il ne put l’achever ; il avait excédé ses forces ; le procureur général lui en ayant fait un affectueux reproche : « Mon ami, répondit-il avec calme, il le fallait bien, c’était une affaire indiquée. » Ainsi il suffisait que la besogne fût indiquée pour que ce grand jurisconsulte n’y faillit point ! Des voix éloquentes se sont fait entendre sur sa tombe, ou plus tard dans diverses enceintes où l’on était habitué à entendre prononcer son nom. MM. Mauguin et Josseau, et après eux, M. Dupin (Discours de rentrée de la cour de cassation, 9 novembre 1840), ont rendu à Tripier la justice que lui doit la postérité, et dont ils se sont faits les éloquents précurseurs. Un jurisconsulte, aujourd’hui magistrat distingué, M. Oscar Pinard, a

également et éloquemment apprécié l’éminent jurisconsulte.

R-Ld.


TRIPPEL (Alexandre), sculpteur, né à Schaffhouse en 1747, mourut à Rome en 1793. À neuf ans, il fut envoyé chez un parent, à Londres, pour apprendre la menuiserie et la construction des instruments de musique ; mais le génie du jeune artiste le dirigea vers l’art du sculpteur. Il se perfectionna dans le dessin, et suivit son frère à Copenhague. Le professeur Wiedevelt devint son maître en sculpture. Après huit ans de séjour en Danemarck, il se rendit à Berlin, où ses espérances furent trompées. De retour à Copenhague, il fut couronné plusieurs fois à l’académie. Après un séjour de trois ans à Paris, où il se fit connaître par le beau modèle de son groupe allégorique sur la Suisse, il se rendit, en 1777, à Rome, où il travailla avec beaucoup de succès jusqu’à sa mort. Une partie considérable de ses ouvrages se conserve en Russie. Il se distingua autant par la noble simplicité dans l’invention, que par la finesse, la netteté et la justesse d’exécution. Son goût, perfectionné par l’étude des antiques, se reconnaît dans tous ses bas-reliefs, dans ses bustes et dans ses groupes allégoriques. Une biographie de cet artiste, accompagnée d’un portrait, se trouve dans le 54’ volume de la Nouvelle bibliothèque des beaux-arts (en allemand).

U—i.


TRISSINO (Giovan-Georgio), poëte italien, appelé en France Trissin ou le Trissin, naquit à Vicence,