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préserver cette ville des ravages de l’incendie. En récompense, il fut nommé vice-amiral ; mais les fatigues qu’il avait éprouvées dans ce commandement difficile ayant altéré sa santé, il se vit forcé de revenir en France. Quelques mois de séjour à Paris suffirent pour opérer son rétablissement, et il reçut ordre d’aller à Toulon pour y prendre le commandement de l’armée navale. À peine fut-il arrivé que les symptômes de la maladie qui avait nécessité son retour en Europe prirent un caractère plus grave. Dès les premiers moments de son indisposition, pressé par ses officiers de se faire transporter à terre, pour y être plus à portée des secours de l’art, il s’y refusa, en disant : Un amiral est trop heureux lorsqu’il peut mourir nous le pavillon de son vaisseau. La Touche eut en effet cette consolation ; il succomba le 19 août 1804, à bord du vaisseau le Bucentaure. H-q—n.


TOUCHE (Guimond de la). Voyez Guimond.


TOUCHET (Marie), fille d’un apothicaire d’Orléans, née en 1549, est l’unique maîtresse à laquelle il paraît que Charles IX se soit attaché. On ignore l’époque précise où commencèrent les amours de ce prince avec la belle Touchet ; seulement on sait que cette liaison est antérieure au mariage du roi, qui eut lieu en 1570, et que mademoiselle Touchet, en voyant le portrait d’Élisabeth d’Autriche, que ce prince allait épouser, dit : L’Allemande ne me fait pas peur. En effet, la passion de Charles IX dura jusqu’à sa mort. N’osant parler d’elle à sa mère, il la recommanda alors à un de ses favoris. La mort du roi porta un coup funeste à la fortune de Marie Touchet ; maîtresse, depuis plusieurs années, d’un prince aussi généreux que Charles IX, elle pouvait être riche ; mais il ne paraît point qu’elle eût, comme la favorite qui l’avait précédée, ni terres ni grands établissements. Elle épousa, à la fin de l’année 1578, François de Balsac d’Entraigues, gouverneur d’Orléans et chevalier des ordres du roi. Ce mariage lui donna à la cour une existence brillante, qu’elle soutint par une conduite sage et même sévère. Mère de deux filles d’une beauté remarquable, elle les surveilla avec une vigilance extrême ; mais le succès ne répondit pas à ses bonnes intentions, puisque l’aînée, la célèbre marquise de Verneuil, fut maîtresse de Henri IV, et que l’autre vécut dix ans avec le maréchal de Bassompierre et en eut un fils, sans pouvoir le décider à l’épouser. On peut voir, dans les mémoires de Sully, combien madame d’Entraigues opposa d’obstacles à la passion de Henri IV. Après la mort du roi, qui diminua beaucoup à la cour le crédit de la maison d’Entraigues, Marie Touchet termina sa vie dans la retraite ; elle s’y livrait à des lectures solides et dignes de son esprit, que le Laboureur appelle incomparable. On apprend par un sonnet que lui adressa Berthaud, évêque de Séez, que les œuvres de Plutarque étaient l’objet favori de ses études. Marie Touchet eut de Charles IX deux fils : l’un mourut enfant ; et l’autre Charles, bâtard de Valois, reçut le titre de duc d’Angoulême et fut père du dernier duc de ce nom (voy. Angoulême). Mézerai a prétendu que Marie Touchet avait été mariée du vivant du roi : mais il se trompe, puisque Jacqueline de Rohan, première femme de Fr. de Balsac d’Entraigues, ne mourut qu’un mois de janvier 1578, quatre ans après la mort du roi. Un courtisan avait fait ainsi l’anagramme de Marie Touchet :

Je charme tout.

B—y.


TOU-FOU, surnommé Tseumeï, l’un des plus célèbres poètes de la Chine, naquit vers le commencement du 8e siècle, à Siang-yang, dans la province de Hou-kouang, et non pas in King-tcheou, dans le Chen-si, comme l’a dit le P. Amiot. Ses ancêtres s’étaient depuis longtemps distingués par leurs talents et par les hautes charges qu’ils avaient occupées ; et Tou-chinyan, son aïeul, avait composé des poésies, dont il nous est resté dix livres. Tou-fou, dès sa jeunesse, annonça d’heureuses dispositions ; et toutefois il n’obtint pas de succès dans ces concours littéraires qui ouvrent a la Chine la route des emplois et de la fortune. Il renonça donc aux grades et à tous les avantages qu’il eut pu en espérer pour son avancement : et son goût l’entraînant vers la poésie, il devint poète. Ses vers ne tardèrent pas à le faire connaître ; et dans l’espace qui s’écoula entre 742 et 755 il donna trois de ces poëmes descriptifs qu’on nomme en chinois fou. Le succès de ces ouvrages lui valut les faveurs du souverain, qui voulut lui donner des fonctions à sa cour, ou lui confier l’administration d’une province. Tou-Fou se refusa à ces bienfaits et n’accepta qu’un titre, honorable à la vérité, mais tout à fait inutile à sa fortune. À la fin, lassé de l’état de gêne qui le poursuivait dans son infructueuse élévation, il adressa à l’empereur une pièce de vers, où il peignait sa détresse avec cette liberté que la poésie autorise et semble ennoblir. Sa requête fut favorablement accueillie et lui valut une pension dont il ne jouit pas longtemps, parce que, cette année même, l’empereur fut contraint d’abandonner sa capitale à un rebelle. Tou-fou, fugitif de son côté, tomba entre les mains d’un chef des révoltés ; mais sa qualité de poète et le dédain qu’elle inspira aux officiers qui l’avaient pris le servirent mieux que leur estime n’aurait pu faire. Il trouva moyen de s’échapper et se réfugia, en 757, à Foung-thsiang, dans le Chien-si. C’est de cette ville qu’il s’adressa au nouvel empereur (Sou-Tsoung). Il n’en fut pas moins bien traité qu’il ne l’avait été du prédécesseur de ce prince ; mais ayant voulu user des prérogatives de la charge qu’on lui avait donnée, et défendre avec hardiesse un magistrat qui avait encouru la disgrâce du prince, il se vit lui-même éloigné de la cour et relégué, en qualité de sous-préfet, à