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que MM. Ampère, de Beaumont, de Broglie, Mole, Dufaure, Duvergier de Hauranne, ou avec des contemporains tirés d’une obscurité volontaire par ce commerce épistolaire avec lui. Des étrangers, parmi lesquels il en est qui ont acquis un renom européen, tels que Bunsen, Grote, Senior, Reeve, Lewis, Stuart Mill, figurent également dans cette galerie. Le style y est toujours surveillé ; on sent l’écrivain qui deviendra ou est devenu un académicien mais il se montre tel qu’il est, avec les luttes et même les contradictions habituelles de notre nature. Ambitieux à son heure, il ne s’en cache point :

« Je suis ici, écrivait-il de Ver-
« sailles à M. Louis de Kergorlay, alors qu’il
« était juge auditeur au tribunal de cette ville,
« je suis ici le plus faible, et quoique le fonds
« d’orgueil qu’il y a en moi, comme en tout
« autre, me dise qu’après avoir travaillé autant
« que mes collègues, je les vaudrai bien, je me
« sens cependant tout froissé. En général, il y a
« en moi un besoin de primer qui tourmentera
« cruellement ma vie.... » « L’orgueil que je
« possède, dit-il encore à ce même ami, est tou-
« jours inquiet et mécontent, non pas envieux
« pourtant, mais mélancolique et noir : il me
« montre toutes les facultés qui me manquent et
« me désespère à l’idée de leur absence. »

Parfois cependant il a des retours ; il cave moins haut, suivant son expression, et « le bonheur intérieur lui semble un plus grand objet qu’il ne lui paraissait ». « Voilà, ainsi que le fait remarquer un spirituel écrivain, M. Prevost-Paradol, avec quelle candeur il décrivait cette lutte que nous portons presque tous en nous-mêmes, entre l’ambition inquiète et le désir découragé du repos. » Cependant l’auteur des Causeries du lundi eût voulu Tocqueville, « comme philosophe politique, supérieur d’un degré, c’est-à-dire plus calme et plus froid. Nous le posséderions encore ! » dit-il. Peut-être ; mais sa gloire y eût-elle gagné ? On annonce la prochaine publication d’une édition des Œuvres complètes de Tocqueville, qui formera neuf volumes, comprenant, outre les œuvres déjà publiées, trois nouveaux volumes intitulés :

1e Correspondance entièrement inédite ;

2e Mélanges littéraires, Souvenirs et Voyages ;

4e Mélanges académiques, économiques et politiques.

Tocqueville a été apprécié dans de nombreux articles dus à la plume de plusieurs publicistes français et étrangers. Nous renvoyons à cet égard aux deux publications de M. de Beaumont, qui lui-même a consacré à son illustre ami une notice pleine de cœur et de saine appréciation, en tête des Œuvres et Correspondance inédites, qu’il a fait paraître en 1861.

R-LD.


TOD (James), lieutenant-colonel au service de la compagnie des Indes, né en 1782, partit pour le Bengale en 1800, ayant obtenu un brevet de sous-lieutenant dans le 2e régiment. Ennuyé d’une situation pacifique qui le condamnait à l’oisiveté, il se présenta comme volontaire pour prendre

TOD

part à une expédition dans les îles Moluques ; il passa dans l’infanterie de marine et servit à bord du vaisseau le Mornington. Revenu dans l’Inde en 1805, le jeune officier fut attaché à une ambassade envoyée auprès de Scindia, le chef des Mahrattes. Il en résulta pour lui une longue résidence dans le Rajpostana, une des plus vastes provinces de l’Inde centrale, jusqu’alors fort peu connue. Il se consacra avec un zèle infatigable à des recherches sur la géographie, l’histoire et les antiquités du pays. En 1815, il acheva de dresser une carte très exacte et très détaillée qui fut de la plus grande utilité pour la campagne entreprise en 1817, toutes les cartes antérieures étant très fautives. En 1817, Tod fut investi, avec le titre d’agent politique, d’un contrôle absolu sur l’administration de cinq États qui venaient de se placer sous la domination britannique. Sa santé affaiblie par un climat redoutable aux Européens l’obligea, en 1823, de retourner en Angleterre. Il s’y occupa surtout de travaux littéraires, il rédigea un grand ouvrage intitulé les Annales du Rajasthan, en 2 volumes in-8o, publiés en 1829 et en 1832. Ce travail important, accompagné de cinquante gravures dues au burin de Finden, obtint les suffrages de tous les savants capables d’en apprécier le mérite. Silvestre de Sacy lui a consacré trois articles, en 1834 dans le Journal des Savants. Tod remplit quelque temps les fonctions de bibliothécaire de la société royale asiatique. En 1834, il fit un voyage dans le midi de l’Europe, et il séjourna quelque temps à Rome, s’occupant à écrire la relation d’un Voyage dans l’Inde occidentale, voyage qu’il avait entrepris dans le cours de la dernière année qu’il avait passée en Asie. Revenu à Londres, il succomba, le 17 novembre 1835, à une attaque d’apoplexie. Le Voyage, qu’il avait achevé de rédiger, parut en 1839 et forme un volume in-4o, intéressant en raison des détails qu’il renferme sur des pays fort peu connus et sur des lieux de pèlerinage, objets de la plus profonde vénération de la part des Hindous. Comme administrateur, Tod s’était fait remarquer par son équité et par son zèle pour le bien-être des populations indigènes ; il les aimait, il avait acquis une connaissance intime de leurs mœurs et de leur langage, et il avait obtenu toute leur affection.

Z.

TODD (Henri-John), littérateur anglais, né en 1763, fit ses études au collège d’Hertford à Oxford ; il embrassa la profession ecclésiastique et devint chanoine de seconde classe à Canterbury. En 1792, il fut placé à la paroisse de Milton, près de la ville que nous venons de nommer, et quelque temps après il fut attaché à l’église de Tous-les-Saints dans la cité de Londres. L’archevêque de Canterbury le nomma en t803 conservateur des manuscrits au palais de Lambeth. En 1820, il quitta la capitale par suite de son élévation au rectorat de Settrington, dans