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de jeu, contre le divorce, contre la loterie nationale, et il en appela de Mercier législateur à Mercier auteur du Tableau de Paris. (Voy. MERCIER (1)[1].) Devenu hostile au directoire, Boissy d’Anglas attaqua presque tous ses actes. Il fit une motion d’ordre sur l’inconvenance de nommer des comités généraux pour discuter des messages que le directoire faisait imprimer le lendemain dans les journaux. Il appuya le projet de Daunou sur la répression des délits de la presse ; fit ajourner le projet sur le divorce ; lut son rapport contre les maisons de jeu ; parla contre les écrivains qui provoquaient les conspirations par leurs écrits ; enfin il s’opposa à ce que les tribunes fussent fermées aux journalistes. Le vaste ensemble des travaux législatifs de Boissy d’Anglas mériterait d’être présenté au moins comme sujet d’étonnement ; mais nous devons nous borner à citer les plus remarquables. Il demanda que le directoire fit connaître les mesures qu’il avait prises contre les prêtres perturbateurs il annonça que son collègue Louvet, rédacteur de la Sentinelle, était en jugement comme calomniateur, et proposa qu’on discutât le mode de punir les députés prévenus de ce délit. Il appuya le projet contre l’arrêté du directoire qui interdisait l’exercice des droits politiques aux prévenus d’émigration. Il combattit le serment proposé par le directoire pour les électeurs, comme contraire à la liberté des cultes. Il demanda la translation du corps électoral de Nevers, traita ceux qui l’interrompaient de protecteurs, de faiseurs d’anarchie, et il fut rappelé à l’ordre. ― Réélu député au conseil des cinq-cents en 1796, par le département de la Seine, il réclama contre l’injustice barbare qui avait mis hors la loi les émigrés rentrés, et proposa à cet égard un projet qui fut rejeté. Il vota pour qu’on s’occupât de l’instruction publique ; il s’éleva contre les confiscations ; appuya le projet de retirer au directoire la nomination des agents aux colonies. Il ne voulait pas qu’on l’autorisât à en envoyer de nouveaux à St-Domingue, et il désigna l’amiral Truguet comme ayant déterminé le malheureux choix de Sonthonax. Il prononça (6 mars 1797) un Discours sur la proposition de remettre ou de commuer la peine des criminels qui révèlent leurs complices.

« Un scélérat, dit-il, fort
« de l’impunité que votre loi lui aura garantie,
« viendra s’accuser lui-même, à tort ou à raison,
« d’une conspiration qui aura ou n’aura pas existé,
« et nommer, comme ses complices, les citoyens
« qu’il aura le projet de perdre, ou que la faction
« qu’il voudra servir aura le besoin de proscrire…
« Ceci ressemble trop aux conspirations des prisons,
« inventées par nos derniers tyrans ; »

et il demanda sur l’entier projet la question préalable. Il appuya

(1) Ce fut à cette époque que parut un pamphlet intitulé : Vie de Boissy d’Anglas, membre des cinq-cents, traité sans égard et comme il le mérite, par le citoyen, B….. (sans date, in-8o (de 8 pages). C’est un libelle dégoûtant, dont je ne citerai que ce passage : « Malgré tes spécieux raisonnements, ton système ne triomphera pas, et pour l’avantage, pour la consolation du pauvre, les loteries seront rétablies, et la république percevra un impôt de plus sans que personne en soit blessé….. C’est avec raison qu’on t’a donné le sobriquet de Boissy-Famine. Personne n’ignore que tu aurais voulu enterrer le peuple tout vivant, etc. »

BOI

les propositions de Dumolard sur le silence gardé par le directoire à l’occasion des révolutions de Gênes et de Venise. En même temps qu’il poursuivait ainsi le directoire, il fut accusé lui-même, par une société populaire, de travailler à la contre-révolution. Le 14 mars, il lut à la tribune un nouveau Discours sur la liberté de la presse (an 5, in-8o). (1)[2] Il prononça, le 11 juillet 1797, une Opinion sur la liberté et la police des cultes. Enfin il demanda qu’on rejetât l’usage des cloches comme dangereux : mais il ne voulait pas de persécution. Alors le 18 fructidor n’était pas loin. Boissy se plaignit de la destitution des ministres, de l’apparition à Paris d’une foule de brigands, et il provoqua l’ouverture de la discussion sur la réorganisation de la garde nationale, déjà demandée par Pichegru. Il parla aussi sur le projet concernant la garde du corps législatif. Ses dernières paroles, dans le conseil des cinq-cents, exprimèrent la demande que les affiches dont se couvraient les murs de la capitale fussent soumises au visa de la police. Boissy, qui avait eu, dans beaucoup de circonstances, le courage de ses opinions, fut compris comme complice du parti clichyen, avec tant d’autres illustres victimes, sur la liste des déportés de fructidor ; et, pour justifier cette inique mesure, le directoire exécutif, qui d’ailleurs se mutila lui-même, fit imprimer des notes suspectes sur Boissy d’Anglas, annoncées comme ayant été trouvées dans les pièces de la conspiration Brotier et la Villeheurnoy. Il échappa à la déportation à Sinnamari en se tenant caché et muet pendant deux ans. La carrière démocratique de Boissy d’Anglas se termina, comme tant d’autres, par une proscription : il avait été nommé membre du conseil des cinq-cents par soixante-douze départements ; et il s’était écrié, à la nouvelle de ce triomphe unique dans nos fastes législatifs : Ils ne savent ce qu’ils font ; ils me nomment plus que roi. Il n’était monté que cinq fois à la tribune, dans la longue session de l’assemblée constituante. Après le 9 thermidor, il avait pris plus de quatre-vingts fois la parole à la convention, et il avait parlé dans soixante-treize séances du conseil des cinq-cents. Dans les derniers temps du directoire, il vint se constituer prisonnier à l’île d’Oléron, afin d’éviter la spoliation qui menaçait sa famille. Il ne reparut à Paris qu’après le 18 brumaire, et fut nommé membre du tribunat en 1800. Cette assemblée l’élut président le 24 novembre 1803. Il entra au sénat le 8 février et reçut alors le titre de comte, qui fut aussi conféré à plusieurs de ses collègues de la convention. En 1806, après la paix de Presbourg, il prononça, dans le sénat, un discours à la gloire de Napoléon ; et le 6 novembre 1809 il lui adressa encore, à la tête de l’Institut, dont il était membre, les félicitations de ce corps, à l’occasion de la paix de Vienne. Un mois après, il fut présenté par le sénat comme candidat pour une sénatorerie. Cette

(1) Ce discours fut réimprimé en 1814 par les soins de M. Auguis, et, en 1817, dans le Recueil des discours sur la liberté de la presse, publié chez Mongie, in-8o de 120 p.

  1. (1) Ce fut à cette époque que parut un pamphlet intitulé : Vie de Boissy d’Anglas, membre des cinq-cents, traité sans égard et comme il le mérite, par le citoyen, B….. (sans date, in-8o (de 8 pages). C’est un libelle dégoûtant, dont je ne citerai que ce passage : « Malgré tes spécieux raisonnements, ton système ne triomphera pas, et pour l’avantage, pour la consolation du pauvre, les loteries seront rétablies, et la république percevra un impôt de plus sans que personne en soit blessé….. C’est avec raison qu’on t’a donné le sobriquet de Boissy-Famine. Personne n’ignore que tu aurais voulu enterrer le peuple tout vivant, etc. »
  2. (1) Ce discours fut réimprimé en 1814 par les soins de M. Auguis, et, en 1817, dans le Recueil des discours sur la liberté de la presse, publié chez Mongie, in-8o de 120 p.