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éloge du discours de Robespierre sur le rapport des idées religieuses et morales avec les principes républicains.

« Il ne me semble pas, dit-il, qu’on puisse
« rien ajouter aux principes de cette morale bien-
« faisante et sainte qui y sont développés avec tant
« de charme, et qu’un homme de bien ne rencontre
« jamais sans les adorer, sans les bénir… Robes-
« pierre parlant de l’Etre suprême au peuple le
« plus éclairé du monde me rappelait Orphée en-
« seignant aux hommes les premiers principes de
« la civilisation et de la morale, et j’éprouvais un
« plaisir inconcevable. »

Mais quoique ce livre soit empreint de la couleur du temps, et qu’on y voie un des esprits les plus sages de la convention mutilée atteint de cette fièvre révolutionnaire dont quelques amis de la liberté n’étaient pas alors exempts, il faut dire que l’Essai sur les fêtes nationales semble avoir été rédigé pour ramener à des idées plus calmes, à des sentiments humains un peuple que les factions emportaient avec, tant de fureur dans tous les excès. La révolution du 9 thermidor était enfin venue, et Boissy d’Anglas allait commencer une carrière législative pleine de mouvement et d’action. Il fut élu secrétaire de la convention nationale le 7 octobre 1794. Voici quels furent ses principaux travaux législatifs : car leur série complète serait trop considérable dans cet article. En novembre 1794 (brumaire an 3), il fait un Rapport sur le lycée républicain et sur les encouragements à donner à ses travaux (in-8° de 8 p.). Il appuie la demande faite par David, arrêté à la suite des événements de thermidor, d’être gardé dans son domicile pour y finir un tableau. Le 15 décembre (25 frimaire), il est nommé membre du comité de salut public : il demande des mesures contre les prêtres qui troublent le département de l’Ardèche ; il dénonce le honteux gaspillage des domaines nationaux. Principalement chargé, dans le comité de salut public, de la partie des subsistances et de l’approvisionnement de Paris, il rassure avec trop d’imprévoyance la convention. Il vote en faveur de la levée du séquestre mis sur les biens des étrangers ; puis il annonce encore, en prenant son vœu pour la vérité, que les subsistances de Paris sont assurées ; et il fait un rapport à ce sujet. Le 27 décembre 1794, il prononce un discours sur les principes du gouvernement et sur les bases du crédit national (in-8° de 25 p.). Un peu plus tard, il parle avec étendue sur les conditions auxquelles la France doit traiter avec les puissances étrangères ; et il fait un nouveau rapport sur les subsistances. Il discute le traité de paix conclu avec la Toscane ; il lit, le 30 janvier 1793 (11 pluviôse), un discours sur les véritables intérêts de quelques-unes des puissances coalisées, et sur les bases d’une paix durable. Le 21 février, il lit encore un discours sur la liberté des cultes ; et le 28, un nouveau Rapport sur l’état actuel des subsistances de Paris. Un décret ordonne que ce rapport soit imprimé tout de suite, affiché et envoyé le soir aux quarante-huit sections, pour que la lecture en soit faite dans leurs assemblées. En même temps l’insertion est ordonnée au Bulletin de la convention, qu’on imprimait

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en placard d’affiche, et aussi in-8o. On voit par ce rapport que, malgré quarante-cinq jours de la gelée la plus rigoureuse, qui avait fermé tous les arrivages par eau et rendu les routes de terre impraticables aux voitures ; que, quoique tous les moulins parussent devoir être enchaînés par le froid, on avait cependant fait entrer à Paris, à travers tous les obstacles, et livré à la consommation 600,000 quintaux de farine ; que la distribution journalière qui, avant était de 1,500 sacs, avait été, la veille du rapport, de 2,118. Boissy d’Anglas voit dans l’inquiétude de la population, dans les attroupements devant la porte des boulangers un complot des malveillants de l’intérieur ; il accuse aussi les émigrés et le ministère anglais. Cependant il convient que le moment actuel est le plus difficile ; mais, dit-il,

« déjà des navires, précurseurs de beaucoup d’autres,
« arrivent au Havre, à Dunkerque ; déjà tous les
« points de l’univers s’apprêtent à effectuer leurs
« promesses….. On sera surpris un jour, quand il
« sera possible de le dire, de l’immensité des moyens
« mis en œuvre pour approvisionner la république,
« des sacrifices immenses faits par la nation. » Il annonce que, « dans ce moment, six représentants du
« peuple sont dans les départements affectés aux ap-
« provisionnements de Paris, pour activer le verse-
« ment, des grains et faciliter les réquisitions… Non,
« s’écrie-t-il, Paris ne manquera pas, pourvu que
« Paris soit tranquille… »

Il y avait bien quelque contradiction entre les assertions et les faits. Ce rapport annonçait que la distribution de la veille avait été de 2,118 sacs de farine ; et cependant on ne délivrait à chaque individu, muni d’une carte de la section, que quelques onces de pain et quelques onces de riz : encore fallait-il faire queue, toute la nuit, à la porte des boulangers, les restaurateurs avaient leur table servie comme à l’ordinaire ; mais, à ces tables publiques, comme aussi chez leurs amis, les dîneurs devaient apporter leur pain. Boissy d’Anglas avait déjà fait d’autres rapports sur les subsistances et sur les troubles dont elles étaient la cause ou le prétexte, il avait dénoncé l’agiotage, proposé de rouvrir la Bourse (1)[1], et fait décréter le mode de distribution des comestibles ; il avait fait une motion d’ordre sur les dangers que courait la liberté, attaquée par le royalisme et l’anarchie. Dans d’autres séances, car il montait presque tous les jours à la tribune, il avait discuté le projet des attributions à donner au comité de salut public ; il avait proposé de décréter l’annulation des jugements rendus par les tribunaux révolutionnaires depuis le 22 prairial, la révision, des jugements antérieurs, la suspension de la vente des biens des condamnés, et demandé des indemnités pour ceux dont les biens avaient été vendus. « La justice, s’écriait-il, voilà notre devoir, voilà notre force ; les siècles passent et s’anéantissent….. : la justice seule demeure et survit a toutes les révolutions. » Il avait présenté une adresse pour calmer les inquiétudes du peuple sur les subsistances ;

(1) Rapport, et projet, de décret sur le rétablissement de la Bourse, fait le 15 ventôse (5 mars 1795), in-8o de 7 p.

  1. (1) Rapport, et projet, de décret sur le rétablissement de la Bourse, fait le 15 ventôse (5 mars 1795), in-8o de 7 p.