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BOD

il se trompe fréquemment dans ce qu’il dit des pays étrangers. Avant lui, plusieurs avaient déjà écrit sur la politique, mais personne ne l’avait fait avec autant d’étendue. Son livre parut un code complet sur cette matière ; et c’est ce qui fit sa prodigieuse fortune. On s’empressa de le traduire dans plusieurs langues. La traduction italienne est in-fol., sans date, ni nom de lieu d’impression. Dans un des voyages que Bodin fit en Angleterre avec le duc d’Alençon, il trouva que les Anglais en avaient fait une assez mauvaise traduction latine, qu’on expliquait à Londres et à Cambridge. C’est Bodin qui rapporte lui-même ce fait ; mais il ne dit point, comme on l’a répété dans tant de dictionnaires, que c’était un livre classique dans l’université de cette dernière ville. Le droit public ou privé ne faisait point alors partie de l’enseignement des universités d’Angleterre ; et, si l’on expliquait à Cambridge l’ouvrage de Bodin, ce devait être dans des leçons particulières. Les opinions de Bodin sont en général saines et raisonnables ; il tient un juste milieu entre l’adulation et la licence. Il parait examiner sérieusement si les astres exercent quelque influence sur le sort des empires. Cette question tient une grande place dans les écrits politiques de ce siècle, et l’on est étonné du nombre prodigieux d’écrivains qui s’étaient adonnés à ces recherches vaines. Bodin parle également, dans cet ouvrage, de l’influence du climat ; et, parce que Montesquieu en a parlé aussi, on en a conclu que l’ouvrage de la République avait été le modèle, ou, comme dit Laharpe, « le germe de l’Esprit des lois. » Mais si l’on accordait cet honneur à tous les livres où il est question de l’influence du climat, il faudrait remonter à Hippocrate et à Cicéron, qui en ont fait mention. Il n’y a de commun entre Bodin et Montesquieu que la matière que ces deux écrivains ont traitée. Mais l’un n’a fait que ramasser les idées d’autrui, et s’est renfermé dans ce qu’il a trouvé établi par la pratique ; l’autre a tenté de deviner la pensée des législateurs, et de s’élever aux principes d’une théorie, quelquefois, à la vérité, plus brillante que solide. Montesquieu a eu de plus ce qui a manqué totalement à Bodin dans ses pensées et dans son style ; cet éclat et ce coloris qui font vivre les ouvrages. La première édition des livres de la République est de Paris, 1577, in-fol. Il en parut ensuite trois autres, en 1577, en 1578 et 1580 ; mais on préfère les éditions de Lyon, 1595, et de Genève, 1600, in-8o, parce qu’on y a joint quelques traités de Bodin sur les monnaies. Il traduisit lui-même cet ouvrage en latin, Paris, 1586, in-fol., édition réimprimée plusieurs fois depuis, et plus complète que les françaises. Werden-Hagen a donné un abrégé de la République de Bodin, sous le titre de Synopsis, sive medulla J. Bodini de Republica, Amsterdam, 1635, in-12. Il en parut un autre abrégé en français, sous la date de Londres, 1755, 2 vol. in-12, qui ont reparu en 1766, sous le titre des Corps politiques et de leurs Gouvernements, 3 vol. in-12, ou 1 vol. in-4o. Cet ouvrage est de Jean-Charles Lavie, président au parlement de Bordeaux. Il renversa tout l’ordre suivi par Bodin, et il y inséra ses propres idées et des passages d’autres ouvrages. Ch. Arm. Lescalopier de Nourar, maître des requêtes, avait aussi, en 1756, publié, à Paris, le premier livre de la République, sous le titre de la République, ou Traité du gouvernement, 1 vol. in-12. Il l’avait également abrégé et arrangé à sa mode. Tout cela n’a pas tiré l’ouvrage de Bodin de l’oubli où il est tombé, depuis que les idées sur la politique nous sont devenues plus familières. La Démonomanie, autre ouvrage de Bodin, est très-capable de ternir la gloire que lui avait acquise celui de la République. Grosley veut absolument qu’il ait eu, en l’écrivant, une intention secrète, qui tenait à sa position. Il ne peut imaginer que Bodin, homme instruit et esprit indépendant, ait cru aux sorciers, comme son livre le suppose. Mais si ce n’avait été qu’une opinion factice de sa part, se serait-il livré à l’étude dégoûtante de tant de livres de sorcellerie dont il a entassé les citations ? Il croyait avoir convaincu un sorcier dans un jugement où il avait assisté. Sa Démonomanie parut à Paris, en 1580 ; réimprimée en 1582 et 1587, in-4o, et traduite en latin par François Junius, caché sous le nom de Lotarius Philoponus, Bâle, 1581, in-4o. Il y en a une édition française, sous le titre de Fléau des démons et sorciers, Niort, Duterroir, 1616, in-8o, et une traduction italienne par Hercule Cato, Venise, Alde, 1589, in-4o. Cet ouvrage fut suivi d’un autre, intitulé : Universæ naturæ Theatrum, Lyon, 1596, in-8o ; traduit en français, par Fougeroles, ibid., 1597, petit in-8o. C’est un mauvais ouvrage de physique. On a cru y apercevoir des opinions dangereuses. On n’en jugea pas d’abord de même ; car la première édition parut revêtue de l’approbation d’un docteur et de l’official de Lyon. Bodin l’avait écrit pendant le feu des guerres civiles. On a encore de lui : Paradoxes, doctes et excellents discours de la vertu, touchant la fin et souverain bien de l’homme, Paris, 1601, in-12 ; Oratio de instituenda in republica juventute, ad S. P. Q. Tolosatem, Toulouse, 1559, in-4o. Le dernier ouvrage de Bodin qui mérite qu’on en fasse mention est intitulé : Colloquium heptaplomeron de abditis rerum sublimium arcanis. Il a cela de particulier, qu’il n’a jamais été imprimé ; et c’est le mystère dans lequel on l’a renfermé qui en a fait toute l’importance. Ce sont des dialogues divisés en 6 livres, où des individus de diverses religions s’attaquent et se défendent mutuellement. On prétend que les chrétiens sont toujours battus, soit qu’ils soutiennent le catholicisme, ou le luthéranisme, ou le calvinisme ; l’avantage est pour les juifs, et surtout pour les déistes. D’autres n’y ont rien vu de tout cela. La nature de l’ouvrage, où l’on peut prendre les objections des interlocuteurs pour les opinions de l’auteur, permet d’y trouver ce qu’on veut. Ces dialogues de Bodin furent prêtés en original, par ses héritiers, au président de Mesme, qui en fit tirer une copie, d’où il est probable que sont venues toutes les autres. Grotius, qu’on avait voulu engager à les réfuter, jugea qu’ils n’en valaient pas la peine. Huet, dans sa Dé-