BIL reproche : elle en eut de plus graves encore, dans quelque sens qu’on veuille le prendre, avec son mari : la liberté de ses amours alla plus d’une fois jusqu’au scandale, et elle se vit obligée de quitter Londres, en •1794.Elle profita de cette espèce d’exil pour visiter la terre classique de l’harmonie et des beaux-arts, l’Italie. Son frère Charles et M. Billington l’accompagnèrent dans ce pèlerinage qui accrut immensément sa réputation, et dans lequel elle recommença l’édiiiee de sa fortime. Milan, Venise, Livourne, Gènes, Padoue, Florence rendirent successivement hommage aux talents de ces touristes d’un nouveau genre ; et pour la première fois on vit une Anglaise lever au delà des Alpes l’impét que depuis un siècle tant de virtuoses ultramontains ont fait payer aux riverains de la Tamise. Naples même, cette métropole des notabilités musicales, devint le théâtre de la gloire de mistriss Billington. Lady Hamilton, en prenant sa compatriote sous sa protection, donna l’élan à toute la ville. Elle parutà la cour avec la trop fameuse ambassadrice : le roi et la reine accueillirent avec le respect le plus marqué la nouvelle regina del canto et lui prodiguèrent des marques de leur faveur. Les Anglais, toujours nombreux dans cette belle capitale, ne furent pas les derniers à partager l’enthousiasme général. Porter aux nues la brillante sirène, dont les excellences, les majestés avaient recherché la familiarité, devint pour tout enfant des lles Britanniques un acte de patriotisme en même temps que de bon goût ; et les lady Templeton, Palmerston, Grandison, Gertrude Villars, en un mot tout ce qui aimait ou feignait d’aimer les arts s’empressa de suivre l’exemple donné par les têtes couronnées en recevant a l’envi mistriss Billington. Sur ces entrefaites elle perdit son mari, qui fut subitement frappé d’apoplexie. Des bruits étranges coururent à cette occasion, et les gazettes anglaises allèrent jusqu’à parler de stylet, d’aquatophana, etc., à propos d’un accident qui n’était ni romanesque ni fort singulier, surtout après le copieux diner par lequel le virtuose avait’voulu ce jour-là préluder à l’apparition qu’il devait faire à la cour. Il expira sur un escalier. La nouvelle en fut d’abord cachée à sa femme qui devait chanter le soir même. Elle ne ressentit sans doute point un violent chagrin de cet événement, s’il faut en juger par les querelles domestiques qui si souvent avaient troublé son ménage. Une perte plus sensible pour elle fut celle de 20,000 sequins qu’elle avait déposés à la banque de Venise, et qui, vers cette époque, allèrent se perdre avec tant d’autres dans les caisses publiques ou privées des Français, maîtres de l’Italie. Au 1’8Ste l’une et l’autre perte ne tardèrent pas à être réparées. Un des fournisseurs à la suite de l’armée, M. de Felessent, se chargea de payer cette dette nationale. Fort bien partagé du côté des avantages extérieurs, il n’eut aucune peine à faire agréer sa recherche à la belle veuve, qui plus d’une fois déclara depuis que son nouveau mari était le seul homme pour lequel elle eut ressenti de l’amour. Leur union fut consacrée en 1797 ; M. de Felessent à cette occasion envoya sa démission de la place 0
BIL 544 qu’il occupait aux armées ; et tous deux allèrent passer ensemble quelque temps dans un établissement acheté du reste des biens de la eantatriee sur le territoire de Venise. Ils vécurent ainsi deux ans et demi, au bout desquels sans doute cette flamme unique qui avait décidé la grande artiste à quitter le théâtre de son triomphe brnla moins vivement. Le public napolitain et le public anglais s’étaient aperçus de l’absence de leur favorite, et diverses propositions d’engagement vinrent la trouver dans la retraite. Ellese décida pour l’Angleterre et Covent-Garden. Malgré la répugnance de son mari pour ce voyage, elle repartit pour Londres, où une pluie d’or, disait-elle, attendait la nouvelle Danaé, tandis que lui-même, en cas de désappointement, gouvernerait leur casino et veillerait sur les débris de leur fortune. C’est sous ces auspices qu’elle reparut sur la scène de Covent-Garden, le5 octobre 1801, dans l’opéra d’Arta : rerce. Son succès y fut encore plus grand que lors de ses premiers débuts. · Il est vrai que le-chef-d’œuvre du docteur Arne, dans lequel sont si savamment combinées les deux manières italienne et anglaise, était de nature à faire éclater dans tout son jour la supériorité de la cantatrice. Dans le duetto Fair Aurora (Belle Aurore), où elle chantait avec Inclidon, dit un des habiles dilettante qui l’entendirent à cette représentation, elle franchissait les passages chromatiques qui terminent la première et la seconde phrase avec une suavité qu’il eût été impossible à toute autre d’égaler ; arrivée à la troisième et plus particulièrement à ce vers Tom from the idol of my heart (l’idole demon cœur m’est ravie), elle rendait ce passage mineur avec une délicatesse et un accent de tendre bonheur qui faisait vibrer les nerfs à tout l’auditoire. Dans l’air si beau. si riche d’accompagnements, Adieu, thou lovely youth, elle était également ravissante : son expression était partout extrêmement juste, et ses repos parfaitement distincts. Un autre morceau. If o’er the [ cruel tyrant, love. était pour elle la source d’un pa- = reil triomphe. Jamais on n’a entendu de chant plus } doux, plus expressif et en même temps plus pur, que celui de notre virtuose, d’un bout a l’autre de Q cet air aussi charmant qu’original. Ses fioritures. 4 quoique riches, étaient 11·reprochables ; et les notes qu’elle ajoutait à la fin, et dans lesquelles elle faisait avec une aisance parfaite résonner le ré d’en haut, t étaient aussi spirituellement, aussi correctement improvisées que faites pour exciter à la fois l’é— Ã motion et la surprise. Dans le grand air Father, brother, lover, friend (père, frère, amant, amii, elle accentuait chactm de ces mots avec une énergie croissante et qui allait jusqu’au sublime. Mais c’est surtout dans le final qu’elle déployait tout le luxe d’un gosier qui se jouait des plus inimaginables difficultés des airs de bravoure ; et dans le The soldier tir’d from war’: alarm : (le soldat las des fatigues et des alarmes de la guerre), elle se surpassait elle-même par la réunion des talents qui font la grande actrice et la grande cantatrice. Ceux’qui avaient entendu avec admiration (et nous sommes de ce nombre) le même morceau chanté par miss Bunt ne ren