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BILLARD (Pierre), né à Ernée dans le Maine, le 15 février 1655, mort en mai 1726, à Charenton, chez son neveu, qui en était seigneur, est auteur de la Béte d sept tétes, 1695, in-12, ouvrage dirigé contre les jésuites, et pour lequel l’auteur fut conduit à la Bastille, de là à St-Lazare, et ensuite à St-Victor : il fut mis en liberté en 1699. Il avait, avant sa détention, fait aussi imprimer le Chrétien philosophe, qui ne parut qu’en 1701. Le Moréri de 1759 contient un très-long article sur cet auteur, qui était entré, en 1671, dans la congrégation de l’Oratoire.

A. B—t.


BILLARD (Jean-Pierre), médecin, né en 1726, à Vesoul, mourut dans la même ville, le 29 janvier 1790, avec la réputation d’un habile praticien et d’un bon observateur. Il était membre correspondant de la société royale de médecine de Paris et de l’académie d’Arras. Il a laissé plusieurs ouvrages manuscrits, entre autres un Traité complet des fièvres. On cite encore de lui : Mémoire sur une fausse grossesse singulière ; Observation sur un dépôt au bas-ventre ; Histoire, Analyse et Propriétés des eaux. minérales froides de Rèpes prés Vesoul ; Antisepticorum medicaminum Natura, Vires et Selectus ; de lactis Usu in febribus. C’est l’explication de l’aphorisme 64 d’Hippocrate, sect. 5. Ces cinq opuscules font partie du recueil de Dissertations françaises et latines sur les points les plus importants de l’art de guérir, publié par M. Billard fils[1], Vesoul (vers 1820),in-8°.

— François-Gabriel Billard, fils aîné du précédent, mort à Genevreuil près Vesoul, le 29 avril 1824, à l’âge de 60 ans, est auteur d’un Cours théorique et pratique sur les prairies artificielles, 1819, in-8° ; 2° édit. augmentée, 1810. Il était correspondant de la société d’agriculture de la Haute-Saône, depuis son organisation, et il lui a communiqué plusieurs mémoires sur des objets d’économie rurale.

W—s.


BILLARD (Etienne), receveur des finances de Lorraine, né à Nancy vers le milieu du 18e siècle, reçut de la nature une imagination qu’on ne put assujettir à aucun frein. Cette folle de la maison, comme l’appelle Montaigne, l’entraîna dans des écarts de conduite et des aberrations de jugement qui firent le malheur de sa vie. Il avait composé pour le Théatre-Français plusieurs comédies, mais il ne put les faire jouer, et s’en dédommagea en les livrant à l’impression et en lançant des épigrammes et des satires contre les membres du comité qui les avaient refusées. On trouve dans les mémoires du temps[2] le récit d’une scène assez plaisante dont il fut l’acteur principal à la Comédie-Française, le 30 novembre 1772. Avant la représentation du Comte d’Essex, Billard monta sur une banquette de l’orchestre, et, haranguant le parterre, lui fit connaître que les comédiens avaient « refusé une comédie de caractère intitulé Le Suborneur, qu'il leur avait présentée, et que les connaisseurs avaient jugée digne d'être offerte au public; qu'ayant en vain tenté tous les moyens de dompter la résistance des histrions, il en appelait au public assemblé ; qu'il le priait d'entendre la lecture de sa pièce, et que, s’il la jugeait plus favorablement, il espérait que, par ses acclamations, il forcerait les comédiens à la recevoir. » Le parterre, qui cède volontiers à d’autres impressions qu'à celles de la scène, consentit à l'écouter ; mais Billard avait à peine commencé, qu'un sergent vint lui mettre la main sur le collet. Il tira son épée, qui lui fut arrachée. On le mena au corps de garde : ne démentant point son caractère, il voulut prendre les soldats pour juges entre les comédiens et lui. L'inspecteur de police, devant lequel il fut ensuite conduit, ne put parvenir à le calmer qu'en subissant la lecture du Suborneur. Le parterre, entre les deux pièces, accueillit par des huées Molé, qui s'était présenté pour annoncer, et redemanda à grands cris l'auteur du Suborneur. On fit envahir cette partie de la salle par la force armée, et les plus mutins allèrent partager le sort de Billard. Celui-ci fut transféré te lendemain à Charenton, où il ne resta que quelques jours[3]. Renvoyé à Nancy dans le sein de sa famille, il n'y devint pas plus sage. Ses parents furent obligés à plusieurs reprises de solliciter contre lui des lettres de cachet. Il mourut en 1785, ayant hâté sa fin par ses déportements. On connaît de lui : 4° du Théâtre et des Causes de sa décadence, épître aux comédiens français et au parterre, Londres et Paris, 1771, in-8°. C'est une satire, en vers de huit syllabes, où les comédiens ne sont pas ménagés. Van Thol, dans les notes qu'il a fournies à Barbier pour son Dictionnaire des ouvrages anonymes, dit que Dussaussoir a publié cette brochure par permission tacite. Mais les matériaux s'en retrouvent en partie dans les manuscrits de Billard. 2° Le joyeux Moribond, comédie, par E*** B***, Genève, 1779, in-8°. Dans la dédicace de l'auteur à son frère, il dit qu'il fut jeté dans la finance, maïs qu'il ne put y mordre. Il ne s'agit là que d'or, et mon Pérou « c'est un Molière. » Il n'a guère suivi les traces de celui qu'il voulait prendre pour modèle. Le joyeux moribond est un vieillard qui, n'ayant plus qu'un souffle de vie, s'amuse à jouer du tambourin en robe de chambre galante, à gambader, à boire du vin de Champagne avec une jeune maîtresse, et qui prétend ainsi se rajeunir. Cette malheureuse conception est écrite en style encore plus extraordinaire, et qui rappelle la manière de maitre André. 3° Le Suborneur, comédie en 5 actes et en vers, Amsterdam, 1780 ; 2° édit., 1782, in-8°. « La voilà donc, cette comédie qu'au spectacle même, tout Paris témoin, j'annonçai avec trop d'éclat, et j'en fus trop puni, il y a sept ou huit ans ! » C'est ainsi que l'auteur s'exprime, à la fin de sa pièce, sur l'aventure fâ-

  1. La Biographie portative des contemporains confond les ouvrages du père avec ceux du fils, et ne distingue point les imprimés des manuscrits.
  2. Mémoires secrets de la république des lettres, t. 6, p. 268 ; Correspondance de Grimm, 2e partie, t. 2, p. 366, et nouvelle édit., t. 1, p. 101 ; Galerie de l'ancienne cour, 1776, in-12, t. 3, p. 491.
  3. M. Paul Lacroix, plus connu sous le nom du bibliophile Jacob, a fait de cette aventure de Billard le sujet d'une nouvelle insérée d'abord dans la Revue de Paris, et reproduite depuis dans les œuvres de l'auteur.