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460 BER n’ayant pas trouvé sans doute un nombre suffisant de souscripteurs, il ne donna aucune suite à cette annonce, et revint au théâtre. Quoiqu’il ne dùt pas aimer l’ordre de choses qui l’avait ruiné, il choisissait les sujets de ses compositions dramatiques dans les événements les plus capables d’attirer la foule en excitant sa curiosité. Ce fut ainsi qu’il donna, en 1794, au théâtre Montansier, la Communauté de Copenhague, ou les Religieuses danoises, en 2 actes ; au Théatre-Italien, en 1795, Lepelletier de St-Fargeau, ou le premier Marlyr de la république française ; au théâtre Feydeau, dans la même année, le Siége de Lille ; en 1794, Encore une victoire, ou le Lendemain de la bataille de Fleurus, en 4 acte. Toutes ces pièces, aujourd’hui oubliées, obtinrent alors un succès qu’elles durent en partie à la musique. Celle des deux dernières était de Kreutzer. D’Antilly est encore auteur de la Baguette magique, prologue d’ouverture, en 1795, du théâtre Montansier de la rue de Richelieu, qui fut depuis occupé par l’opéra et plus tard démoli. Le dernier ouvrage dramatique que nous puissions citer de Bertin d’Antilly est Betisaire, drame lyrique en 5 actes et en prose, musique posthume de Philidor, dont le buste fut couronné sur le théâtre Favart, en 1796. Malgré cette ovation, la pièce ne réussit pas. Lorsque, fatiguée du régime de la terreur, la France en eut secoué le joug, d’Antilly, jugeant le moment favorable à la manifestation de sentiments longtemps comprimés, fit paraître le Thé, ou le Contrôleur général, feuille royaliste, dans laquelle toutes les opérations du directoire étaient vouées au ridicule. Ce journal, commencé le 27 germinal an 5 (5 avril 1797), n’eut qu’une courte existence ; Il’cessa de paraître le 48 fructidor (4 septembre), et l’auteur fut inscrit sur la liste des condamnés à la déportation. D’Antilly parvint à se soustraire aux recherches de la police, et il se réfugia à Bâle, puis à Hambourg, où il fonda le Censeur, journal très-peu connu en France, l’introduction en étant sévèrement défendue. En 1799, il lit imprimer un poème de cinq à six cents’vers, dans lequel il célébrait les efforts de l’empereur Paul Ier contre les progrès de l’esprit révolutionnaire. Ce poème, dont les différentes parties sont incohérentes, mais qui offre dans les détails de la chaleur et du mouvement (voy. l’Ea : amen critique de Barbier, p. 407 ), fut accueilli par le czar. Ce monarque rendit bientôt à l’auteur un très-grand service, en le faisant réclamer par le chargé d’affaires russe auprès du sénat de Hambourg ; ce sénat l’avait fait arrêter à la demande de Bonaparte, et il était près de le livrer aux agents du consul. Bertin d’Antilly, ayant recouvré la liberté, se rendit à Pétersbourg, où il fut très-bien accueilli et attaché comme poëte au théâtre de la cour. La mort de Paul I°’changea un peu sa position. Cependant il conserva une assez belle existence sous Alexandre, et fut chargé de l’éducation de deux jeunes seigneurs. Il mourut dans cette capitale, en juillet 1804. r On a de lui des épigrammes, genre dans lequel il se vantait d’exceller ; mais ses adversaires disaient que la meilleure à faire contre lui aurait été de pu BER blier les siennes. Le nom de d’Antilly’figure seul (sans celui de Bertin) sur le titre des pièces qu’il a fait imprimer. Une comédie, l’Anglais d Paris, jouée au théâtre des Variétés amusantes en 1785, fut imprimée la même année sous le nom de d’Antilly l’ainé. Nous ignorons si cette comédie était du I même ou d’un de ses frères. A—·r. I

BERTIN (Ross ), marchande de modes, a mérité, par son désintéressement et le courage de sa reconnaissance pour la reine Marie-Antoinette, que son nom fut transmis à la postérité. Née en 1744, à Amiens, elle y reçut une éducation assez soignée, et fut envoyée par ses parents à Paris pour y travailler chez la modiste du Irait-Galant, dont la maison joignait à des relations d’affaires très-étendues, surtout avec la cour d’Espagne, une régularité de mœurs fort rare dans cette profession. Mademoiselle Bose arriva dans la capitale à l’époque de la légitimation et peu de temps avant le mariage de deux filles naturelles du comte de Charolais, mort en 4 760, et oncle du prince de Condé. La vieille prin cesse de Conti, chez qui elle avait porté leurs robes de noces, lui accorda sa bienveillance, et la fit charger de porter aussi le trousseau de mademoiselle de Penthièvre, qui, en 1769, épousa le duc de Chartres, depuis duc d’Orléans. Associée alors avec la modiste du Trait-Galant, mademoiselle Bertin prit quelque temps après un magasin à son compte. Les grâces de sa personne et de ses manières, non moins que ses talents, avaient plu à la cour, et ce fut à la protection des princesses de Conti, de Lamballe et de la duchesse de Chartres qu’el1e dut l’avantage de fournir, en 1770, les parures destinées à la dauphine Marie-Antoinette. Cette princesse sut apprécier l’esprit et le caractère de mademoiselle Bose ; et, devenue reine, elle se lit un plaisir de contribuer à sa fortune, en la chargeant exclusivement de la fourniture de tous les objets de modes pour la maison royale. Le nom de cette modiste obtint la vogue ii Paris comme à Versailles, et sa réputation devint européenne. Accueillie avec bonté par la reine, admise à toute heure dans sa familiarité, recherchée par tout ce qu’il y avait de plus qualifié, il ’ était difficile que mademoiselle Bertin pût entièrement se préserver de quelques accès de vanité. On raconte qu’une duchesse étant venue lui demander des modes nouvelles : à Je suis fàchéc, répondit gravement la modiste, de ne pouvoir vous satisa faire, mais nous avons décidé, dans le dernier a conseil tenu chez la reine, que ces art.ieles ne parait raient que dans un mois (4). » Les cré(4) ll parait cependant que mademoiselle Bertin, oubliant quelquefois ses habitudes de cour, se livrait à des accès un peu seanda- N leux de colère, comme on peut en juger par Punecdote suivante qui ne figure point dans ses Mémoires. Sa première fille de boutique, 5 mademoiselle Picot. ·forma un établissement et enleva un grand I nombre de pratiques à son ancienne maîtresse. Celle-ci, furieuse, I l’ayant rencontrée dans la galerie de Versailles, en 1784, l’injuria et E lui crache au visage. De li, procès à la prévoie de l’hôtel, faetums p de part et d’autre, dont le plus plaisant fut celui de mademoiselle I Bertin, par Coqueley de Cliaussepierre ; enfin jugement du S sep- I tembre, qui fit défense à la modiste de la reine de récidiver, et la I condamne a 20 fr. d’amende et aux dépens ; appel au grand comeü ) I I I I I I I I