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— BER olecleurs de Paris, à qui l’on avait porte ces dénonciatlo ns, envoy èrent quatre cents cavaliers à sa poursuite, car Bertier avait cru ce jour-là devoir s’éloigner de la capitale. Il fut arrêté il Compiègne, et le malheur voulut qu’on le conduisit à Paris, le soir même du massacre de Foulon, son beau-pere, circonstance qui rendit sa perte inévitable. Les outrages, les mépris, les imprécations le suivirent tout le long de la route. Il approchait de Paris quand une charrette. au milieu d’un village, se présente devant sa voiun-e. Cette charrette était remplie de paquets de i erges avec des inscriptions que la foule le força de lire : Il a volé le roi.... Il a dévoré laaubstance du peuple.... Il a été l’esclave des riches, le tyran des pauvres.... Il a bu le sang de la veuve el de l’o1·phelin.... Il a trompé le roi, etc. Après cette lecture, les assistants s’armèrent de ces verges, et pendant quelque tem(ps le malheureux Bertier marcha au milieu t e cet 0 ieux cortége. Il conserva pendant la route tout son sang-l’roid, s’entretenant paisiblement avec l’électeur Larivière qui l’accompagnait. À son entrée, la foule se grossit sur son passage, et au milieu de ce hidenx cortège, des femmes chantaient et dansaient, mêlant les accents de la rage aux accents d’une joie désordonnée. Par un raffinement de cruauté, on avait, dès la barrière, enlevé la partie supérieure de sa voiture, afin qu’il fût exposé à tous les regards. Deux hommes, qui marchaient à ses côtés, lui appuya lent la baïonnette sur le cœur ; l’électeur haranguait le peuple pour retenir ses transports et conserver la vie de son prisonnier. Bertier seul était calme et contemplait cette scène avec sérénité, comme s’il y eût été étranger. Auprès de l’église de St-Merry on lui présenta la tète sanglante de son beau-pere. Les monstres qui la portaient voulaient la lui faire baiser. A cette vue il pàlit, mais il eut bientôt la forcede se remettre. Arrivé à l’hôtel de ville on l’interrogea sur sa conduite et sur ses rojets : «.l’ai obél a a des ordres supérieurs, répond ?-il avec assurance ; a vous avez mes papiers et ma correspondance ; a vous étes aussi instruits que moi. » Ou insiste. Je suis très-fatigué, dit-il ; depuis deux jours je n’ai pas fermé l’œil ; faites-moi donner un lieu où je puisse prendre quelque repos. » On lui annonce qu’on va le conduire à l’Abbaye ; mais comment l’y transporter au mllieu des flots de la multitude lhrieuse ? En vain Bailly et Lafayette se présentent successivement li la populace et invoquent sa miséricorde : leurs prières ne font qu’animer sa rage. Bertier descend au milieu d’une garde nombreuse. «Ce peuple est bizarre avec sescris, n dit-il, sans démentir un moment son sang-froid. À peine a-t-il posé le pied sur le seuil de l’hôtel de ville, que son escorte est dispersée, cent bras le saisissent, et il se trouve transporté sous le fatal réverbère : Une corde neuve l’attendait, dit le Moniteur officiel. A cette vue sa fureur s’allume, il arrache un fusil et fond sur la foule ennemie qui se presse autour de lui. Il tombe frappé de cent coups de baïonnettes. Il respirait encore : un dragon plonge sa main dans le soin de la victime, lui arrache le cœur, et porte

BER 05 cet aüreux trophée au comité rassemblé à Phctel de ville. Ce cœur, placé à la pointe d’un coutelas, est promené par toutes les rues avec la tète de proscrit. Bertier n’était plus ; mais la tactique des partis révolutionnaires a toujours consisté à flétrir les victimes après les avoir frappées 2 la mort ne les 1 absent point. Après les bourreaux vinrent les accusateurs ; et au mois de novembre suivant, Garran de Coulon fit, au nom du comité des recherches, un ’ rapport à la commune de Paris, dans lequel il présentait comme actes de conspiration toutes les me- · stu-es prises par l’intendant Bertier de conce1·t avec Besenval, soit afin de pourvoir à la subsistance des troupes sous Paris, soit pour leur faire distribuer de la poudre et des cartouches ; en un mot il le désigne comme l’àme de la résistance de la cour aux succès des novateurs. Il le fait voir abandonnant l’administration de la généralité dans un moment de disette, pour prendre au Champ de Mars lïnlendance de l’armée qui assiégeait la capitale. Enfin, après lui avoir reproché d’avoir voulu cacher le plus longtemps possible la nouvelle de la prise de la Bastille au roi, le rapporteur ajoutait : « Ainsi M. llerticr ne se serait pas contenté d’exécuter a les ordres atroces que le ministre lui avait donnés contre le peuple de la première généralité du a royaume ; comme tous les mauvais conseillers, il en aurait encore sollicité de nouveaux, en cachant, a autant qu’il était en lui, la vérité à un prince de qui l’on ne pouvait obtenir rien d’injuste que de cette manière.... Et qu’on ne dise pas, ajoutait Garrau de Coulon, qu’il ne peut plus être accusé depuis que la fureur du peuple a exercé sur lui a une vengeance terrible. Les lois ne l’ont point puni, elles ne lui ont point enlevé un bien mille a fois plus précieux que la vie, une mémoire honorable. Si elles ne statuaient rien sur cet objet, on pourrait croire qu’il l’a transmise sans reproche à la postérité, . » Par ce motif, le rapporteur concluait à ce que Bertier, ainsi que le maréchal de Broglie et le baron de Besenval, fussent condamnés comme coupable es de lèse-nation. Aujourd’hui qu’un demi-siècle a passé sur ces événements, dans ces détails, uniquement puisés aux sources les plus hostiles à la mémoire de l’intendant Bertier, on trouve le témoignage le plus authentique en faveur de son dévouement et de son courage pour la vieille monarchie, tandis que, pour flétrir la mémoire de ses adversaires, on n’a besoin que de citer les paroles de leur odieux triomphe. Tout n’était pas fini encore. Le 10 mai 1794, la société populaire d’Auxerrc sollicita de la convention un décret qui déclarât acquis au profit de la nation les biens de-Bertier. Il avait laissé huit enfants tous en âge de sentir leur malheur. L’une de ses filles avait épousé le comte de la Bourtlomiaie Blossac (soy. ce nom), intendant de Soissons. Un passage d’une lettre que cette dame adressait à son père avait été cité par Garran de Coulon dans son rapport. L’un des fils de l’intendant de Paris fut arrêté aux Tuileries le 28 février ·1791, comme faisant partie d’un rassemblement de royalistes ; et, après avoir tâlé traduit