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444 BER Azéjula, en Espagne, disaient donc bien : « Poura quoi déclarer absolues des propriétés qui ne sont a que corrélatives et réciproques ? N’est-ce pas dire à la fois trop et trop peu ? N’est-ce pas anticiper sur l’expérience, et se préparer des démentis pour l’avenir ? » Le démenti était tout arrivé ; et c’est Berthollet lui-même qui l’avait donné. Dès 1787, c’est-a-dire l’année même où l’on saluait officiellement l’oxygène du titre de principe acidifiant, et par une exagération toute naturelle, seul principe acidifiant, il proclamait dans son Mémoire sur Paeide prussique (aujourd’hui acide hydrocyanîque), que ce violent poison ne contient pas une parcelle d’oxygène. Il avait observé des faits analogues sur l’hydrogène sulfuré (aujourd’hui acide hydrosulfurique), et plus tard (1795) il reprit ses expériences sur ce corps dont on méconnaissait la nature, et les appuya de développements qu’il fut le ll mars 1796 à l’Institut. Mais la vérité ne put triompher : la doctrine si longtemps proscrite était devenue despotique et intolérante à son tour. Berthollet, à qui dix ans à peine avaient suffi pour admettre les idées de Lavoisier, subissait la loi du talion ; et il a fallu toutes les recherches de la chimie moderne, appuyées par les hautes conceptions qu’a multipliées la physique, et par une force de logique irrésistible, pour inscrire enfin sur la liste des axiomes fondamentaux de la chimie que l’hydrogène, le chlore, l’iode peuvent rendre acides certaines substances simples avec lesquelles ils se combinent, et pour approcher de la loi en vertu de laquelle s’opèrent toutes ces combinaisons, aussi bien celles qui ont semblé longtemps anomales, exceptionnelles, que celles qu’on croyait les seules possibles ou du moins les seules régulières. Le nom de chlore nous mène à une des plus belles découvertes de Berthollet. La mort de Macquer, en 1784, avait laissé deux places vacantes : une. chaire de chimie au Muséum d’histoire naturelle et le poste de commissaire pour la direction des teintures. Buffon, de qui dépendait la première nomination, élut Foureroy de préférence à Berthollet ; le ministère, qui disposait de la seconde, préféra Berthollet a Foureroy : et le ministère et Buffon avaient agi sagement. Personne mieux que Foureroy ne maniait la parole ; personne mieux que Berthollet ne maniait les agents chimiques, non pas de ses doigts, il est vrai, car il réussissait mal à la manipulation, mais par l’intelligence qui sait varier et diriger les expériences. Les deux choix produisirent les résultats les plus heureux : Foureroy, par son élocution facile, brillante et lucide, popularisa la science chimique ; Berthollet, par ses expériences, la servit. Bientôt, par suite de ses nouvelles découvertes, par suite des travaux multipliés auxquels il s’était livré pour améliorer l’art de la teinture, il avait été conduit à chercher les moyens les plus brefs, les plus sûrs de communiquer aux tissus la plus grande blancheur possible, afin qu’ils se pénétrassent plus aisément des diverses nuances qu’on voulait leur imprimer. Les anciens procédés de blanchissage exigeaient des manipulations multipliées, partant dispendieuses ; absorbaient un laps de temps considérable, et ravis BER v saient à l’agriculture d’énormes étenduœ de terrain ; ( car les toiles étaient soumises alternativement à une série sans fin de lessives dans les laboratoires, et aux influences combinées de l’air et de la lumière sur le ( pré : six mois quelquefois s’écoulaient dans ce dedale d’opérations routinières. Tout à coup une idée lumineuse apparait à Berthollet : il réfléchit à la découverte récente de Scheele sur la propriété que passède l’acide muriatique déphlogistiqué ou oxygéné ( (aujourd’hui le chlore) de décomposer les couleurs végétales, et il imagine d’en tenter l’application à l’art de blanchir ; en effet, les matières colorantes, les taches mêmes d’un tissu quelconque se décomposent dans la solution de chlore (employons, des ( cet instant, les termes modernes), et il ne rate plus ( pour le blanchir que d’entraîner ces matières par une lessive alcaline. De la moins de main-d’œuvre ( (car deux ou trois lessives au plus suffisent), mow ( de temps, moins de frais de toute nature ; des prai- ( ries immenses rendues à la culture ; la texture inté ( rieure des toiles moins fatiguée, puisque le linge n’est plus soumis à ce grand nombre de manipulations et de battages qui en altéraient plus ou moins la texture’ ; enfin, comme si tous les avantages devaient se trouver réunis dans cette admirable découverte, un blanc plus pur et plus égal. Aussi la supériorité en fut-elle bientôt généralement reconnue ; N et les termes techniques de blanchiment bertliollien ont-ils donné au nom de l’inventeur le sceau de h popularité. Nul plus que Berthollet ne mérite de voir ainsi son nom fixé dans le voœbulaire ; car, au lieu de vendre ou d’exploiter à son profit une découverte qui l’eût rendu dix fois millionnaire en quelques années, il voulut que tous en goùtassent les fruits sur-le-champ, et il publia (Annales de chimie, t. 2, p. 151, de l’année 1789, et t. 6, p. ZM, de ( 1790) la Description du blanchiment des toiles et des )ïls avec l’acide muriatique oxygene, et de quelques propriétés de cette liqueur relativement aux arts, des- ( cription réimprimée à part en 1795, et reproduite ( en 1804, à la suite de sa 2’ édition des Eléments de ( l’art de la teinture (1). Son Mémoire sur l’action que ( l’acide muriatique oxygéné exerce sur les parties colorantes, lu à l’académie des sciences (30 mai 1790), ( est l’exposition scientifique des phénomènes dont il " décrivait pour les fabricants la pratique extérieure ( et matérielle. Concevant ensuite un plan plus vaste, “ en faveur des ouvriers mêmes, il rédigeait ses Eté- v ments de l’art de la teinture (Paris, 2 vol. in-8° ; 1791, 2° édition, 1804, publiée par Berthollet fils), dans lesquels, parcourant successivement toutes les parties de cet art, il essaye de le soustraire à la rou- ( tine dont jusque-là il avait été le domaine, et de substituer à l’empirisme absurde qui n’avait encore enfanté que des recettes incohérentes, imparfaites et très-coûteuses, des principes scientifiques faciles à saisir. La teinture est une fille de la chimie, et tout en teinture se home à la mise en jeu des affinités en (4) lloavrage sur le blanchiment des toiles fut couronné en 1793, dans une séance publique du lycée des arts, et Berthollet tat reta membre de cette société qui, à cette époque on les académies n’exista lent pas, devint l’asiledc• savants et fut le noyau de Plnstttat. L-I. J