Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 4.djvu/147

Cette page n’a pas encore été corrigée


142 BER avril 1785), il devait succéder à Baumé devenu pensionnaire. Chemin faisant, et sans interrompre un instant ses études chimiques, il avait, par une thèse médicale, satisfait à la loi de la faculté de médecine de Paris, qui, pour que l’on exerçât dans son ressort, exigeait un nouveau doctorat. La thèse latine qui valut pour la deuxième fois ce titre à Berthollet avait pour titre : de Laete animaltum medicamentoso. Il est aisé de voir que, dans ce sujet, la médecine et la chimie s’étaient donné rendez-vous. Toutefois les expériences de Berthollet sur les chèvres (car il n’expérimenta que sur ces animaux) furent peu concluantes, ou pour mieux dire ne produisirent que des résultats négatifs. Il avait cherché surtout si le mercure administré en frictions peut s’incorporer au lait ; la chèvre soumise à l’expérience, après avoir absorbé en huit jours vingt-six gros d’onguent napolitain, était mourante, mais pas un atome de métal n’avait pénétré dans le lait. Comme cependant il est hors de doute qu’on a rencontré des globules très atténués de mercure dans le liquide ordinaire ; comme, par induction, il est rationnel de supposer dans la sécrétion lactée des phénomènes absolument analogues à ceux qui ont lieu dans toute autre sécrétion ; comme enfin il est prouvé par l’expérience que le lait d’une femme acquiert par le mercure des propriétés antivénériennes, il ne faut rien conclure des expériences de Berthollet contre la présence de particules médicamenteuses dans le lait. Le fait est seulement que ces particules se trouvent arrivées par une suite indéfinie de divisions à un degré de ténuité tel qu’elles cessent d’être et visibles et pondérables par les moyens qui sont à la disposition de l’homme. Au reste, il est croyable que Bcrthollet, plus occupé de sacrifier à une convenance que de creuser réellement le sujet, n’avait, malgré l’émulation que devaient lui inspirer les recherches antérieures de Bergman et de Klaproth, sur le même sujet, opéré que sur des quantités trop petites. Nous ne le verrons pas moins effleurer encore de temps à autre le domaine de la médecine. Ainsi, par exemple, dans ses Observations sur l'acide phosphorique de l'urine, lues en 1780 à l’académie, comme dans son Essai sur la causticité des sels métalliques, analysant les urines avant et après les accès, arthritiques, il voulut savoir quels rapports existaient entre les modifications de l’excrétion urinaire et la maladie qui les occasionne ; et il se crut fondé a établir une espèce de théorie sur la nature de la goutte et du rachitis, attribuant la première à un excès de phosphate de chaux, et le second à la surabondance de l’acide phosphorique dans les fluides animaux, « théorie toute chimique, dit un médecin dont nous empruntons les termes, et qui, ne tenant aucun compte des modifications sans nombre qu’éprouvent à chaque instant nos fluides, même dans l’état de santé, ne peut guère conduire à la vérité sur l'étiologie des maladies en question. » Cependant la chimie prenait de jour en jour un essor plus vaste ; de tous les coins de l’Europe sortaient des faits nouveaux ; les anciennes théories se taisaient ou balbutaient, déconcertées

BER par des révélations inattendues, et tout annonçait que la plus lngénleuse, la plus belle d’entre elles, allait disparaître devant un autre système. Il y a plus, ce système était déjà proclamé depuis 1775 : Lavoisier annonçait au monde savant que la combustion a lieu non point par le dégagement du principe comburant (qu’on le nomme phlogistique ou qu’on lui donne tout autre nom), mais par la combinaison de ce principe coinburant au’corps combustible. Mais telle est la destinée des vérités les plus importantes, les plus hemeusesl il faut, sinon des siècles, du moins des années pour renverser les vieilles idoles. Tout le monde continuait à sacrifier, malgré Lavoisier, à ce phlogistique, brillante chimère du génie de Stahl ; et malgré la beauté de ses vues, malgré les preuves qu’il accumulait sans cesse afin de convaincre, malgré la concordance par-, faite de toutes les expériences avec ses principes, v malgré l’appui que des géomètres et des physiciens du premier ordre commençaient à donner aux travaux du grand chimiste, en 1777 et même en 1780, ce rénovateur de la science ne comptait dans Paca- u démie d’autre partisan déclaré que lui-même. Ber- ( thollct, dont es expériences continuelles ennuieraient si efficacement dès lors à préparer le triomphe de l’oxygène sur le" phlogistique, ne saisissait pas, par une intuition synthétique anticipée, la su- “ priorité de la théorie nouvelle qui allait s’élever sur les ruines de la théorie en vogue ; au contraire, il ( multipliait en faveur de celle-ci des efforts dignes d’une meilleure cause, et s’évertuait à faire cadrer les découvertes qui se succédaient sans relâche avec I les idées phlogisticîcnnes tempérées, mitîgéœ, adou-. cies ; tristes tempéraments entre la vérité, impatiente de l’empire, et Terreur, qui demandait à “ vivre encore un jour. C’est dans ces idées qu’il composait son Essai sur la causticité des sels métalliques (1780) ; ses Observations sur la décomposition de l’aeide nitremr (en trois mémoires, 1781) ; ses Recherches sur l’augmentation de poids qu’éprouvent le soufre, le phosphore et Varsenic lorsqu’ils sont changés en acides (1782) ; ses Observations sur la causticité des alcalis et de la chaux (1782). Le second de ces ouvrages dut souvent dans la suite lui inspirer de vifs regrets, en lui rappelant que sa lenteur à quitter le point de vue sthalien l’avait privé d’une glülldû découverte qu’il touchait en quelque façon. Au milieu de ses expériences sur la décomposition du nitre, s’of’fralent des ( faits dont l’explication est toute simple dans la théorie de Poxygéne, et qui conduisaient bien naturellement à reconnaître dans l’acide nitreux une combinaison d’oxygénc et d’azote, vérité qui fut annoncée quelques années après par Cavendish. Mais, par une fatalité bizarre, c’est dans ses expériences même Sll ! le niu-e gue Berthollet puisait ses défiances contre la théo1·ie c Lavoisier, et retrouvait une foi nouvelle au phlogistique. L’acide, en se décomposant, rendait libre et élastique un grand volume d’air ; il aurait donc dû s’absorber beaucoup de chaleur, et tout le contraire avait lieu. En revanche, les WEB auxquelles il se livra pour expliquer ce excep