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valeur guerrière, faisaient l’essence de son caractère. D’après le traité de Castelbaldo, Parme devait encore tomber en partage à Mastino ; et, en effet, il s’en rendit maître, le 4 juin 1335, après la retraite du roi Jean, qui avait revendu à des seigneurs particuliers les villes qui s’étaient volontairement données à lui. Le reste de ces villes devait échoir en partage aux alliés de Mastino ; mais, par son activité, la supériorité de ses forces, la richesse de son trésor, et surtout par son manque de foi, il devança plusieurs de ses associés. Reggio lui fut livrée le 3 juillet 1335 ; et lorsque, huit jours après, il rendit cette ville aux Gonzague, à qui elle avait été assignée d’avance en partage, ce fut sous condition de s’en réserver à lui-même la supériorité féodale, qui ne lui avait point été promise. Mastino acquit également la ville de Lucques, qu’il ne voulut point rendre ensuite aux Florentins. Cette conquête lui donna l’espérance d’étendre son influence en Toscane. Il essaya de surprendre Pise et de faire alliance avec Arezzo, et il commença les hostilités contre les Florentins le 23 février 1336. Mastino était alors seigneur de neuf villes, autrefois capitales d’autant d’Etats souverains. Il tirait des gabelles de ces villes un revenu de sept cent mille florins d’or par année, revenu égal à celui des plus grands princes de la chrétienté. Il avait de plus pour alliés les plus puissants princes de la Lombardie, et Saccone des Ferlati, le redoutable chef des Gibelins des Apennins. Mais tous ces avantages furent plus que compensés par l’énergie et la constance des Florentins et des Vénitiens, et par les talents de Pierre des Rossi, leur général. Luchino Visconti de Milan se détacha de l’alliance de Mastino pour se joindre à ses ennemis ; Padoue fut surprise le 3 août 1337, et Albert de la Scala, frère de Mastino, y fut fait prisonnier. Les plus forts châteaux des monts Euganéens furent pris successivement par les alliés. Les troupes du prince de Vérone furent battues à Montagnano, le 29 septembre 1338, et Mastino, qui voyait décliner rapidement sa fortune se livrait à de tels accès de fureur que sur de simples soupçons, il tua de sa main, le 27 août, au milieu des rues, Barthélemy de la Scala, évêque de Vérone, auquel il reprochait d’être son ennemi. Mastino fut puni de ce sacrilège par les plus rigoureuses censures du pape Benoit XII. Hors d’état de résister à ses adversaires, il ne songea plus qu’à les diviser. Il réussit en effet à rendre les Vénitiens indifférents au sort des Florentins, et à leur faire signer, le 18 décembre 1338, une paix que les derniers furent forcés d’accepter le 11 février suivant. Par elle Mastino conservait la souveraineté de Vérone, de Vicence, de Parme et de Lucques. Il prit dans ces villes le titre de vicaire du saint-siége et se soumit à payer un tribut au pape, achetant à ce prix l’absolution du meurtre de l’évêque de Vérone. Mais la guerre malheureuse

que Mastino venait de soutenir détruisit son crédit et encouragea ses jaloux à l’attaquer de nouveau. Les seigneurs de Correggio, oncles de Mastino du côté maternel, lui enlevèrent Parme, par surprise, le 21 mai 1341. Les Gonzague de Mantoue les secondèrent ; les Visconti et les Carrare se déclarèrent aussi contre le seigneur de Vérone, et celui-ci se trouva de nouveau exposé à une guerre générale. Pour diminuer le nombre de ses garnisons et se procurer de l’argent, il vendit Lucques aux Florentins, qui ne surent pas garder cette ville. Il s’allia ensuite au marquis d’Este et à Pepoli, seigneur de Bologne ; et, en 1345, il fit la paix avec les Visconti eu mariant à Bernabo sa fille Béatrix, que la noblesse de sa taille et peut-être aussi son orgueil avaient fait surnommer la reine. Mastino, réduit à la souveraineté de Vérone et de Vicence, renonça aux projets ambitieux qui avaient occupé la première partie de son règne. Il prit encore quelque part aux troubles de Romagne, où il se rangea du parti du légat du pape ; mais il chercha surtout à rétablir les arts et l’agriculture dans ses Etats, que des efforts disproportionnés à leur étendue avaient épuisés. Il mourut, le 3 juin 1351, laissant trois fils qui lui succédèrent conjointement, deux filles et sept enfants naturels.

S. S―I.


SCALA (CAN-GRANDE II DE LA), fils de Mastino II, auquel il succéda le 3 juin 1351, fut proclamé d’abord conjointement avec ses deux frères, Can-Signore et Paul Alboïn, et du consentement d’Albert II, son oncle, qui mourut l’année suivante ; mais le jeune prince ne voulait pas admettre de partage dans l’autorité. Né en 1332, il avait épousé, le 22 novembre 1350, Elisabeth, fille de l’empereur Louis IV de Bavière ; mais Can-Grande ne s’était pas attaché à elle ; il n’en avait pas d’enfants, et il élevait sous ses yeux des bâtards, auxquels il voulait assurer sa succession. La grande jeunesse de ses frères lui avait permis de retenir pour lui-même toute l’autorité ; il l’avait rendue plus onéreuse en accablant ses sujets d’impôts excessifs, et il avait cru assurer les trésors qu’il avait amassés en les plaçant à intérêt dans la banque de Venise, sous le nom de ses trois fils naturels. Ces exactions avaient rendu Cau-Grande odieux au peuple. Son frère naturel, Frégnano, crut pouvoir profiter du mécontentement universel pour s’emparer de la souveraineté de Vérone. Pendant que Can-Grande était allé à Bolzano, avec son frère Can-Signore, pour y avoir une entrevue avec le marquis de Brandebourg, son beau-frère. Frégnano réussit, par un mélange de tromperie et d’audace, à se rentre maitre de Vérone pendant la nuit du 17 février 1354. Les Gonzague, Azzo de Coreggio et Visconti, jaloux de la maison de la Scala, se réunirent pour favoriser l’usurpateur ; mais Can-Grande, revenu en toute hâte avec ses gendarmes dès la première nouvelle de