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contraignit à signer, le 20 octobre, un traité par lequel ils renonçaient à toutes leurs prétentions sur Vicence. L’année suivante, Cane tourna ses armes contre les Guelfes de Crémone ; il leur prit Casal Maggiore et les força bientôt après à rappeler les Gibelins dans leur ville. Au milieu de la paix, les Padouans essayèrent, le 22 mai 1317, de surprendre Vicence ; mais Cane de la Scala, qui était toujours admirablement servi par ses espions, fut averti de leur tentative, et, les ayant attaqués à l’improviste, en fit prisonniers le plus grand nombre, et, à l’aide de ces prisonniers mêmes, il s’empara, cinq jours après, de Monselice, la plus importante forteresse de l’Etat de Padoue. Après une année de combats, les Padouans, n’ayant pas d’autre moyen de se défendre, se donnèrent pour maître Jacques de Carrare, allié de Cane, et ils appelèrent à leur aide le duc Frédéric d’Autriche. La même année, Cane, déjà rendu célèbre aux yeux de toute l’Italie, fut nommé capitaine général de la ligue des Gibelins de Lombardie, dans une assemblée tenue à Soneino, le 16 décembre 1318 ; mais le pape Jean XXII l’excommunia comme hérétique en 1320. Cane n’avait point voulu donner la paix aux Padouans, ni par l’intercession de Jacques de Carrare, ni par la crainte du duc d’Autriche, et, quoiqu’il leur accordât quelques trèves, dont il profitait lui-même pour porter ses armes dans d’autres parties de la Lombardie, il força enfin Padoue de se soumettre à lui, le 7 septembre 1328. Déjà il commandait à Vérone, Vicence, Padoue, Feltre et Cividale. Pour achever la conquête de la Marche, il ne lui manquait plus que de soumettre Trévise ; cette dernière ville fut livrée par capitulation le 18 juillet 1329 ; mais, comme il y entrait en triomphe, il se sentit atteint d’une maladie dangereuse, se fit transporter à l’église cathédrale et y mourut le quatrième jour, à l’âge de 41 ans. Depuis douze ans, il portait le titre de capitaine général des Gibelins de Lombardie ; et ses compatriotes lui avaient donné le nom de Grand dans un siècle fécond en hommes distingués. A une bravoure qui ne se dénierait jamais, il joignait des qualités plus rares : la constance dans ses principes, la franchise dans ses discours, la fidélité à ses engagements. Il ne s’était pas seulement assuré de l’amour des soldats, il était chéri des peuples qu’il gouvernait ; il gagnait même promptement le cœur de ceux qu’il subjuguait par les armes. Le premier des princes lombards, il protégea les arts et les sciences. Sa cour, le refuge de Dante, l’asile de tous les exilés gibelins, avait rassemblé les premiers poètes de l’Italie, les premiers peintres et les premiers sculpteurs. Quelques monuments glorieux, dont il orna Vérone, attestent encore aujourd’hui son goût pour l’architecture. Les armes cependant étaient sa passion favorite : elles firent la gloire de son règne. Conseiller et lieutenant de deux empereurs, Henri VII et

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Louis IV, il se montra supérieur à l’un et à l’autre, et il soutint, par ses talents et son activité, l’autorité de l’empire que ces monarques étaient hors d’état de maintenir eux-mêmes. Cane n’avait point de fils légitime ; ses deux neveux, fils de son frère Alboïn, lui succédèrent conjointement.

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SCALA (Mastino II de la), né, en 1308, d’Alboïn de la Scala, succéda, le 23 juillet 1329, à Cane le Grand, son oncle, dans la principauté de Vérone. Son collègue et son frère Albert II lui abandonna sans partage le soin des affaires pour se livrer uniquement au plaisir (1)[1]. Mastino, sans être nommé capitaine général par les Gibelins de Lombardie, comme son oncle l’avait été, fut cependant bientôt reconnu pour le plus, puissant et le plus habile de leurs chefs. Tous ceux qui, dans ce parti, se croyaient opprimés recouraient à sa protection ; et Mastino savait bien que tous les clients qu’il acquérait deviendraient bientôt ses sujets. Aussi était-il toujours prêt à marcher au secours de ceux qui l’appelaient. Les Gibelins émigrés de Brescia furent les premiers, en 1330, à invoquer son assistance. Mastino entra aussitôt dans l’Etat bressan et entreprit, au mois de septembre, le siège de la capitale. L’arrivée inattendue du roi Jean de Bohème en Italie et la protection qu’il accorda aux Bressans forcèrent Mastino à se retirer ; mais il en conçut contre le roi Jean un ressentiment que ce monarque ne craignit point d’accroître. Il se fit reconnaitre pour seigneur par d’autres villes voisines, sur lesquelles le prince de Vérone avait aussi des projets. Mastino, étonné de voir élever auprès de lui, par ce monarque aventurier, une puissance rivale qui menaçait de l’engloutir, sentit la nécessité, pour s’opposer à lui, de renoncer à d’anciens systèmes et à un ancien esprit de parti qui ne s’accordaient plus avec la politique. Il proposa, le premier de réunir par une ligue commune les princes gibelins et les républiques guelfes, auxquelles le Bohémien inspirait une égale jalousie. Une première ligue fut signée à Castelbaldo, le 8 août 1331, entre Mastino, les marquis d’Este, les Gonzague de Mantoue et les Visconti de Milan. Les Florentins entrèrent dans cette ligue au mois de septembre 1332 ; et les alliés se promirent de partager entre eux les provinces qui, par un enthousiasme sans exemple dans l’histoire, s’étaient soumises de concert au roi de Bohême. Mastino fut le premier à réaliser ce partage. Il acheta des Guelfes l’entrée de Brescia, le 14 juin 1332, en livrant à leur vengeance les Gibelins de cette ville, dont il s’était déclaré jusqu’alors le protecteur. Ainsi Mastino commençait à révéler cette fausseté, cette ambition perfide et féroce, qui, non moins que la

  1. (1) Albert II était né en 1306. Il fut fait prisonnier à Padoue, le 3 août 1337, et relaché par les Vénitiens par suite du traité du 18 décembre 1338. Il mourut, après son frère, le 13 septembre 1352 uns laisser d’enfants.