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de le punir de son indiscrétion que ses mœurs étaient loin d’être exemplaires. Heureusement pour Fortunat, l’un de ses frères (Olivier Scacchi), qui jouissait d’un assez grand crédit, se chargea d’assoupir l’affaire et le fit venir, en 1618, à Rome, où le cardinal Scip. Cabellucci lui procura la chaire d’Ecriture sainte. Ayant mérité la bienveillance du cardinal Barberini, depuis pape sous le nom d’Urbain VIII, ce pontife, en montant sur la chaire de St-Pierre, le revêtit de la dignité de son maître de chapelle, et, en 1628, l’adjoignit à la congrégation chargée de revoir le martyrologe et le bréviaire romains. Scacchi occupait depuis quinze ans l’emploi honorable et lucratif de maître de chapelle ; mais s’étant plaint, dans l’espoir d’obtenir quelque gratification, des difficultés qu’il éprouvait à l’exercer, un cardinal qui ne l’aimait pas en profita pour faire donner la place à une de ses créatures. Le malheureux Scacchi, qui n’as ait fait aucune économie, se vit réduit à vendre sa précieuse bibliothèque pour subsister, et revint à Fano, où le chagrin et ses infirmités, auxquelles se joignit la perte de la vue, le conduisirent au tombeau le 1er août 1643. Paf son testament, il légua le peu qu’il possédait au couvent de son ordre. Outre une édition de la Bible, Venise. 1619, in-fol.[1], on a de lui : 1° Sacrorum elloeochrysmaton myrothecia tria, Rome, 1625-1627-1637, in-4o, 3 parties.[2] ; Amsterdam, 1701 ou 1710, in-fol, ouvrage savant, mais rempli de digressions étrangères au sujet. L’auteur y traite de toutes les sortes d’onctions dont il est parlé dans les saintes Ecritures et, par occasion, du chandelier à sept branches, des lampes des anciens, des embaumements, des bains, des parfums, etc. L’édition d’Amsterdam, reproduite en 1710, l’a été de nouveau à la Haye. 1725. sous ce titre : Thesaurum antiquitatum sacro-profanarum. C’est par erreur que quelques biographes en ont fait un nouvel ouvrage. 2° De cultu et veneratione serrorum Dei liber primus, qui est de notis et signis sanctitatis, Rome, 1639, in-4o. Cet ouvrage devait avoir six livres ; mais le premier a été seul publié, l’auteur n’ayant pu faire les frais de l’impression. 3° Prediche e discorsi sopra gli Evangeli, ibid., 1636, in-4o. On peut consulter, pour plus de détails, la Pinacotheca d’Erytroeus J. Rossi, dont Tiraboschi a corrigé quelques erreurs dans la Storia della litteratura italiana, t. 8, p. 114 ; la Nouv. bibl. des aut. ecclésiast. de Dupin, t. 17, édition in-4o ; et les Mémoires de Niceron, t. 21.

W―s.

SCAEVOLA (Caius Mucius, d’abord surnomme CORDUS, puis). nom qui a prévalu dans l’histoire, né d’une famille patricienne. sous le règne de Tarquin le Superbe, est célèbre par un trait qui semblerait avoir été inventé, ou du moins considérablement embelli par les historiens romains. Tandis que Porsenna, roi de Clusium, en Etrurie (voy. PORSENNA), tenait Rome assiégée (an 507 avant J.-C.), Mucius, s’imaginant qu’il était glorieux de servir sa patrie par un assassinat, pénétra sous l’habillement étrusque dans le camp de ce prince et s’introduisit dans sa tente. Deux hommes richement vêtus s’offrent à ses regards ; mais l’un était entouré de plus de monde : c’était le secrétaire du roi qui distribuait la solde aux troupes. Mucius le prend pour Porsenna et le poignarde. Il est arrêté : son supplice s’apprête ; mais, invincible à la crainte des tourments, il brave le prince irrité, et joignant la ruse à l’audace, il lui déclare, dit Denys d’Halicarnasse[3] que trois cents jeunes patriciens ont fait serment de tuer le roi des Etrusques. Tite-Live ajoute que Mucius étendit sa main sur un brasier ardent qui se trouvait dans la tente, comme pour la punir d’avoir manqué le coup qu’il avait médité, et qu’il la laissa brûler sans manifester aucun sentiment de douleur[4]. « Ce récit, a dit un critique, ne pouvait manquer d’être le plus généralement« adopté, parce que la préférence est toujours accordée, par le vulgaire, à la narration la plus merveilleuse et que le moyen d’être cru fut longtemps de dire des choses merveilleuses[5]». Porsenna, si l’on en croit Tite-Live, admira le courage de Mucius et fut épouvanté de sa fausse révélation. Au lieu de livrer ce jeune forcené au supplice, il aima mieux gagner les Romains par sa clémence et lui accorda la vie et la liberté. Il renvoya Mucius à Rome, accompagné d’ambassadeurs, et conclut la paix avec cette république. D’autres auteurs, cités par Denys d’Halicarnasse, prétendent, au contraire, que Porsenna retint Mucius dans son camp comme otage jusqu’à ce que cette paix fût faite. Le même historien et Pline le naturaliste nous montrent ce que l’on doit penser de ce traité. Selon le premier, ce ne fut pas la crainte des Romains, mais celle d’un soulèvement en Etrurie, qui décida le monarque étrusque à lever le siège de Rome[6]. D’après le second, le traité fut si humiliant pour les Romains que Porsenna les réduisit à l’état de colons et ne leur laissa que le fer nécessaire pour les instruments d’agriculture[7]. Dès ce moment, les Romains donnèrent à Mucius le surnom de Scaevola (gaucher), au lieu de celui de Cordus, que Denys d’Halicarnasse traduit par Opsigonus, (c’est-à-dire tard venu, posthume né dix mois après la mort de son père). On le gratifia en outre d’autant de terres qu’il en pourrait entourer dans un jour en traçant un sillon avec une charrue.

  1. Cette édition contient, outre la version connue sous le nom de Vulgate, celle de Santés Pagnini, une autre plus ancienne, et celle de la paraphrase chaldaïque.
  2. La quatrième et la cinquième sont restées en manuscrit.
  3. Lib. 5, cap. 4, § 16-25.
  4. Tite-Live, liv. 2, chap. 12.
  5. Ch. Levesque, Histoire critique de la république romaine, t. 1er, p. 122.
  6. Lib. 4, cap. 4, § 25.
  7. Hist. mundi, lib. 34, cap. 14.