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prolixité habituelle des commentateurs indiens. Mais Sâyana ne laisse de côté rien de ce qui peut intéresser ses lecteurs ; et, bien qu’il s adresse nécessairement à des brahmanes, les philologues européens peuvent y trouver la plus ample lumière et en retirer le plus grand profit. L’étude des commentateurs indigènes est indispensable, quand on veut pénétrer dans le sens vrai de ces antiques monuments, et c’est le premier soin qu’on doit prendre, sauf à le compléter plus tard par toutes les théories dont la science, parmi nous, a l’habitude et le besoin. On doit savoir d’autant plus de gré au savant éditeur de Sâyana que les manuscrits de ce commentaire sont extrêmement défectueux. Le texte même du Rig-Véda a été conservé depuis plus de trois mille ans avec l’exactitude la plus scrupuleuse et la plus surprenante ; mais il n’en a pas été de même des commentaires ; et, en général, ils sont pleins de fautes. M. Max-Müller n’a pas dû consulter moins de quinze ou vingt copies plus ou moins fidèles ; et c’est par la collation attentive de tous ces documents qu’il est parvenu à établir le texte correctement. Ce sont là des labeurs gigantesques et qui, outre la persévérance et l’application infatigable, attestent la science la plus consommée. Frédéric Rosen, dans sa publication du premier ashtaka, et M. Langlois, dans sa traduction générale du Rig-Véda, ont fait déjà un usage très-profitable du commentaire de Sâyana ; mais on peut aller beaucoup plus loin dans cette voie ; et M. Adolphe Régnier, membre de l’Institut, a donné un très-louable exemple dans son Etude sur l’idiome des Védas, Paris, 1855, in-4o. Il a expliqué à fond quelques hymnes d’après Sâyana, en accompagnant le texte et le commentaire d’une traduction fidèle jusqu’au scrupule, et en fournissant ainsi l’idée la plus précise à la fois du sens des hymnes védiques et de la méthode suivie par les scoliastes hindous. M. Max-Müller se propose, quand son édition sanskrite sera terminée, d’ajouter au Rig-Véda et au commentaire de Sâyana tous les éclaircissements qu’ils réclament. Ce sera l’objet d’une publication spéciale ; mais, en attendant, on doit remercier M. Max-Müller d’avoir consacré les vingt plus belles années de sa vie à établir et à imprimer les textes originaux. Sans le secours de Sâyana, le Rig-Véda serait resté longtemps encore impénétrable aux efforts les plus énergiques et les plus sagaces de nos philologues.

B. S. H.

SAYER (Franck), poëte anglais, naquit à Londres le 3 mars 1763. Ayant perdu son père de bonne heure, il ne reçut point une éducation régulière ; et, après avoir ébauché ses études à Yarmouth, où sa mère s’était retirée pour être au sein de sa famille, puis à North-Walsham, où il eut entre autres condisciples Nelson, du reste beaucoup plus âgé que lui, et enfin à Palgrave, où Barbauld, le mari d’une des Saphos de l’époque, la gracieuse miss Letitia Aikin, cumulait

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avec le titre de prédicateur d’une chapelle de dissidents les maigres profits d’une petite pension, il fut placé dans une maison de commerce à Yarmouth même. La régularité, le formalisme de cette nouvelle existence lui déplurent singulièrement, et, son aïeul maternel lui ayant laissé un bien rural de cent trente acres à peu près, il profita de sa majorité pour dire adieu au comptoir et pour se mettre en devoir de vivre un jour en gentleman farmer. Toutefois étant dépourvu des premières notions de l’agriculture, il alla se mettre comme en apprentissage chez un habile cultivateur d’Oulton (comté de Suffolk), pour revenir de là régir ses domaines de Palgrave, car c’est à Palgrave qu’était situé l’héritage. Mais il ne tarda pas à s’apercevoir que l’agriculture pratique était plus loin encore de convenir à ses goûts que le commerce. Rêveur et poëte par nature, il s’était figuré que sa vie au sein du cottage serait une idylle perpétuelle. Quelques mois de contact avec la dure réalité lui apprirent que l’on ne peut mener de front ma ferme et l’existence littéraire dont son imagination lui avait présenté la perspective. Il abandonna donc en même temps Oulton et ses plans pour Palgrave et revint passer un peu de temps auprès de sa mère à Yarmouth. Sa famille insistait pour qu’il fit choix d’une carrière. Il n’eût tenu qu’à lui d’entrer avantageusement dans les ordres ; un M. Alrie, son oncle par alliance, avait reçu de l’évêque de Lincoln Thurlow, père du chancelier, l’invitation de lui désigner un protégé à son choix pour un bénéfice de trois cents livres (7.500 francs) de rente, et un mot aurait suffi à Sayer pour se voir assurer cette position. Il ne le voulut pas ; et si, comme on le dit, son refus eut pour cause l’attachement qu’il professait pour le méthodisme, on ne peut que donner des éloges à son désintéressement. Nous ne dissimulerons pas pourtant que sous plus d’un rapport il n’eût agi fort sagement en acceptant ; et puisque, en fin de compte et sans avantage aucun, il en vint à répudier sa foi première pour embrasser la doctrine anglicane, il est fâcheux pour lui que cette conversion (qu’on n’eût pas même appelée conversion chez un homme de vingt ans) n’ait pas eu lieu plus tôt. Quoi qu’il en soit, peu de temps après, il annonçait à sa mère qu’il allait étudier la médecine ou plutôt la chirurgie ; et dans ce but, après avoir vendu son domaine, il se rendit d’abord à Londres, où il eut pour maîtres Cruickshank, Baillie, Hunter, puis à Edimbourg, dont il s’absenta plus d’une fois pour se livrer à des pèlerinages poétiques, bien plus dans ses goûts que les études professionnelles, et finalement en Hollande. Il avait songé d’abord à se faire recevoir docteur à Leyde : mais les réglements de l’université ne permettaient de conférer ce grade qu’au bout d’un séjour plus long que celui qu’il comptait y faire, ou peut-être n’était-il pas de force à supporter