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sortit si glorieusement. Tous les généraux et les officiers ennemis, à l’exception d’un lieutenant-colonel et du comte Furstemberg, furent pris ou tués. Parmi les prisonniers se trouva le fameux général bavarois Jean de Werth. Presque toute la cavalerie et l’infanterie qui échappa à la mort fut prise et passa sous les drapeaux du duc. Après cette brillante victoire, il pressa le siège de Rhinfeld, qui capitula enfin le 22 mars. De là il se rendit en Brisgau, où il s’empara de Fribourg et de toutes les autres places ; puis il conçut le dessein d’attaquer Brisach, alors une des places les plus fortes de l’Europe ; mais n’ayant ni assez de troupes ni assez d’argent pour une telle entreprise, il se borna d’abord à en former le blocus. L’Empereur et le duc de Bavière réussirent à y faire entrer quelques vivres. Ayant réuni des forces considérables. Ferdinand III ordonna aux généraux Gœtze et Savelli d’attaquer le duc dans ses lignes. Averti de leur approche, celui-ci, renforcé par un corps français sous les ordres du maréchal de Guébriant et du jeune vicomte de Turenne, marcha à leur rencontre et les trouva, le 9 août, près du village de Wittenvihr. Il engagea sur-le-champ la bataille et les défit complétement avec perte de leur artillerie et de quelques milliers de chariots destinés à ravitailler Brisach. L’Empereur, voulant faire un dernier effort pour sauver la ville qu’il se plaisait à nommer l’une des pierres précieuses de sa couronne impériale, envoya de nouvelles troupes au maréchal Gœtze pour attaquer, conjointement avec le duc Charles de Lorraine, le camp du duc de Weimar sur tous les points. Mais le duc de Lorraine ne concerta pas ses opérations avec Gœtze et entra en Alsace, croyant surprendre et battre seul le duc Bernard. Celui-ci sortit de son camp avec une partie des troupes allemandes et françaises, et ayant atteint le duc Charles près de Thann, le 14 octobre, il le mit en fuite. Mais à peine rentrait-il en vainqueur dans son camp qu’il fut obligé de combattre de nouveau. Le maréchal Gœtze avait reparu avec une grande armée devant les retranchements, et les attaqua. le 25 octobre, avec une telle vigueur qu’il s’empara de plusieurs, et qu’il allait devenir mettre de presque tout le camp, lorsque le duc de Weimar fit les derniers efforts pour ranimer le courage de ses soldats. Son exemple, ses exhortations enflammèrent ses troupes et celles du maréchal de Guébriant et du vicomte de Turenne. Se précipitant sur les Impériaux, elles les chassèrent du camp et des retranchements extérieurs qu’ils avaient emportés. L’Empereur, irrité, ôta le commandement à Gœtze et ordonna une nouvelle attaque, qui fut tout aussi infructueuse. Brisach, livrée à la famine, fut enfin obligée de capituler le 19 décembre. Le duc exclut la France de la convention qu’il conclut avec le gouverneur, nommé de Reinach ; il substitua ses troupes dans la garnison, et dans le gouvernement

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son général major, Jean-Louis d’Erlach (voy. ce nom). La conquête de Brisach termina cette belle campagne de 1638, pendant laquelle Bernard s’était rendu mettre de trois forteresses réputées imprenables et avait gagné huit batailles. Il se porta, au commencement de 1639, en Franche-Comté pour y rafraîchir son armée, et enleva de vive force Pontarlier et le château de Joux. Richelieu, voulant le retenir dans les intérêts de la France, crut devoir ménager sa résistance. Il lui fit proposer, par le comte de Guébriant, de laisser en son pouvoir Brisach et les autres villes, à la condition de donner une déclaration par écrit portant qu’il les gardait sous l’autorité du roi, avec promesse de ne les abandonner en d’autres mains que par l’ordre formel de Sa Majesté. Si le duc venait à mourir, le gouverneur d’Erlach devait également promettre par écrit de garder Brisach pour le roi. Ce fut sur ce terrain que s’établit la nouvelle négociation du comte de Guébriant ; elle n’était point encore arrivée à son terme, lorsque le duc résolut de rentrer en campagne. À peine arrivé à Huningue. où il devait faire passer le Rhin à son armée, il fut attaqué d’une fièvre ardente ou pernicieuse, qui obligea de le transporter le jour même à Neubourg, où il mourut quatre jours après, le 18 juillet 1619, dans la 36e année de son âge. Cette mort imprévue a donné lieu à plusieurs historiens français, allemands et suédois de soutenir qu’elle n’avait pas été naturelle. Les uns en ont accusé le cabinet de Stockholm. Cette opinion manque de vraisemblance : la mort du duc, au lieu de servir les intérêts de la Suède, faute de la diversion qu’on attendait de lui sur le Rhin, arrêta en Bohème les progrès de Bannier. Les autres ont imputé ce crime à la cour d’Espagne. ou du moins au comte d’Olivarez : mais tout le monde sait que les deux cours agissaient de concert dans cette guerre, et il est certain que, depuis 1638. l’Empereur s’efforçait d’attirer à lui le duc et son armée (1)[1], à tel point qu’après sa mort l’agent de Ferdinand III, chargé de négocier avec Bernard, continua de traiter avec les chefs de l’armée weimarienne, tout en sachant bien que ces troupes étaient à la solde de la France. Cette considération doit aussi faire rejeter l’assertion consignée dans les Souvenirs du comte de Caylus, publiés à Paris en 1806, qu’un moine espagnol, à la vue de l’échafaud sur lequel il allait subir la punition d’autres crimes, se serait confessé d’avoir fait mourir le duc par ordre du comte d’Olivarez. Enfin une troisième accusation fait planer le soupçon de cette mort sur le cardinal de Richelieu ; mais les recherches faites sur l’état de la négociation du maréchal Guébriant établissent qu’elle prenait une tournure favorable

  1. (1) Ces efforts étaient vains et le cardinal de Richelieu, dans ses Mémoires (t. 10, p. 328) rend justice à la loyauté du duc et à sa fidélité aux engagements contractés avec la cour.