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qui est le chef-d’œuvre de Pigalle. Mais quel hommage plus éclatant fut jamais rendu à la mémoire de ce héros que celui de ces grenadiers français qui, partant pour l’armée, allèrent aiguiser leurs sabres sur sa tombe ? Le maréchal de Saxe était d’une taille élevée ; il avait les yeux bleus, le regard noble et martial. Un sourire agréable et gracieux corrigeait la rudesse qu’un teint basané et des sourcils noirs et épais auraient pu donner à sa physionomie. Sa force extraordinaire est devenue proverbiale : il partageait en deux un fer de cheval, et même un écu de six francs. Du plus gros clou il faisait un tire-bouchon, sans employer d’autre instrument que ses propres doigts. Courant un jour les rues de Londres à pied, il fut insulté par un des plus redoutables boxeurs ; il le saisit par un bras et le lança dans un tombereau de boue qui passait. Le peuple le couvrit d’applaudissements. Son cœur était humain, quoique son abord fût quelquefois sévère et brusque. Un lieutenant général lui proposait un jour un coup de main qui ne devait, disait-il, coûter qu’une vingtaine de grenadiers. « Une vingtaine de grenadiers ! s’écria le maréchal indigné ; passe encore si c’était des lieutenants généraux ! » Il aimait les femmes à l’excès : cependant il ne leur sacrifia jamais sa gloire. Elevé au milieu des camps, il n’avait pas eu le loisir de faire des études solides ; mais il devait à la lecture des connaissances très-variées : ses lettres et ses écrits en sont une preuve irrécusable. Il serait difficile, néanmoins, de dire à quel titre l’académie française voulait lui offrir un de ses fauteuils. Lui-même eut le bon esprit d’en être plus étonné que personne : et la lettre par laquelle il déclina cet honneur inattendu pouvait attester, par son orthographe, que le nouvel académicien eût rendu peu de services à la langue : « Ils veule me fere de la Cadémie ; sela miret comme une bage à un chas. » Après sa mort, cette compagnie littéraire proposa du moins son éloge pour un de ses prix annuels. Le prix fut gagné par Thomas, qui a assez bien apprécié le mérite réel de son héros (1)[1]. Le baron d’Espagnac, mort gouverneur des Invalides, et qui avait été attaché à l’état-major du maréchal de Saxe pendant toutes ses campagnes, en a donné une histoire qui pèche par l’excès contraire. Le style en est peu soigné, mais les faits y abondent, et ils sont décrits avec toute la précision que l’on pouvait attendre d’un témoin oculaire. Au reste, le maréchal a laissé lui-même un ouvrage où il se peint souvent au naturel ; ce sont ses Rêveries, 1757, 5 vol. in-4o, fig., traduit en anglais (voy. FAWCET). Ce serait abuser étrangement que de croire que l’auteur ajoutât foi lui-même à toutes ses assertions. On

XXXVIII.

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l’aurait souvent fort embarrassé, dit le prince de Ligne, si on l’eût pris eu mot. Il avait puisé une partie de cette théorie dans les entretiens du chevalier Folard, ardent zélateur de l’antiquité, qui prenait au pied de la lettre le mot fameux de Végèse : Deus legionem invenit. Mais, au milieu de toutes les Rêveries du maréchal de Saxe, les hommes du métier reconnaîtront toujours à certains traits un génie vraiment militaire. C’est ainsi, par exemple, que, devançant les temps, il déclare que l’enrôlement légal de toute la jeunesse d’un État est l’unique moyen d’obtenir des armées réellement nationales et à l’abri de la désertion. Tout ce qu’il conseille pour l’entretien de la santé du soldat fait autant d’honneur à son humanité qu’à la diversité de ses connaissances. On conserve à la bibliothèque de Strasbourg des lettres autographes du maréchal de Saxe (1)[2]. Pour les relations de ses campagnes. (voyez l’article ESPAGNAC). Le livre de M. Ed. de la Barre Duparcq : Maurice de Saxe. Biographie et maximes, Paris. 1851, in-8o. mérite d’être consulté.

S-v-s.

SAXE (Édouard-Charles-Guillaume, prince d’Altenbourg, duc de) naquit à Hildbourghausen le 3 juillet 1804. Il était le plus jeune fils du duc Ferdinand IV de Saxe-Hildburghausen et de Charlotte, duchesse de Mecklembourg-Strélitz. Il fut élevé en partie dans la maison paternelle, puis dans le célèbre institut de Fellenberg, en Suisse. Ayant obtenu ensuite le commandement d’un régiment de chevau-légers, il accompagna en Grèce le prince Othon de Bavière, qui venait d’être appelé (1833) à la couronne des Hellènes. Il fut gouverneur de Nauplie. A son retour eu Bavière, il y devint lieutenant général, et, en 1848, il fut gouverneur de Munich. Quand, à la suite des événements de cette année et de l’abdication du roi Louis, l’armée bavaroise fut réformée sous le nouveau roi Maximilien, le prince Edouard eut le commandement d’une division de cavalerie. En 1869, lorsque l’Allemagne prétendit constituer l’indépendance du Holstein et incorporer le Schleswig dans la confédération : le gouvernement bavarois confia au prince Edouard le commandement d’une des divisions destinées à marcher contre le Danemarck. Il se distingua dans cette campagne, notamment à l’assaut des remparts de Duppeln (13 avril 1849). Le prince avait épousé, en 1835, la princesse Amélie de Hohenzollern-Sigmaringen, fille du prince de ce nom et de la princesse Antoinette-Marie Murat, et le 8 mars 1842 il épousa en secondes noces la princesse Louise-Caroline de Reuss-Greitz. Il mourut le 16 mai 1852 et fut enseveli à Altenbourg.

Z.

SAXE-COBOURG (Frédéric-Josias, prince de), feld-maréchal au service d’Autriche, naquit en

  1. (1) Ce fut en 1759 que Thomas remporta ce prix. C’était non-seulement son début dans la carrière oratoire, c’était la première fois que l’académie avait proposé pote sujet de prix un éloge ; en place des lieux communs de morale.
  2. (1) Le général Grimoard a publié des lettres et mémoires choisis parmi les papiers originaux du maréchal de Saxe, depuis 1733 jusqu’en 1750, Paris, 1794, 5 vol. in-8o.