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tue de sa main leur commandant, au moment où cet officier lui assénait un coup de sabre qui lui eût ouvert la tête sans la calotte de fer qu’il avait coutume de porter. Les deux campagnes suivantes lui fournirent de nouvelles occasions de se signaler. Nommé lieutenant général à la paix de 1736, il témoigna un vif désir de revoir la Saxe. Son véritable motif était de renouveler ses efforts pour faire valoir ses droits au duché de Courlande, dont il avait la faiblesse de ne pouvoir détacher sa pensée. Déçu encore cette fois, il revint en France et sembla vouloir se consacrer tout entier à l’étude de l’art de la guerre. C’est à cette époque (1738) qu’il retoucha, augmenta et finit l’ouvrage modestement intitulé Mes rêveries, et dont six années auparavant il avait jeté l’ébauche en treize nuits. Le moment arriva d’en faire l’application : la mort de l’empereur Charles VI fut suivie d’un embrasement général. Louis XV envoya en Bohème une année commandée par le maréchal de Belle-Isle. L’aile gauche fut mise sous les ordres du comte de Saxe. Chargé de l’investissement de Prague (1741), au bout de quelques, jours il prit d’assaut cette importante place. Il a tracé de sa propre main tous les détails de cette brillante expédition, dans une lettre adressée à son ami le chevalier Folard. Il y rend une justice éclatante à la valeur et à l’intelligence du brave et modeste Chevert. Aussi humain qu’intrépide, Maurice mit tous ses soins à sauver la ville du pillage. Peu de temps après, il se porte sur Egra et enlève cette forteresse avec la même rapidité. C’est là qu’il reçut la nouvelle que des collatéraux avides allaient lui ravir des biens considérables situés en Livonie, et qui lui revenaient du chef de sa mère. Le roi lui envoie la permission de se rendre à St-Pétersbourg. L’impératrice Elisabeth l’accueille et lui promet justice. Il revole aussitôt sous les drapeaux français et prend le commandement de l’année de Bavière, où il déploya des connaissances profondes. Lorsqu’il reparut à la cour, Louis XV lui adressa les éloges les plus flatteurs et l’autorisa à lever un régiment de uhlans de 1,000 chevaux. Pendant son absence, le prince Charles de Lorraine avait obtenu des avantages si décisifs en Bavière que l’armée française dut se retirer jusqu’en deçà du Rhin : Le maréchal de Noailles chargea le comte de Saxe de la défense de l’Alsace. Ses dispositions prouvèrent qu’elle ne pouvait être confiée à de meilleures mains. Un ordre exprès du roi le manda tout à coup à Versailles : Louis XV lui révéla lui-même l’objet de la mission importante dont il voulait honorer sa valeur. Il s’agissait d’aider le prince Edouard, fils du prétendant, à reconquérir le trône de ses pères. Le comte de Saxe part pour Dunkerque ; mais à peine y est-il arrivé qu’une horrible tempête détruit une partie de son escadre : les restes en sont bloqués par une flotte anglaise. Maurice

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retourne à Versailles pour demander au roi de nouveaux ordres. Le monarque lui remet le bâton de maréchal de France (mars 1743). La guerre allait prendre un caractère plus imposant. Louis XV annonça son intention de se porter lui-même en Flandre, à la tête de 80,000 hommes. Le maréchal de Saxe reçut le commandement de la gauche de cette armée, destinée à couvrir les siéges que devait entreprendre le maréchal de Noailles sous les yeux du roi. Ce fut dans cette campagne de 1744 que Maurice commença à donner aux partis volants une importance inusitée. Trente-neuf jours avaient suffi pour soumettre les places de Menin, Ypres, la Knoke et Furnes, quand le roi apprit que le prince Charles était entré en Alsace. Il vola en personne au secours de cette province, et fut arrêté à Metz par la maladie cruelle qui faillit causer sa mort. Le maréchal de Saxe, laissé seul en Flandre, se retrancha derrière la Lys et, malgré les efforts d’un ennemi trois fois plus nombreux, il ne quitta point son quartier général de Courtrai. Il tint constamment les alliés en échec et conserva toutes les conquêtes qui avaient signalé l’ouverture de la campagne. Le maréchal en rendit la fin non moins belle aux yeux des gens du métier. Louis XV déclara qu’il se rendrait de nouveau à l’armée des Pays-Bas avec le Dauphin. Le commandement suprême fut donné au maréchal de Saxe ; mais dans quel moment lui était décerné cet honneur ! L’hydropisie minait ses forces ; mais rien n’était capable de l’arrêter dans une circonstance aussi importante pour sa gloire. Voltaire rapporte que l’ayant vu au moment de son départ, et lui ayant témoigné l’inquiétude que lui donnait la faiblesse de sa santé, le maréchal lui répondit : « Il ne s’agit pas de vivre, mais de partir. » Maurice, arrivé à Valenciennes le 15 avril 1745, se vit réduit, dès le 18, à recourir à la ponction. Le chef de son état-major, le matin même de l’opération, travailla pendant cinq heures avec lui et ne s’aperçut pas de la moindre altération sur son visage. Son activité n’en souffrit pas davantage. Dès le 30 du même mois, la tranchée était ouverte devant Tournai. Cependant l’envie s’agitait déjà autour du héros. Des officiers supérieurs osèrent dire que son mal influait sur son esprit. Le roi le sut, et le vengea d’une manière éclatante : « Monsieur le maréchal, lui dit-il devant tous les généraux de l’armée, en vous confiant le commandement de mes troupes, j’ai entendu que tout le monde vous obéit ; je serai le premier à en donner l’exemple. » Maurice ne pouvait plus dissimuler le dépérissement de sa santé. Il se vit obligé de se faire traîner dans une carriole d’osier, et ne monta à cheval que lorsqu’il entendit le canon des alliés qui s’approchaient pour faire lever le siège. La bataille de Fontenoy a été cent fois décrite ; on n’en retracera donc point ici les détails. Mais cent fois aussi on a reproché au