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une seconde trêve. Sapiéha consacra les dernières années de sa vie aux détails de l’administration intérieure dans le grand-duché. Se trouvant à table avec les députés de la république de Venise, il se sentit mal : « Prenez ma place, dit-il à son fils, faites les honneurs pour moi : mon heure est arrivée. » Il mourut à Wilna peu après, le 7 juillet 1633, âgé de 76 ans. Le roi Wladislas IV honora de sa présence les funérailles de ce grand homme. On trouve dans la Biographie polonaise, t. 1, publiée par M. T. Mostowski, Varsovie, 1805, la vie de Sapiéha dans tous ses détails. Elle est terminée par une collection de lettres très-intéressantes pour l’histoire de son siècle. Il y en a quarante-et-une du roi Sigismond III, trois de la reine Constance, dont une est remarquable parce qu’elle peint les mœurs du temps. La reine écrit à Sapiéha qu’elle est très-fâchée de ne pouvoir assister aux noces de sa fille qu’il allait célébrer ; qu’elle envoie quelqu’un qui y paraîtra en son nom avec des présents pour les nouveaux mariés ; il y a deux lettres du roi Wladislas IV ; une de l’empereur Ferdinand II ; une de Gustave-Adolphe ; sept des papes Clément VIII, Paul V, Grégoire XV et Urbain VIII : cinq des hospodars de Transylvanie, de Moldavie et de Valachie ; une d’Anne, reine de Suède ; sept des ducs de Courlande ; trois de l’électeur de Brandebourg et une de celui de Bavière.

G-r.


SAPINAUD DE BOIS-HUGUET (le chevalier de), général vendéen, plus connu sous le nom de Sapinaud de LA Verrie, naquit près de Mortagne en bas Poitou, vers 1738, d’une des plus anciennes familles de la province. Sapinaud servit pendant vingt-cinq ans dans les gardes du corps. À la révolution, il ne quitta pas la France et fut principalement retenu par le désir de veiller aux intérêts de plusieurs de ses neveux émigrés. Il vivait retiré dans sa terre de la Verrie quand l’insurrection de la Vendée éclata. Dès le 10 mars 1793, les paysans des environs vinrent le solliciter de se mettre à leur tête. Sapinaud leur remontra d’abord la témérité de cette guerre, mais ces paysans insistèrent si vivement qu’il dut alors se rendre à leur vœu. Suivi de cet attroupement qui n’était armé que de fourches, de faux, de bâtons et de quelques fusils de chasse, il se dirige vers la petite ville des Herbiers. Deux compagnies en formaient la garnison, soutenues par es patriotes du lieu et par quatre ou cinq pièces d’artillerie. Néanmoins, les insurgés s’en rendirent maîtres après quelque résistance. Revenu momentanément à la Verrie, Sapinaud eut le bonheur de sauver Beaulieu, gentilhomme patriote, que menaçaient les vengeances des paysans. S’étant remis aussitôt en campagne, il obtint un avantage aux Guérinières et se réunit à Boyrand (voy. ce nom), que la population avait choisi pareillement pour la commander. Tous les deux conduisaient les insurgés à l’affaire du 19 mars, près de St-Vincent d’Esterlange, restée célèbre sous le nom de déroute de Marcé. Le général Marcé, après avoir passé la rivière du Lay, s’avançait sur les Quatre-Chemins par la grande route de la Rochelle à Nantes. Sapinaud et Royrand se portèrent à sa rencontre. Ils avaient comme lui environ 3 000 hommes ; mais, dans la colonne républicaine, il se trouvait quelques troupes de ligne commandées par d’habiles officiers, tels que le colonel Boulard et le lieutenant colonel Esprit Baudry, frère du Vendéen Baudry d’Asson. Les insurgés se divisèrent : une partie s’éparpilla sur les llancs, à la faveur d’un pays très-couvert, pour tourner l’ennemi ; le reste, conduit par Sapinaud, s’avança par la grande route. L’artillerie des républicains tonna : les Vendéens s’étaient jetés à plat ventre ; ils se relevèrent après le feu et coururent droit aux pièces : Sapinaud, le premier, s’élança sur les artilleurs et en tua un de sa main. L’une des pièces fut prise. Il continua de commander avec Royrand l’armée vendéenne dite du Centre et montra constamment une grande bravoure. Le 25 juillet, une colonne républicaine, sortie de Luçon sous les ordres du général Tuncq, vint attaquer le Pont-Charron, passage important sur le Lay, où les Vendéens avaient un poste. Une autre colonne, conduite par l’adjudant général Canier, se porta sur St-Philbert du Pont-Charron, afin de tourner les Vendéens par leur gauche. Sapinaud courut vers ce dernier point, amenant une pièce de canon. Avertis de son mouvement par un courrier, les républicains portèrent au-devant de Sapinaud un escadron de gendarmerie. Tombé dans cette embuscade, il se défendit avec sa valeur ordinaire. Déjà blessé grièvement, il fut massacré sans pitié. Quatre paysans de la Verrie (l’un d’eux se nommait Guiton) se tirent tuer en disputant aux meurtriers le corps de leur ancien seigneur. Sapinaud avait un extérieur fort remarquable. Sa taille était haute, environ cinq pieds six pouces, ses yeux noirs étaient pleins de vivacité, sa physionomie, ouverte et gracieuse, reflétait les nobles qualités qui honorèrent sa vie. M-a-r.


SAPINAUD DE LA RAIRIE (Charles-Henri), neveu du précédent, naquit au château de Sourdy, près de la Gaubretière, en bas Poitou, le 3 décembre 1760. Nommé, en 1778, cadet gentilhomme au régiment de Foix, il se retira du service en 1789, avec le grade de lieutenant en premier. Cinq de ses frères, dont quatre étaient officiers depuis plusieurs années, avaient émigré. Ne les ayant pas imités, il vivait, comme son oncle, retiré au fond de son manoir, où l’insurrection vendéenne vint également le chercher pour le créer un de ses chefs. Il eut part aux différents combats livrés par l’armée du Centre et passa la Loire, dans le mois d’octobre 1793, avec la grande armée. Son père, respectable vieillard, partagea toutes les misères de cette glorieuse et fatale campagne. Dans l’effroyable désastre du