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les vers. Cependant on l’a représenté comme un homme jaloux de tous les talents qui pouvaient lui porter ombrage ; on appuie cette grave accusation de quelques vers de Ronsard, dont St-Gelais avait raillé la manière de parler grec et latin en français (voy. Ronsard). Pour le justifier, il suffit de rappeler qu’il fut constamment l’ami de Marot, d’Habert et d’une foule d’autres poëtes supérieurs à Ronsard par le naturel et la facilité du style, deux qualités que St-Gelais devait mettre au-dessus de toutes les autres. En 1544, il fut chargé de faire transporter à Fontainebleau les livres de l’ancienne bibliothèque de Blois, et il resta depuis adjoint à Duchatel, maître ou conservateur de la bibliothèque royale (voy. Essai sur la bibliothèque du roi, par le Prince, p. 23). Thevet raconte que, dans sa dernière maladie, St-Gelais se fit apporter son luth et chanta des vers latins[1] qu’il venait de composer dans un accès de fièvre. Voyant les médecins embarrassés de porter un jugement sur son état, il leur dit en souriant qu’il allait les tirer de peine ; et, ayant détourné la tête, il mourut, au mois d’octobre 1558. Il fut inhumé dans l’église St-Thomas du Louvre. On a surnommé St-Gelais l’Ovide français : jamais deux poètes n’ont eu moins de ressemblance. Quelques épigrammes et des contes pleins de grâce et de naïveté, c’est tout ce qu’on a retenu de St-Gelais. On prétend qu’il a le premier introduit dans la poésie française le sonnet et le madrigal, deux genres qu’il imita des Italiens. Il a corrigé la traduction que Jacques Colin avait faite du Courtisan de Balt. Castiglione (voy. Jacques Colin). Il revit les Voyages aventureux du capitaine Jean-Alphonse Saintongeois ; mais il n’en fut pas l’éditeur, comme le disent quelques biographes, puisque ces voyages ne parurent qu’en 1559, Poitiers, de Marnef, in-4°. Boucher de la Richarderie, qui n’a point connu cette édition, en cite une de Paris, 1598, in-8° (voy. la Bibliothèque des voyages, t. 1, p. 2). St-Gelais laissait une traduction en prose de la Sophonisbe du Trissin, avec les chœurs en vers ; cette pièce fut représentée à Blois en 1559, par les soins de Fr. Habert, et imprimée la même année à Paris chez Phil. Danfrie, in-8°, très-rare. L’Histoire de Genièvre, qu’il avait imitée de l’Arioste, fut terminée par Baïf et imprimée en 1572. Ses poésies latines et françaises, dispersées dans les recueils, furent enfin réunies par Antoine de Harsy, Lyon, 1574, in-8°[2]. Il existe deux autres éditions des œuvres de St-Gelais, Lyon, 1582, in-12, et Paris, 1665[3]. La plus récente est celle de Paris (Coustelier), 1719, in-12 ; elle est augmentée de diverses pièces tirées d’un manuscrit sorti de la bibliothèque de Desportes, mais elle est d’ailleurs très-défectueuse. Thevet dit que St-Gelais avait écrit un traité De fato, qui fut imprimé malgré lui. Cet ouvrage n’est pas connu. L’abbé Goujet conjecture que c’est l’Avertissement sur les jugements d’astrologie, que St-Gelais a fait précéder d’un sonnet. On peut consulter sur ce poëte sa Vie ornée de son portrait, dans les Hommes illustres de Thevet, t. 2, p. 557 ; les Bibliothèques de Lacroix du Maine et Duverdier ; les Mémoires de Nicéron, t. 5 et 10, deuxième partie ; et enfin la Bibliothèque française de l’abbé Goujet, t. 10.


SAINT-GENIS (Auguste-Nicolas de), auditeur des comptes, né le 2 février 1741 à Vitry-le-François, montra dès son enfance autant d’aptitude pour les sciences que d’ardeur de s’instruire ; ce qu’il dut peut-être à un commencement de surdité, qui l’empêchait de prendre part aux jeux de son âge. Après avoir achevé ses études avec succès au collège de sa ville natale, il alla suivre à Reims les mathématiques et remporta le premier prix à dix-sept ans. En 1761, il tut chargé par le duc de Choiseul d’une mission importante et reçut du ministre le brevet de commissaire des guerres. Ses fonctions cessèrent à la paix ; et, en 1766, il se fit recevoir avocat au parlement de Paris. Il fut pourvu ensuite d’une charge d’auditeur à la chambre des comptes, en 1769, et se fit remarquer par ses talents. À la culture des lettres, il joignit celle des arts et des sciences, dont il connaissait tous les procédés. Il continua aussi d’étudier la physique, l’agriculture, la botanique, la chimie, etc., et de faire des expériences. Il parvint à former de petits blocs d’une matière plus dure que le stuc, et que l’ouvrier qu’il chargea de les diviser en tablettes prit pour du marbre naturel (voy. Racle). St-Genis acquit des héritiers de Pierre Gillet, échevin de Paris, en 1754, la collection des ordonnances de nos rois depuis le commencement de la monarchie ; et pendant vingt ans il s’occupa de la mettre en ordre et de la compléter. Elle se compose maintenant de cent cinquante volumes, tant in-folio qu’in-4°. Il devait y puiser les matériaux d’un Dictionnaire des lois, ou Nouvelle conférence des ordonnances, par ordre alphabétique ; et il avait traité pour l’impression de cet ouvrage, en 1787, avec le libraire Nyon, mais les événements l’empêchèrent de donner suite à ce grand projet. La convocation des états généraux et l’examen des objets qui devaient leur être soumis furent pour St-Genis le sujet de

  1. Cette pièce est la plus jolie que St-Gelais ait composée en latin, si l’on en croit Dreux-Duradier, qui l’a insérée dans les Récréations historiques, t. Ier, p. 290. On la trouve aussi dans les Mémoires de Nicéron.
  2. Un bibliophile parisien, M. Parison, possédait un exemplaire des Poésies de St-Gelats, édition de 1674, avec un commentaire perpétuel de la Monnoye : cet exemplaire avait appartenu au chansonnier Lanjou, et M. Parison l’avait payé cinq francs quarante-cinq centimes. À sa vente, en 1866, ce précieux volume fut acquis au prix de quatre cent soixante francs et passa dans les mains d’un libraire qui voulait comprendre St-Gelais dans une Bibliothèque elsevirienne, qui n’a pas été continuée.
  3. Une autre édition, longtemps inconnue aux bibliographes, fut mise au jour à Lyon, par Pierre de Tours, en 1547 ; elle forme un petit volume de 79 pages. Bien moins complète que celle de 1514, elle a cependant une grande valeur à cause de son extrême rareté. Un exemplaire s’est elevé, en 1863, à Paris, en vente publique, au prix excessif de 1263 francs.
    B-n-t.