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cueilli après sa condamnation, les clameurs du haut clergé et les manœuvres secrètes de Harley et de ses partisans, les adresses qui arrivaient de toutes parts à la reine en faveur de son pouvoir absolu, de l’obéissance passive et de son droit héréditaire, déterminèrent cette princesse à se débarrasser de son ministère whig et à choisir une nouvelle administration composée de torys. Pendant sa suspension, Sacheverell avait été promu à un bénéfice dans la principauté de Galles : il alla en prendre possession avec toute la pompe et la magnificence d’un prince souverain. L’université d’oxford le traita somptueusement ; les magistrats des villes par où il passait allaient au-devant de lui ; souvent il était escorté par des corps de plus de 1,000 cavaliers. A Bridgenorth, M. Cresvell le reçut à la tête de 4,000 cavaliers et d’un nombre égal de gens à pied, portant tous des nœuds blancs brodés en or et trois feuilles de laurier dorées à leurs chapeaux. Pendant l’espace de deux milles, les haies étaient ornées de guirlandes de fleurs et les cloches étaient couvertes de banderoles et de drapeaux. La foule se pressait sur son passage et faisait entendre les cris de « Vive l’Église et le docteur Sacheverell ! » L'enthousiasme et le délire étaient enfin à leur comble. Lorsque le terme de sa suspension fut expiré, on fit dans tout le royaume des réjouissances extraordinaires pour célébrer cet événement. La reine lui donna, le 13 avril 1713, le rectorat lucratif de St-Andrew’s Holborn, et la chambre des communes désira qu’il voulût bien prêcher devant elle ; et lorsqu’il eut fini, elle lui vota des remercîments pour son sermon. Cette cérémonie eut lieu le 9 juin 1713. Sacheverell avait pris pour texte le seizième verset du second chapitre de St-Pierre : "Ut liberi, ac non veluti malitiœ velamen habentes libertatem, set ut servi Dei". Il releva les avantages de la paix et surtout l’utilité du commerce, établit le dogme de l’obéissance passive aux termes de l’Écriture, exalta le ministère actuel et invoqua la bénédiction du ciel sur la reine et ses véritables successeurs, en laissant assez clairement entrevoir que ce n’était pas à la maison de Hanovre qu’il faisait allusion. Aussi lorsqu’en octobre 1714 il se rendit à Londres, avec le clergé anglican pour saluer le roi George Ier. il fut tellement hué par les whigs dans les chambres du palais qu’il fut obligé de se retirer. Il jouissait à cette époque d’une grande aisance. George Sacheverell, son cousin, lui ayant légué une succession considérable dans le comté de Derby. En 1716, il fit imprimer une préface en tête de quinze discours prononcés devant l’université d’oxford par W. Adams. Depuis on n’entendit plus parler de lui jusqu’à sa mort, arrivée le 5 juin 1724. On sait seulement qu’il eut de fréquentes querelles avec ses paroissiens. Il légua par son testament cinq cents livres sterling à Atterbury, évêque de Rochester, alors exilé, et qu’on suppose avoir travaillé au discours qu’il prononça devant la chambre des pairs. La duchesse de Marlborough représente Sacheverell « comme un incendiaire impudent et ignorant, comme un homme méprisé même de ceux auxquels il servait d’instrument. » Swift dit, dans son journal à Stella, « qu’il jouissait d’un grand crédit auprès des ministres, mais qu’il était en même temps détesté et qu’on affectait de le mépriser.... » L’évêque Burnet le peint « comme un homme audacieux et insolent, avec très-peu de religion, de vertu, de savoir ou de bon sens. » Suivant ce prélat, « Sacheverell entreprit d’obtenir une grande popularité par les plus insultantes railleries contre les non-conformistes et la petite Église, dans des sermons et des libelles a écrits d’un style bas et sans vigueur d’expression ». Quel que fût son caractère, dit un biographe anglais, il est évident qu’il ne dut sa célébrité qu’aux poursuites peu judicieuses et aux violences qu’on exerça contre lui. D—z—s.


SACHIT (Ibn) Abou-Iousef-Iacoub, célèbre grammairien arabe, à qui l’on donna le surnom de Taciturne, est regardé par les mahométans comme l’un des écrivains les plus versés dans la connaissance de la langue et de la littérature des Arabes. C’est le jugement qu’en porte d’Herbelot (Bibliothèque orientale, p. 469), d’aprèS Rhona ; mais ce même d’Herbelot ne fait mention, p. 739 et 834, que d’un seul des ouvrages de Sachit. sa Logique. Ce grammairien était tellement estimé que ses écrits ont été commentés par Fabrizzi. Il était précepteur des fils du calife Montavakel, qui, pour une réplique franche, mais qu’il trouva injurieuse, lui fit indignement couper la langue ; ce qui fut la cause de sa mort, arrivée en 244 de l’hégire (858 de l’ère chrétienne). J-N.


SACHSE (Hans). Voyez Hans-Sachse.


SACI[1] (Louis-Isaac Le Maistre de), l’un des solitaires de Port-Royal, était le frère cadet d’Antoine le Maistre (voy. ce nom), fameux avocat, et naquit à Paris le 29 mars 1613. Sa première éducation fut telle qu’on devait l’attendre de parents éminemment religieux. Il fit de bonnes études au collège de Beauvais avec le fameux Antoine Arnauld, son oncle, et prit pour guide dans la vie spirituelle l’abbé de St-Cyran, dont il adopta les principes sans examen. Il s’était consacré de bonne heure à l’état ecclésiastique. Il refusa de recevoir la prètrise avant l’âge de trente-cinq ans. Choisi quelque temps après pour directeur des religieuses de Port-Royal, il se fixa dans le monastère, auquel il donna tout son bien, ne se réservant qu’une modique pension, dont il distribuait aux pauvres la plus grande partie. La prière, l’étude et les exercices de piété partageaient ses loisirs. Poursuivi comme janséniste, en 1661, il fut obligé de quitter Port-Royal et

  1. C’est l’anagramme d’Isaac on Isac, l’un de ses noms de baptême ; ainsi l’on doit écrire Saci, comme il l’a toujours écrit lut-même, et non Sacy.