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ce moment, traversait à petites journées la France en différents sens pour y découvrir de nouvelles lumières ; enfin, qui, depuis vingt ans au moins, publiait de nombreux volumes, lesquels ne contenaient que ce qu’il avait pratiqué lui-même : pour un tel homme, dirons-nous, Rozier ne devait être qu’un citadin qui, par amusement, était allé se délasser de temps en temps à la campagne. Il est certain que, si l’on considère le temps que Rozier avait dû nécessairement employer à ses études et à ses autres travaux scientifiques, ce qui lui en resta de surplus pour séjourner au milieu des champs n’était pas assez considérable pour le faire ranger pa rmi es véritables praticiens ; mais, grâce à son intelligence et à l’exercice continu de son jugement, il put, dans un petit nombre d’années, acquérir une sorte de tact équivalant à l’expérience d’un demi-siècle ; par son moyen, il fut en état de choisir les matériaux nécessaires il l’ouvrage qu’il entreprenait, de les modifier et même de suppléer aux lacunes qu’il rencontrait. De là il suit que, sous bien des rapports, dix années de sa vie employées à l’agriculture ont pu être aussi utiles à la science que les cinquante-trois ans qu’a consumés Arthur Young dans le même but, depuis la publication de son premier ouvrage jusqu’à sa mort. — Outre les écrits cités dans le courant de cet article, nous avons encore de l’abbé Rozier des I/’nu économique : sur les moulins et prauoín à l’huile d’olive, 1777, in-6°, et Barbier lui attribue une Dissertation sur les aérouals du ancien : et du rnodemea, par A.-G. Ros...., Genève et Paris, Servière, 1784, in-12. Son Mémoire sur le rouiuago du chanvre, couronné par l’académie de Lyon, a été réimprimé dans le Recueil de Mémoires sur le même objet, publié, en 1788, par le chevalier de Perthuis. M. A. de Beissieu a publié, en 1832, un Éloge de Rozier ; M. Tbiebaut de Berneaud en a fait paraître, en 1833, un autre, accompagné d’une notice bibliographique des ouvrages tant imprimés que manuscrits de cet agronome. On peut consulter

aussi la Notice historique sur l’abb¿ Rozier, par T.-N. Cochard, Lyon, 1832, in-8°. D-P-s.


ROZIÈRE (Louis-François Carlet, marquis de la), l’un des meilleurs officiers d’état-major de l’armée française, naquit, en 1733, au Pont-d’Arche, près Charleville, d’une famille originaire du Piémont, établie en France depuis le 15e siècle. Il entra au service en 1745, comme volontaire, dans le régiment de Conti infanterie, où il fit ses premières armes en Italie, servit en Flandre jusqu’à la paix (1748) et alla continuer à Paris et à Mézières ses études en mathématiques. En 1752, il passa aux lndes orientales, comme ingénieur, avec le savant abbé de la Caille, qui lui servit de mentor, et dont il devint l’ami. Il fut employé, à l’île de France, aux fortifications, et rédigea un plan de défense pour cette importante colonie. De reXXXVI. ROZ 705

tour en Europe, en 1756, il fut nommé aide de camp du comte de Revel et aide-maréchal général des logis de l’armée auxiliaire de France destinée pour la Bohême ; il commença, en 1757, la guerre de sept ans, dans l’armée de Westphalie, et se trouva à la bataille de Rosbach, où il fut chargé de conduire une division d’artillerie à la droite de l’armée. Le lendemain de la bataille, il fut envoyé au roi de Prusse avec des dépêches du prince de Soubise, et il fit rentrer au camp plus de 1,200 soldats qui étaient restés dans les vignes à la débandade. Le comte de Revel ayant été tué à cette bataille, la Rozière fut attaché à la division commandée par le duc de Broglie. Il tit, avec ce général et avec les maréchaux d’Estrées et de Soubise, toute la guerre de sept ans. Nommé capitaine de dragons à la bataille de Sundershausen, il fut blessé et eut son cheval tué sous lui d’un coup de canon. En 1759, à Bergen, ce fut lui qui, avec 400 dragons, alla reconnaître l’avaut-garde de l’armée ennemie. À la bataille et à la retraite de lltinden, il commandait un détachement. En 1769, à la prise de Cassel, il entra le premier dans la place. En 1761, il fut nommé lieutenant-colonel de dragons au régiment du roi, et, peu de temps après, fait chevalier de St-Louis pour sa conduite à l’affaire du Frauenberg, où il tendit une embuscade au prince Ferdinand de Brunswick, qui pensa y être pris ; mais, au’moment où la Rozière allait l’arrêter, son cheval s’abattit, et il ne lui resta à la main que la housse du prince, qui dut son salut à la vitesse de sa monture. Un de ses beaux faits d’armes est l’assaut donné, en 1761, à la Cascade de Cassel, qu’il enleva l’épée à la main, et dont il fit la garnison prisonnière de guerre. Quelque temps après, il fut pris à son tour, étant en reconnaissance dans la orèt de Sababord ; on le conduisit au quartier général du roi de Prusse, qui lui dit : ¢ Je désirerais vous renvoyer in l’armée française ; mais « lorsqu’on a pris un officier aussi distingué que « vous, on le garde le plus longtemps possible. « J’ai des raisons pour que vous ne soyez point « échangé dans les circonstances présentes ; ainsi « vous resterez avec nous sur votre parole. » Il passa trois semaines au quartier général du grand Frédéric, dont il reçut des marques de bonté. et iut accueilli de même par le prince Ferdinand de Brunswick, qui disait, en rappelant l’aventure de Frauenberg : ¢ Voilà le Français qui m’a « fait le plus de peur de ma vie, et même je « crois la lui devoir. » Après son échange, la Rozière rîprit ses jouxtions à l’armée française. À la paix e 1763, il fut employé dans le ministère secret du comte de Broglie. Cette même année, sur l’ordre du roi, il passa en Angleterre et tit la reconnaissance des ports et côtes de ce royaume. De retour en France, il fut chargé, en 1765, de faire la reconnaissance topographique et hydrographique de toutes les côtes et 89