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Saumur, qui prirent la défense de Rossignol. « Ce brave homme, mandèrent-ils à Paris, n’est coupable que d’avoir manifesté avec chaleur sa haine contre les nobles et contre les intrigants. » L’arrestation de Rossignol fut dénoncée à la convention, qui, par un décret, ordonna sa mise en liberté : Biron, son antagoniste, fut sacrifié, et le parti de Saumur fit nommer Rossignol commandant en chef. Cette promotion était un coup de parti ; l’élévation subite d’un plébéien sapait l’ancienne routine des camps et achevait de détruire la confiance des soldats pour leurs anciens généraux. Rossignol, brave, franc et désintéressé, n’avait aucun des talents nécessaires à un général en chef. Convaincu lui-même de son incapacité, ce ne fut qu’après les plus vives instances de la part des commissaires et du parti de Saumur qu’il accepta le commandement. Il remporta d’abord de légers avantages sur les Vendéens ; mais sa nomination avait tellement aigri les passions dans les commissariats et les états-majors que ceux des commissaires qui d’abord s’étaient déclarés contre lui le suspendirent de ses fonctions et en référèrent à la convention nationale. Là, Rossignol trouva des défenseurs, et il fut réintégré. Il parut à la barre, remercie la convention et dit que son corps et son âme appartenaient à la patrie. Robespierre le félicite sur son patriotisme. De retour à son poste, il y éprouva de nouvelles contrariétés, dont il tint au courant la société des jacobins en correspondant avec elle. Tandis qu’il visitait et réorganisait les divisions de son armée, qu’il fortifiait Saumur et appelait sous le canon de cette place toutes les troupes cantonnées à Chinon, tandis qu’il ralliait ses forces dans la vue de priver les royalistes des fruits de la victoire de Vihiers, la plupart des généraux secondaires se livraient à des expéditions partielles et méconnaissaient ses ordres. Lorsqu’au mois de septembre (1793), on eut rassemblé 150 000 hommes contre les Vendéens et que les grands coups commencèrent à se porter, Rossignol fut dénoncé comme ayant refusé de se conformer au plan général et comme ayant ordonné la retraite à une colonne victorieuse. On s’aperçut qu’il n’était pas capable de conduire une telle guerre, et on le fit passer au commandement d’une armée moins active et moins importante, celle des côtes de Brest et de Cherbourg, dont le quartier général fut établi à Rennes. Au passage inopiné de la Loire par les Vendéens, Rossignol dissémina ses forces à Vitré, à Ernée, à Fougères : voulant tout couvrir à la fois, il ne put tenir sur aucun point ; l’insubordination, le défaut d’ensemble s’introduisirent de nouveau dans son armée. Heureusement pour lui, les Vendéens, au lieu d’attaquer Rennes, se dirigèrent sur Granville. Au commencement de 1794, il se rendit à St-Malo, où les Anglais avaient projeté une descente, et il y établit un camp. Dans les dissensions qui s’élevèrent au sein de la convention au sujet de la Vendée, Philippeaux l’accusa des désastres de cette guerre ; Rossignol écrivit aux jacobins et démentit Philippeaux ; Carrier, prenant sa défense, fit une sortie contre ses calomniateurs ; Collot-d’Herbois le proposa pour modèle à Westermann, pillard insubordonné. Mais quand, après la chute de Robespierre (juillet 1794), on poursuivit les principaux agents du règne de la terreur, Rossignol ne fut point épargné. Rappelé et destitué, on cita contre lui des faits atroces, vrais ou faux. Toutefois, à la suite d’une insurrection d’anarchistes dirigée contre le parti réactionnaire de la convention, insurrection qui échoua le 1er avril 1795. Rossignol, soupçonné d’y avoir eu part, fut décrété d’accusation. Comme on n’avait aucune preuve contre lui, on évoqua sa conduite dans la Vendée ; on le présenta comme coupable de mesures forcenées, de profanations d’églises, de pillages. Un décret ordonna de le mettre en jugement ; mais, soit défaut de charges, soit par l’effet des vicissitudes révolutionnaires, il fut compris dans l’amnistie du 4 brumaire (26 octobre 1795) et mis en liberté au moment même où la convention, menacée par les sections de Paris, appela de nouveau les jacobins à son aide. L’année suivante, il se jeta dans la faction de Drouet et de Babeuf, qui conspirait contre le directoire exécutif, et il fut arrêté le 12 mai, dans le lieu où se rassemblaient les mécontents. Rossignol, s’étant évadé, fut déclaré contumace et complice de Babeuf par la haute cour de Vendôme ; mais les jurés, ne le considérant pas comme suffisamment convaincu pour être condamné, l’acquittèrent, et il échappa ainsi à l’échafaud. Lorsqu’au 18 fructidor (septembre 1797), le directoire, suivant l’exemple de la convention, s’appuya de nouveau sur les jacobins pour frapper les royalistes, Rossignol figura comme général à la tête des troupes chargées alors d’arrêter Pichegru et tous les membres prescrits des deux conseils. On lui donna ensuite une mission secrète, mais qui n’eut aucun effet. Il figure, en 1799, dans les rassemblements des jacobins, qui aspiraient à une nouvelle crise pour se débarrasser du parti qui voulait changer la forme du gouvernement et le centraliser. Aussi vit-il avec chagrin le succès de la révolution du 18 brumaire (9 novembre 1799), qui appela Bonaparte à la tête des affaires. Il fut épié par la police comme tenant au parti qui formait des complots contre le premier consul. Après l’explosion de la machine infernale (24 décembre 1800), Bonaparte, voulant profiter de cet attentat pour frapper à la fois les royalistes et les jacobins, et encore plus ces derniers, fit déporter en Afrique cent trente-deux des premiers, qui furent condamnés sans instruction et sans jugement. Rossignol, enveloppé dans cette proscription, fut renfermé d’abord à Ste-Pélagie, puis conduit à Bicêtre et de là dirigé sur Nantes, où, faisant partie du premier convoi, il fut em-