Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 36.djvu/539

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

collège d’Embrun. Son zèle à combattre la constitution civile du clergé faillit plus d’une fois lui coûter la vie. Forcé enfin de quitter de nouveau la France, l’abbé Rossignol revint en Italie, où il put se livrer à la composition de ses divers ouvrages. Doué d’une grande facilité à parler sur toutes sortes de sujets, et sachant donner un air de nouveauté aux choses les plus communes, il s’acquit de nombreux admirateurs qui le sollicitaient de ne pas priver plus longtemps le public des fruits de ses veilles studieuses. La médiocrité de sa fortune l’avait forcé de réduire aux plus petites dimensions ce qu’il avait publié jusqu’alors : cet obstacle fut enfin levé par la générosité du comte de Melzi, son ancien élève, qui, devenu, en 1802, vice-président de la république italienne, se chargea des frais d’impression de tout ce que l’abbé Rossignol voudrait mettre au jour. De ce moment, on vit ses opuscules se multiplier avec rapidité : Soffietti, libraire à Turin, en annonça dès 1803 une édition générale contenant trente-cinq ouvrages, dont quinze avaient déjà paru ; et il donna, en 1806, un nouveau prospectus des Œuvres du même écrivain, en 18 volumes in-8°, outre six nouveaux ouvrages non achevés, qui devaient former un dix-neuvième volume. « L’auteur, ajoutait naïvement le prospectus, est occupé à donner la suite : on ne saura le terme de ses travaux littéraires que le lendemain de ses funérailles[1] ». Rossignol mourut en 1807. On connaît de lui : 1° Thèses générales de théologie, de philosophie et de mathématiques, 1757. in-4.° ; 2° Thèses de physique, d’astronomie et d’histoire naturelle, 1759, in-4° ; 3° Éléments de géométrie, Milan, 1774, in-12 de 82 pages ; traduits en anglais, 1781, in-8°. L’auteur réduit à une centaine de propositions tous les principes de géométrie. C’était le fruit de vingt années de tentatives, d’essais et de réflexions ; et les critiques trouvèrent que, sans avoir à dire des choses neuves, il s’était frayé des routes nouvelles (voy. le Journ. des savants, décembre, 1771). 4° Théorie des sensations, Milan, 1774 ; Embrun, 1777, in-12 ; 5° Plan d’étude à l’usage des collèges, Embrun, 1776, in-8° de 18 pages ; c’est le programme d’un cours complet de philosophie. L abbé Rossignol y fait mention de son Abrégé des ouvrages du P. Beccaria sur l’électricité. 6° Vues philosophiques sur l’Eucharistie, ibid., 1776, in-8° ; c’est une explication physique de ce mystère. En rendant compte de cet opuscule, le rédacteur du Journal ecclésiastique jeta des doutes sur la foi de l’abbé Rossignol, qui s’empressa de se justifier par une lettre au journaliste : mais celui-ci refusa de la publier ; et l’abbé Rossignol la fit imprimer en 1777, in-12 de 16 pages ; 7° Vues nouvelles sur le mouvement, ibid., 1777, in-12 de 18 pages. L’objet de l’auteur, dans ce petit mémoire, est de prouver qu’un corps existe réellement dans chacun des points qu’il parcourt. Cette nouvelle théorie du mouvement n’a point été accueillie (voy. le Journal des savants, janvier 1778). 8° Seconde Vue du mouvement accéléré, ibid , 1779, in-8° de 30 pages. Cette suite éprouva le même sort. 9° Traité sur l’usure, in-12 de 300 pages. L’édition fut brûlée par les sans-culottes dauphinois, et l’auteur n’en sauva que deux exemplaires. 10° Parmi les soixante et un ouvrages ou opuscules qui forment les dix-huit volumes de ses Œuvres, nous citerons : Botanique élémentaire, 64 pages. — Mémoire sur les nouveaux monastères de la Trappe, 102 pages. Suppression de la mendicité, 32 pages. — Des finances du Piémont, 32 pages. — Lettres sur la Val-Louise, patrie de l’auteur, 24 pages. — Vie de Saint Vincent Ferrier, 348 pages. — Histoire des œuvres de l’auteur, 88 pages.

W-s.


ROSSIGNOL (Jean-Antoine), général en chef sous la république, naquit à Paris, en 1759, d’une famille obscure ; il était ouvrier orfèvre. Enthousiaste de la révolution, il figura, au mois de juillet 1789, parmi ceux qui attaquèrent et prirent la Bastille. À compter de ce jour, il se fit remarquer comme l’un des chefs d’émeute dans toutes les insurrections populaires des faubourgs. À la journée du 10 août, il se montra l’un des instruments les plus actifs du comité d’insurrection établi à la commune. Ce fut lui qui réitéra le signal du meurtre de Mandat, commandant de la garde nationale, meurtre qui fut le prélude de l’attaque du château des Tuileries (voy. Mandat). Il est moins avéré qu’il ait participé aux assassinats de septembre. Mais il fut, sans aucun doute, l’un des plus fougueux patriotes de cette époque et l’un des émissaires les plus actifs de la journée du 31 mai 1793, lui mit le pouvoir dans les mains des jacobins les plus violents. En récompense, le parti triomphant lui fit délivrer le brevet de colonel de la 33e division de gendarmerie à pied, établie à Niort : c’était l’envoyer sur le théâtre de la guerre de la Vendée. Rossignol s’y fit remarquer par son énergie et par sa rudesse plébéienne. Destiné à devenir tour à tour instrument et victime des factions révolutionnaires, rien n’indiquait encore qu’il dût jouer un premier rôle. Mais le parti exalté l’opposa bientôt à Biron, qu’une faction contraire avait élevé au généralat et envoyé à l’armée des côtes de la Rochelle pour combattre les royalistes. Ce général fut d’abord soutenu par les commissaires de la convention attachés à son armée, qui firent arrêter Rossignol comme prêchant l’indiscipline et désorganisant les troupes. Cet acte d’autorité fut improuvé par les commissaires de la convention attaché à l’armée de

  1. Un ami de l’auteur (l’abbé Michel) entreprit, en 1803, sous le titre de Feuille hebdomadaire de Turin, un journal exclusivement consacré à donner l’analyse des divers opuscules de Rossignol. Ce recueil formant 192 pages in-8°, va du 1er novembre 1803 nu 1er novembre 1804. Le dernier numéro est terminé par la liste des traités de cet infatigable écrivain, publiée jusqu’alors, au nombre de quatre-vingt-dix-neuf.