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serrent autour de lui et les seconds s’avancent à sa rencontre. Au moment où il cherche à se frayer un passage, un des conjurés le touche brusquement à l’épaule ; Rossi se retourne avec fierté, et le nommé Jergo profite de ce moment prévu pour lui plonger un poignard dans la gorge et le frapper mortellement[1]. Ce crime, auquel la garde civique assista sans l’empêcher, que l’assemblée vit commettre sans prendre aucune mesure, fut applaudi par la populace, outrageant de son allégresse la douleur de la femme et des enfants de l’illustre victime. — Rossi a été un théoricien décidé sans fanatisme, un observateur impartial sans indifférence, un esprit qu’on sent supérieur à ses écrits. Peut-être, malgré les tendances éclectiques de son intelligence, l’écrivain a-t-il transporté quelque chose de son humeur hautaine dans la manière dont il traite les sciences morales. Des opinions même contestables ont dans sa bouche une apparence de dogmes inflexibles et de rigoureuse orthodoxie qui donnerait presque un air de sottise ou d’insolente révolte à ceux qui oseraient prétendre les récuser. Le ton volontiers ironique et superbe de Rossi, s’il donne à son exposition quelque chose de relevé et de mordant, n’est peut-être pas toujours aussi efficace pour la persuasion qu’heureux comme effet oratoire. Ces légères critiques n’ont d’ailleurs rien qui diminue sa valeur comme savant et les éclatants services qu’il a rendus aux sciences morales et politiques. — Nous avons indiqué dans le courant de cet article presque toutes les publications dues à Rossi. Il a de plus fourni des articles au Journal du économistes, à l’Encyclopédie du droit, à l’Encyclopédie des gens du monde, au Journal des connaissances utiles, à la Revue des Deux-Mondes. Ses œuvres complètes ont été réunies par son fils et publiées en 8 volumes in-8°, Paris, 1857-1863. On peut consulter sur Rossi : 1° la notice que lui a consacrée l’auteur de cet article dans ses Publicistes modernes, p. 405-454, et d’où ont été extraits les principaux éléments du travail qu’on vient de lire ; 2° un article de M. L. Reybaud, dans la Revue des Deux-Mondes du 15 août 1844, reproduit dans son volume sur les Économistes modernes ; 3° une notice de M. Joseph Garnier (1849, in-8°) ; 6° une étude de M. de Mazade, dans la Revue des Deux-Mondes du 1er décembre 1861 ; 5° l’Éloge prononcé à l’Académie des sciences morales et politiques par M. Mignet, faisant partie de ses Notices et portraits historiques, t. 2, et que nous avons eu occasion de citer plusieurs fois dans le courant de notre article.


ROSSIGNOL (Antoine) naquit à Alby en 1590, d’une famille ancienne et honorable qui existe encore dans le pays, divisée en plusieurs branches. Dès son enfance il fit de grands progrès dans les mathématiques et dans la connaissance des écritures en chiffres que l’on a tant perfectionnées de nos jours pour l’usage de la diplomatie. Rossignol donna pour la première fois des preuves de son talent en ce genre au siége de Réalmont en Languedoc (1626). Les protestants renfermés dans cette ville opposaient une telle résistance à l’armée royale que le prince de Condé, qui la commandait, allait se retirer, lorsqu’on intercepta une lettre des assiégés. Elle était écrite en vers, et les plus habiles déchiffreurs à qui on la montra d’abord n’en purent pénétrer le sens ; mais Rossignol déchiffra sur-le-champ cette missive, par laquelle les protestants de Réalmont informaient leurs coreligionnaires de Montauban que, manquant de munitions, ils se trouvaient dans la nécessité de se rendre, s’ils n’étaient promptement secourus. Le prince de Condé renvoya la lettre déchiffrée aux assiégés, qui capitulèrent le jour même. Le cardinal de Richelieu, instruit de cette circonstance, appela Rossignol à la cour, l’employa utilement pendant le siége de la Rochelle et le récompensa généreusement de ses services. Louis XIII l’honorait de son estime et le recommanda en mourant à la reine Anne d’Autriche. Louis XIV, qui l’employa aussi dans un grand nombre d’affaires secrètes, n’eut pas moins de bonté pour lui, et lui accorda une pension considérable. Il lui fit même l’honneur, en revenant de Fontainebleau, d’aller le visiter dans sa maison de Juvisi, et le vieillard faillit en mourir de joie. Rossignol était alors accablé par l’âge, les infirmités, et venait de perdre la vue. Depuis longtemps il était pourvu d’une charge de maître des comptes. Il termina sa carrière en 1673, à l’âge de 83 ans.

Z.


ROSSIGNOL (Bernardin). Voyez Rossignoli.


ROSSIGNOL (Jean-Joseph), jésuite, né en 1726 à Val-Louise, diocèse d’Embrun, embrassa la règle de saint Ignace et enseigna successivement à Marseille, à Wilna, à Milan et à Turin. « Jeune encore, dit Feller, il soutint à Varsovie des thèses De omni scibili, avec un applaudissement extraordinaire ; mais il n’en fut pas plus vain, convenant que ces sortes d’essais n’étaient jamais sans quelque charlatanerie, et ne s’y étant déterminé que sur les instances de quelques Polonais étonnés de son savoir. » À son retour de Pologne, où il occupa quelque temps l’observatoire royal de Wilna, il fut retenu par le P. Boscovich, qui avait besoin d’un coopérateur pour l’édition de ses Œuvres en 12 volumes in-4°. Après la suppression de la Société, il se rendit en Italie et fut attaché bientôt au collége des nobles à Milan, où il professa pendant dix ans la physique et les mathématiques avec beaucoup de succès. De retour dans sa patrie, il ne négligea rien pour y ranimer le goût des sciences et publia dans cette vue plusieurs opuscules qui fixèrent l’attention des savants. Il contribua beaucoup à l’amélioration de l’instruction publique dans le

  1. Le meurtre de Rossi est un fait encore peu expliqué et qui peut-être restera toujours obscur. Il a été même mis en question si le parti ultra-italien en était l’auteur.