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cette dernière partie, Rosa ne se fait pas remarquer par un beau choix ; toutefois, dans le rêste du tableau, il ressemble peut-être plus encore aux Carrache qu’à Pietre de Cortone.

ROSA (Salvator), peintre et poëte italien, naquit le 20 juin 1615 à l’Arenella, charmant village des environs de Naples. Son père était arpenteur et sa mère appartenait à une famille de mauvais peintres. Il reçut sa première instruction chez les pères somasques, où il fit quelques progrès ; mais la nature, qui l’avait créé pour les arts, ne tarda pas à annoncer le genre de ses dispositions ; on le surprenait souvent, un charbon à la main, tout occupé à couvrir les murailles de ses dessins, s’exposant aux mauvais traitements des personnes chargées de la propreté du couvent. Il se livrait ainsi à l’impulsion de son génie, qui se montrait même dans les amusements de l’enfance. Son père seul n’y cédait pas : il prétendait en faire un procureur, regardant cette profession comme beaucoup plus lucrative que celle de peintre. il en jugeait d’après l’exemple de ses parents, qui vivaient dans un état bien proche de l’indigence ; mais Salvator, plus entraîné par les goûts du moment qu’arrêté par les craintes de l’avenir, allait en secret demander à son oncle Greco les premières leçons d’un art qui devait le conduire à la célébrité et à la fortune. Le jeune élève s’aperçut bientôt de l’incapacité de son maître ; il se tourna vers la nature, guide plus sûr pour quiconque est en état de l’interroger. Ses occupations favorites étaient de côtoyer les bords de ce beau golfe de Naples, d’en explorer tous les recoins, d’ouvrir son âme à toutes les inspirations et de retracer les sites que la nature a comblés de tous ses dons et où la muse de Virgile a laissé de si grands souvenirs. Dans ces exercices, qui furent ceux de sa jeunesse, son génie se développait avec une étonnante rapidité ; mais le sort lui préparait un de ces coups qui ébranlent les âmes les plus fermes et qu’un cœur jeune a rarement la forœ de supporter. Il ne faisait qu’atteindre sa dix-septième année lorsque la mort le priva de son père. À la douleur de perdre l’auteur de ses jours se joignait la difficulté de le remplacer auprès d’une famille nombreuse dont il était l’unique soutien. Point de parents riches, point d’amis dévoués, pas un seul protecteur qui eussent pu lui prêter un appui ; son talent n’était pas encore assez formé pour pouvoir lui procurer une ressource : tout était décourageant autour de lui ; mais, doué d’un grand caractère, il supporta cet excès d’infortune. Redoublant d’efforts pour triompher d’une si rude épreuve, ce qu’il avait commencé par goût, il le continua par besoin : il essaya de peindre à l’huile, et ses premiers tableaux avaient déjà cette vigueur qui est empreinte dans tous ses ouvrages. Non moins prompt à exécuter qu’à entreprendre, on le vit presque en même temps traiter des sujets d’histoire chez Ribera et Fracanzano, peindre des batailles avec Falcone et emprunter à la nature elle-même l’art de la bien imiter. Telle était l’activité de son génie que, loin de se borner à un seul genre, il voulut les envahir tous à la fois. Il se fit une manière expéditive qui était d’accord avec la fougue de son imagination et l’impatience de son caractère : ses compositions, pleines de verve et d’énergie, décelaient l’originalité de son talent. Tous ces travaux ne suffirent pas pour l’arracher à la gène où il se trouvait depuis la mort de son père : il ne retirait pas encore de ses ouvrages le peu qu’il lui fallait pour l’entretien de sa famille, et, après avoir vendu un tableau, il ne lui restait pas toujours de quoi acheter la toile pour en commencer un autre. Il eut aussi le chagrin de voir sa mère déserter le toit paternel et se réfugier avec une de ses filles dans la maison de ses frères ; une autre de ses sœurs partager la mauvaise fortune de Fracanzano, qu’elle avait épousé ; tandis que la troisième, protégée par l’Espagnol et, obtenait une place dans un couvent de religieuses, et que ses deux jeunes frères, objets de la commisération publique, trouvaient le moyen de se soustraire autrement à la honte et au malheur. Salvator seul faisait tète à l’orage ; plus le sort sévissait contre lui, plus il déployait de fermeté pour le combattre. Mais ses efforts étaient au-dessus de son âge ; ils aigrirent son caractère et jetèrent de bonne heure le désespoir dans son cœur. C’est peut-être en cette époque de sa vie qu’il faut chercher le secret de cette sombre mélancolie qui a toujours guidé ses pinceaux. Les premières impressions sont pro› fondes et durables : livré à toutes les horreurs de l’indigence, que la dispersion de sa famille devait lui rendre encore plus affreuse, son âme se replia sur elle-même ; elle s’abreuva de dégoûts et d’amertume, et dès lors son imagination prit cette teinte sauvage qu’il répandit ensuite sur toutes ses productions. Ses malheurs étaient à leur comble, lorsque, par un de ces hasards qui ne sont pas rares dans la vie des hommes extraordinaires, il rencontra un juge fait pour l’apprécier, et les encouragements qu’il en reçut l’aidèrent à sortir de l’obscurité dans laquelle il était plongé. Lanfranc, un des élèves les plus illustres de l’école des Carrache, qui depuis longtemps jouissait d’une brillante réputation et de la plus noble existence, fut attiré à Naples par les offres des pères jésuites, occupés alors des embellissements de leur église du Gesù nuovo. Un jour, en traversant une des places les plus peuplées de la ville, il fut frappé de la beauté de quelques tableaux qu’on y avait étalés : il s’arrête à les considérer, et ce qui l’étonne le plus, c’est de lire un nom inconnu au pied d’aussi beaux ouvrages. Il ne fut avare ni de récompense ni d’éloges, et il emporta ces tableaux, témoignant le désir d’en connaître l’auteur. Tant de générosité et d’éloges de la part d’un si grand