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honneurs des ministres français. La chute du gouvernement impérial, en 1814, entraîna celle du sénateur ministre. Le gouvernement de la restauration ne le comprit pas dans la liste de ses pairs. En 1815, Napoléon, de retour de l’île d’Elbe, l’envoya comme commissaire extraordinaire dans neuf départements du Midi, où il trouvait une grande opposition, et le fit entrer dans la chambre des pairs qu’il substitua à l’ancien sénat. La seconde restauration ravit d’abord cette dignité à Rœderer, et, l’année suivante, l’élimina de l’Institut. De ses titres il ne lui resta que ceux de comte et de grand officier de la Légion d’honneur. Comme il avait fait en 1814, il alla habiter sa terre de Bois-Roussel, dans le département de l’Orne. C’est dans cette retraite charmante, embellie encore par ses soins, qu’il se livra à la philosophie, à l’histoire et à la littérature ; c’est là qu’il composa ses ouvrages les plus étendus et les plus remarquables peut-être. La révolution de 1830 fit cesser l’espèce de proscription qu’il subissait depuis quinze ans ; il fut nommé maire de sa commune et membre du conseil général du département, rentra à la chambre des pairs et à l’Institut dans la classe qui lui convenait le mieux, celle des sciences morales et politiques. Quelques mois avant sa mort, reprenant sa plume octogénaire et fidèle à ses anciennes doctrines, il exprima, dans son Adresse d’un constitutionnel aux constitutionnels, ses sentiments contre les opinions de plusieurs journaux libéraux qu’il regardait comme trop démocratiques. Cette brochure fit beaucoup de bruit et fut attaquée, notamment par M. Pagès (de l’Ariége), dans le journal le Temps. Au reste, cet écrit, qui fut pour l’auteur le chant du cygne, était, ainsi qu’il l’a dit lui-même, un ouvrage « de conscience distribué par la confiance », et cette assertion est de la plus grande vérité. Comme on le voit, malgré son grand âge, il travaillait encore et joignait l’exercice du corps à celui de l’intelligence, toujours sobre, gai et heureux au milieu de ses amis et de sa famille. Le 17 décembre 1835, il se mit au lit, jouissant toujours de sa bonne santé, le lendemain au matin il n’était plus ; il s’était, à 80 ans, éteint tout d’un coup, sans douleur et sans agonie. Déjà membre, avant la révolution, de la société des sciences et arts de Metz, Rœderer était successivement devenu correspondant ou associé honoraire des sociétés savantes de Lyon, de Mayence, de Bastia et de Caen. Voici les titres de ses principaux ouvrages : 1° En quoi consiste la prospérité d’un pays, et quelles sont en général les causes qui peuvent y contribuer le plus efficacement, 1787 (in-8°, comme tous les autres écrits de l’auteur) ; 2° Observations sur les intérêts des trois évêchés de Lorraine, relativement au reculement des barrières des traités, 1787 ; 3° Réflexions sur le rapport fait à l’assemblée provinciale de Metz au sujet du reculement, etc., 1788 ; 4° De la députation aux états généraux, 1788 ; 5° plusieurs Rapports faits à l’assemblée constituante, seule assemblée représentative dont il ait été membre[1] ; 6° plusieurs Discours prononcés à la société des amis de la constitution de Paris ; 7° Discours sur l’essence du pouvoir exécutif et sur les bases du système administratif, 1791 ; 8° De l’intérêt des comités de la convention nationale et de la nation dans l’affaire des députés détenus, 1795 ; 9° Des fugitifs français et des émigrés, 1795 ; 10° Des institutions funéraires convenables à une république qui permet tous les cultes, 1796 ; 11° Journal d’économie publique, de morale et de politique, 1796 et ann. suiv., 5 vol. ; 12° Mémoires d’économie publique, etc. faisant suite au journal précédent), 1799 ; 13° De l’usage à faire de l’autorité publique dans les circonstances présentes (prairial an 5), 1797 ; 14° De la philosophie moderne et de la part qu’elle a eue à la révolution française, ou Examen de la brochure de Rivarol sur la philosophie moderne, 1799 ; 15° Éloge historique de Montesquieu, 1799 ; 16° Des sociétés particulières, telles que clubs, réunions, etc., 1799 ; 17° Recueils des lois, règlements, rapports, mémoires et tableau. : concernant la division territoriale de la république et la nouvelle organisation de l’administration, d’après la constitution de l’an 8, 1800 (les grandes occupations de l’auteur ne lui permirent pas de continuer cet ouvrage utile) ; 18° le Marguillier de St-Eustache, comédie en trois actes et en prose, 1818 (plusieurs éditions) ; 19° Mémoire pour servir à une nouvelle histoire de Louis XII, 1820 (réimprimé en 1825 sous le titre de Louis XII et François Ier, etc.), 2 vol. Cet ouvrage important contient dans ses appendices une discussion entre l’auteur et le comte Daru concernant la réunion de la Bretagne à la France. 20° Conséquences du système de cour établi sous François Ier (2 livraisons composées de 333 pages et complétant le travail sur Louis XII et François Ier), 1 vol. ; 21° Comédies historiques, 1827-1830, 3 vol., contenant : le Marguillier de St-Eustache, le Fouet de nos pères, le Diamant de Charles-Quint, la Mort de Henri IV, la Proscription de la St-Barthélemy, le Budget de Henri III, comédies ; Ébauche historique des premières guerres de cours, Remarques sur plusieurs accusations contre Catherine de Médicis, Dissertation sur la nature des guerres qu’on a qualifiées de guerres de religion, suivie d’une Notice nouvelle sur la vie de Henri III ; productions spirituelles, piquantes, originales, mais dans lesquelles le paradoxe se fait toujours un peu sentir. 22° Nouvelles bases d’élections, octobre 1830 ; 23° l’Esprit de la révolution de 1789, 1 vol. ; 24° Chronique de cinquante jours, du 20 juin au 10 août 1792, rédigée sur pièces authentiques, 1832, 1 vol. ; 25° Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France, 1835,

  1. Parmi les erreurs de M. Quérard, dans sa France littéraire, nous devons signaler celle qu’il a faite en signalant Rœderer comme membre de la convention nationale.