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qui fut adopté. Dès lors il se dévoua sans réserve à la fortune de Bonaparte. Lié d’ailleurs par les principes et l’amitié avec Sieyès depuis l’époque de la révolution, il suivit la même ligne que ce célèbre idéologue. Ce fut Regnaud de St-Jean d’Angely, leur ancien collègue, qui présenta Rœderer à Bonaparte. Dès son arrivée à Paris, le général témoigna le désir de le voir, et, dans les quinze jours qui précédèrent le 18 brumaire, il le reçut tous les soirs et eut avec lui un entretien particulier sur les moyens de faire réussir la révolution qui se préparait sous la direction de Sieyès ; car Bonaparte ne voulait alors rien faire sans ce directeur. Ce dernier, de son côté, prenait pour intermédiaires, avec le général, Talleyrand et Rœderer. Celui-ci servit ensuite d’intermédiaire entre Sieyès et Bonaparte pendant la discussion de la constitution de l’an 8, qui consomma le 18 brumaire. Cette révolution commença pour l’ami de Sieyès une nouvelle existence, et elle lui donna une belle position, qu’il justifia par la fidélité qu’il ne cessa de garder à celui dont il la tenait ; le 25 décembre 1799, il entra dans le gouvernement comme président de la section de l’intérieur au conseil d’État. Il avait été sur le point d’être choisi pour troisième consul : c’était le désir de Bonaparte ; mais des ennemis adroits le tirent écarter, et Lebrun fut nommé. Il fut également écarté du ministère de l’intérieur, qui fut donné à Laplace. homme honorable et savant, mais pauvre administrateur, qui ne tarda pas à être remplacé par Lucien Bonaparte, jeune homme de grande aptitude et d’une incontestable capacité. Rœderer, un peu désappointé peut-être, et il devait l’être, n’en servit pas moins avec ardeur le gouvernement nouveau par une foule d’articles très-habiles dans son Journal de Paris. Cependant son activité était telle que ses nombreux travaux au conseil d’État, ses communications de salon et ses rapports fréquents avec les principaux personnages n’en souffraient nullement. Il préparait ainsi les voies et l’opinion à recevoir la constitution de l’an 8. Rœderer fut compris dans la première nomination des membres du sénat conservateur ; mais il préféra entrer au conseil d’État, où, comme le lui dit le premier consul, « il y avait de grandes choses à faire et où il devait prendre les ambassadeurs et les ministres ». Le conseil d’État ne tarda pas à être formé. Les membres qui devaient le composer furent successivement appelés au Luxembourg, que le premier consul occupait encore, et prêtèrent serment, après quoi ils prenaient séance. Le général Brune fut le premier nommé, Rœderer le second, Regnaud de St-Jean d’Angely fut le dernier. Depuis le 25 décembre 1799 jusqu’au 14 septembre 1802, Rœderer, devenu conseiller d’État, présida la section de l’intérieur avec beaucoup de talent et d’éclat. Après l’explosion de la machine infernale du 3 nivôse, il fut chargé, avec Portalis et Siméon, du rapport à faire au sénat pour motiver la déportation d’une centaine de républicains étrangers à cette affaire, mais dont le gouvernement nouveau voulait se débarrasser. Dans cet intervalle, il fut chargé de deux missions extraordinaires fort importantes : l’une pour *inspecter l’administration des départements de la Moselle et des Forets (le pays de Luxembourg), l’autre pour négocier un traité de paix avec les États-Unis d’Amérique. Il eut de plus en partage l’administration directe de l’instruction publique. Parmi les lois dont le président du conseil d’État fut chargé particulièrement de faire le rapport ou la présentation, soit au corps législatif, soit au sénat, on remarqua : 1° le projet de règlement pour les séances du corps législatif et du tribunat, et pour les relations du conseil d’État avec eux ; 2° le projet de loi sur les émigrés ; 3° le projet de loi sur l’administration et la division du territoire français en préfectures, sous-préfectures et municipalités ; 4° le projet ingénieux et libéral sur la notabilité nationale, dont l’exécution, éludée par une ambition fatale, eût été si favorable à une administration éclairée et forte ; 5° le projet de la Légion d’honneur. En administration, il ne cessa de défendre, fidèle à ses anciens principes d’économie politique, la liberté du commerce et à combattre le système de la prohibition vers lequel le premier consul inclinait sans cesse. Bonaparte le nomma au sénat conservateur, puis membre de la commission formée pour organiser, avec les envoyés de la Suisse, une nouvelle composition des cantons, et ce fut lui qui rédigea l’Acte du médiation. En 1803, il fut nommé à la sénatorerie de Caen, qui embrassait les trois départements du Calvados, de la Manche et de l’Orne. Après avoir pris une part notable à la rédaction des divers sénatus-consultes organiques, Rœderer fut député, en 1806. par le sénat, avec deux de ses collègues, pour féliciter Joseph Bonaparte sur son avènement au trône de Naples. Ce nouveau roi, avec lequel il était lié depuis longtemps, le retint pour lui confier l’administration de ses finances, laquelle était véritablement à créer et qui fut alors tirée du chaos. Ce fut pendant ce séjour hors de France que Napoléon le nomma grand officier de la Légion d’honneur, et, quelque temps après, comte de l’empire. Il fut aussi grand dignitaire de l’ordre des Deux-Siciles, puis grand-croix de la Réunion. Lorsque Joseph quitta le trône de Naples pour celui d’Espagne, son ministre des finances rentra en France. Il n’avait voulu recevoir aucune récompense de son habile et laborieuse gestion. Depuis son retour à Paris, il fut appelé par l’empereur, en 1810, a la présidence de la commission chargée de négocier avec les députés du Valais la réunion de leur territoire à l’empire. Dans la même année, le 24 septembre, il fut nommé ministre du grand-duché de Berg par Napoléon, avec résidence près de lui, et avec le rang et les