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époque, il lutta courageusement contre les ennemis de son frère, dont il soupçonnait les tendances. Le jour où, faisant allusion à la conduite de Fouché à Lyon, Maximilien déclara qu’il était temps «d’arrêter l’effusion du sang a humain versé par le crime », Augustin Robespierre s’élança à la tribune pour dire qu’il s’associait à tous les sentiments exprimés par son frère, dont quelques perfides avaient osé, par les plus basses flatteries, tenté de le séparer. « Mais c’est en vain, s’écria-t-il, je n’ambitionne d’autre gloire que d’avoir le même tombeau que lui. » Vœu touchant qui n’allait pas tarder à se réaliser. Avant de descendre de la tribune, il engagea tous les patriotes à se rallier et à se constituer mutuellement défenseurs des amis de la liberté. Quelques jours après, le 3 thermidor, il reprenait la parole aux jacobins pour attaquer résolument ce système de terreur, qui n’épargnait personne, et dont les ennemis de la révolution, affublés d’un bonnet rouge, se servaient pour combattre la révolution même. « Tout est confondu par la calomnie ; on espère faire suspecter tous les amis de la liberté ; on a l’impudeur de dire, dans le département du Pas-de-Calais, qui méritait d’être plus tranquille, que je suis en arrestation comme modéré. Eh bien, oui, je suis modéré, si l’on entend par ce mot un citoyen qui ne se contente pas de la proclamation des principes de la morale et de la justice, mais qui veut leur application ; si l’on entend un homme qui sauve l’innocence opprimée aux dépens de sa réputation. Oui, je suis un modéré en ce sens ; je l’étais encore lorsque j’ai déclaré que le gouvernement révolutionnaire devait être comme la foudre, qu’il devait en un instant écraser tous les conspirateurs, mais qu’il fallait prendre garde que cette institution terrible ne devînt un instrument de contre-révolution, par la malveillance qui voudrait en abuser, et qui en abuserait au point que tous les citoyens s’en croiraient menacés : extrémité cruelle qui ne manquerait pas de réduire au silence tous les amis : de la liberté qui voudraient dévoiler les mouvements et les crimes des conjurés. » Ces conjurés auxquels il faisait allusion, c’étaient précisément ceux qui, depuis deux mois, tramaient dans l’ombre la perte de son frère, et qui enveloppaient la France entière dans la terreur poussée aux dernières limites. Dans la journée du 9 thermidor, il n’oublia pas le serment qu’il avait fait de partager le tombeau de son frère. Quand Maximilien eut été décrété d’accusation, on vit tout à coup un jeune homme se lever de son banc, c’était Augustin Robespierre : « Je suis aussi coupable que mon frère, dit-il, je partage ses vertus. Je demande aussi le décret d’accusation contre moi. » Quelques membres s’émeuvent à peine à ce dévouement, qui est accepté sans discussion. En vain Maximilien veut protester contre ce dévouement fraternel, on ne l’écoute pas. Conduit à la Force et refusé par le concierge, Robespierre jeune parut le premier à la commune. En racontant ce qui s’était passé dans la matinée à la convention nationale, il rejeta sur quelques scélérats seulement la responsabilité de la persécution qui les atteignait, lui, son frère, Couthon, St-Just et Le Bas. Il s’unit à ces derniers pour conjurer Maximilien d’en appeler aux sections de Paris du décret inique rendu ar la convention nationale. Lorsqu’il le vit étendu tout sanglant, frappé par la balle d’un assassin, il montra les marques de la plus violente douleur, demanda la mort à grands cris ; mais n’ayant point d’arme pour se la donner, il se jeta par une des croisées de la salle du conseil, sur les pointes des baïonnettes des soldats, dont la place de Grève était encombrée. Relevé tout meurtri, mais respirant encore, et transporté au comité civil de l’hôtel de ville, il déclara que ni lui ni son frère n’avaient manqué un seul instant à leurs devoirs envers la convention. On le laissa reposer quelques moments, car on avait peur que la mort n’enlevât cette victime à l’échafaud. Interrogé une seconde fois, il dit qu’on lui avait rendu un bien mauvais service en l’arrachant de sa prison, où il aurait attendu la mort avec la sérénité d’un homme libre ; qu’à la commune, il avait parlé en faveur de la convention contre les conspirateurs qui la trompaient... Ici la parole expira sur ses lèvres. Quoiqu’il donnât à peine signe de vie, Barrès ordonna qu’on le transportât au comité de sûreté générale ; mais les thermidoriens n’eurent à offrir au bourreau que les restes mutilés de cette victime d’un dévouement fraternel.

E. H-L.


ROBESPIERRE (Marie-Marguerite-Charlotte), sœur des précédents, naquit à Arras le 21 janvier 1760. Après la mort de ses parents, elle fut recueillie par les sœurs de son père, ainsi que sa sœur cadette (Henriette-Josèphe), qui mourut toute jeune encore vers 1774. Lorsqu’elle eut atteint sa dixième année elle entra, par la protection de l’évêque d’Arras, au couvent des Manarres, à Tournai, et y reçut l’éducation des jeunes filles nobles de la province. Quand son frère Maximilien fut revenu à Arras pour y exercer la profession d’avocat, elle s’installa avec lui dans la vieille maison paternelle et dirigea l’intérieur. Augustin Robespierre, ses études terminées, vint aussi habiter avec eux, et ils vécurent ensemble dans la plus parfaite union. Dès cette époque, Charlotte professa pour son frère aîné la plus vive admiration. Habituée au langage austère de Maximilien, dont elle partageait toutes les idées, elle acclama avec transport la révolution, et, quoi qu’on en ait dit, s’associa activement au mouvement des idées nouvelles. Nous n’en voulons pour preuves que les quelques lettres inédites que nous avons sous