Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 36.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ROB
175
ROB

gue et ami St-Just, à encourager les troupes par son exemple et à se jeter à leur tête dans la mêlée. Il avait, nous dit sa sœur, l’âme d’un soldat, et nul doute qu’il ne fût devenu un capitaine distingué s’il avait embrassé la profession des armes. Le 28 vendémiaire, il annonçait une importante victoire remportée sur les Piémontais, et quelques jours après, il adressait de Nice au peuple génois, au sujet du massacre de quelques Français, une proclamation par laquelle il déclarait que si le sénat de Gènes ne tirait pas une prompte vengeance de l’assassinat commis dans son port, la république considérerait ce fait comme une hostilité et agirait immédiatement pour obtenir la réparation d’un si grand crime. Vers le même temps, il écrivait au comité de salut public pour démontrer la nécessité de s’emparer du port d’Oneille, qui harcelait nos navires et causait l’interruption de notre cabotage. Le 29 frimaire, après cinq jours et cinq nuits de combats et de fatigues, il entrait dans Toulon avec l’armée républicaine. Plus tard, à St-Hélène, en se rappelant ces beaux jours de sa jeunesse. Napoléon n’a pu s’empêcher d’accorder un souvenir à Augustin Robespierre, et de parler des lettres de Maximilien à son frère, lettres dans lesquelles le membre du comité de salut public se plaignait de l’usage immodéré qu’on faisait de la terreur[1]. C’était le temps où, pour célébrer la prise de Toulon, Fouché envoyait deux cent treize Lyonnais « sous le feu de la foudre ›. C’est qu’en effet, si Robespierre jeune voulait comme son frère la justice inflexible contre ceux qu’il appelait les traîtres, et qui conspiraient la perte de la république, il voulait aussi éviter de jeter le désespoir dans toutes les âmes, de porter la terreur dans toutes les conditions. Un jour, à Besançon, un terroriste de l’école de Fouché, Bernard (de Saintes), le dénonça comme contre-révolutionnaire et l’accusa d’avoir protégé les aristocrates in Vesoul, parce qu’il avait fait mettre en liberté un nombre considérable de détenus et avait par là mérité la reconnaissance d’une grande partie de la ville. C’est en apprenant à son frère la conduite de ce Bernard qu’il lui écrivait de Lyon, le 3 ventôse : « Je n’ai amassé de réputation que pour faire le bien, et je veux la dépenser en défendant l’innocence. Ne crains point que je me laisse affaiblir par des considérations particulières ou par des sentiments étrangers au bien public. Le salut de mon pays, voilà mon guide ; la morale publique, voilà mon moyen. C’est cette morale que j’ai nourrie, échauffée et fait naître dans toutes les âmes. On crie sincèrement Vive la Montagne dans les pays que j’ai parcourus. Sois sûr que j’ai fait adorer la Montagne, et qu’il est des contrées qui ne font encore que la craindre, qui ne la connaissent pas, et auxquelles il ne manque qu’un représentant digne de sa mission, qui élève le peuple au lieu de le démoraliser. Il existe un système d’amener le peuple à tout niveler, si on n’y prends garde, tout se désorganisera. » On peut juger par ces lignes à quel point les deux frères étaient en conformité d’opinion, et combien était vraie et sincère leur communauté de sentiments. Charles Nodier raconte dans ses Souvenirs qu’en passant à Besançon Augustin Robespierre fut entouré, dans la cour de l’auberge où il était descendu, par une foule de femmes qui lui adressèrent les réclamations des détenus de la ville. Mais ses pouvoirs avaient cessé aux limites du département, il ne put que leur promettre de faire entendre leurs plaintes à la convention, et il leur dit en partant : il Je reviendrai ici avec le rameau d’or, ou je mourrai pour vous, car j’ai à défendre à la fois ma tête et celles de vos parents. » De retour à Paris, d’où il était absent depuis longtemps, il fut consterné du changement qu’il y trouva, et surtout des dissensions dont le club des jacobins était alors journellement le théâtre. Il arrivait, en effet, au moment de la grande querelle entre Hébert et Camille Desmoulins, qui accusait le premier d’avoir volé lorsqu’il distribuait des contre-marques au théâtre des Variétés. « Depuis cinq mois que je suis absent, dit Robespierre jeune, la première fois qu’il reparut aux jacobins, la société me paraît étrangement changée. On s’y occupait, à mon départ, des grands intérêts de la république. Aujourd’hui, ce sont de misérables querelles d’individus qui l’agitent. Eh! que nous importe qu’Hébert ait volé en donnant des contre-marques aux Variétés. Je demande qu’Hébert, qui a bien des reproches à se faire, car c’est lui qui est cause des mouvements dans les départements relativement au culte, soit entendu à son tour.» À Quelque temps après, envoyé de nouveau en mission dans le Midi. il adressait, de concert avec Salicetti, une proclamation aux Génois, par laquelle il leur promettait que la plus stricte neutralité serait observée à leur égard. « La présence des soldats républicains ne doit pas vous inquiéter, leur disait-il, les Français, en guerre avec les tyrans qui ont follement conçu l’idée de les asservir, sont les amis des peuples. Les Génois trouveront dans chaque défenseur de la liberté un frère, un ami ardent et sincère, comme chaque Français trouvera en eux des hôtes bienveillants et humains. » Vers la fin du mois de germinal, il avait la joie d’annoncer à la convention la prise d’oseille, dont, quelques mois auparavant, il avait conseillé la conquête. Le 9 lloréal, il assistait à la prise de Saorgio, qui coûta aux Piémontais et aux Autrichiens plus de 2 000 hommes et 60 pièces de canon. À son retour à Paris, il fut, dans le courant de messidor, élu secrétaire par la convention nationale. À partir de cette

  1. Ces lettres, dont s’empura le conventionnel Courtois et qu’il s’est bien gardé de publier à la suite de son Rapport, paraissent malheureusement perdues pour l’histoire.