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constitutionnels de 1812 et en constitutionnels de 1820, en anilleros, communieros, afrancesados et descamisados, et en royalistes, auxquels les premiers, qui se détestaient autant entre eux qu’ils exécraient les derniers, avaient donné le sobriquet de serviles. La méfiance, ou plutôt la haine la plus prononcée, régnait également entre les milices de Madrid et les gardes royales, qu’on abreuvait de dégoût et auxquelles on avait fait concevoir des craintes non- seulement sur la perte de leurs prérogatives, mais même sur leur licenciement. Les cris de Vive Riégo! vive la liberté! qui furent poussés avec affectation aux approches du palais, le jour où le roi se rendait aux cortès pour la séance de clôture (30 juin), portèrent à son comble l’exaspération des gardes. Landaburu, lieutenant dans la compagnie de service au palais, affilié à la secte des communieros, ayant voulu contenir l’indignation que manifestaient ses soldats, fut massacré par eux. Cet événement donna à l’agitation populaire le caractère le plus alarmant. Toutes les milices et toutes les troupes de ligne furent bientôt sous les armes et bivouaquèrent sur la place. De leur côté, les gardes se mirent en défense. Riégo, rentré la veille dans Madrid, se rendit directement, le 2 juillet, à la députation permanente des cortès, accompagné d’une bruyante escorte de gens de la lie du peuple, pour lui indiquer les dispositions militaires qu’il conseillait de prendre dans les circonstances critiques où l’on se trouvait : telles que de poursuivre et désarmer les gardes rebelles et d’attaquer ceux qui, selon lui, assiégeaient le palais. Il fut accueilli froidement par le président Valdès, qui lui répondit qu’aux cortès il avait le caractère sacré de député ; mais que, n’étant en ce moment qu’un simple particulier, il n’avait aucune voix dans les conseils. Riégo, toujours empressé de figurer au premier rang, passa de là au parc intérieur de l’artillerie et voulut faire tourner les pièces contre le palais et jeter quelques grenades dans les cours ; mais le commandant de ce poste le traita cavalièrement et lui dit avec dédain qu’il n’avait d’ordres à recevoir que du roi et du général Morillo. Les journées du 2 et 3 juillet s’étaient passées en négociations et en délibérations. Le 4, le roi demanda entre autres choses que les tentatives de Riégo pour s’emparer du commandement fussent blâmées ; mais le conseil d’État, réuni dans le palais, répondit que ce général n’avait pas donné prise à l’étrange accusation qu’on portait contre lui ; que Sa Majesté avait été sans doute induite en erreur par les inculpations calomnieuses qu’avait publiées l’Impartial, journal vendu (disait-il) à la sainte-alliance. Ce fut le 6 que cette réponse fut faite ; tout annonçait une crise pour le lendemain. Dès trois heures du matin, les gardes, sortis en silence du Pardo[1], entrèrent dans Madrid, et se divisant en trois corps, tentèrent trois attaques différentes ; mais, forcés de céder au nombre, une partie fut taillée en pièces ou demeura prisonnière, et le reste parvint à se faire jour les armes à la main. Le peu de liberté dont le roi avait paru jouir avant ces funestes événements disparut entièrement après le triomphe sanglant obtenu par les libéraux. Les chefs des exaltés s’emparèrent du ministère, où Evariste San-Miguel, l’ancien chef d’état-major de Riégo, obtint le département des affaires étrangères. Ce dernier, quoique ayant pris part à la défaite des gardes. ne fut cependant pourvu ni d’un ministère, ni même d’aucun commandement important. Pendant la durée de la session, Biégo ne fut chargé d’aucune mission particulière jusqu’à l’époque de la translation des cortès à Cadix, et il se borna à siéger au milieu de ses collègues. Après l’entrée des Français en Espagne (avril 1823), les principaux meneurs des cortès résolurent d’éloigner le roi ainsi que sa famille, et de la contraindre à se rendre d’abord à Séville, quoiqu’il eût alors une forte attaque de goutte et que les médecins eussent déclaré qu’il y avait un véritable danger à le faire voyager en cet état. Les progrès de l’armée française et la nouvelle défection de l’Abisbal décidèrent l’assemblée à prononcer la déchéance du monarque comme atteint d’incapacité morale (11 juin), et à nommer une régence provisoire qui devait prendre les rênes du gouvernement jusqu’à l’arrivée des cortès à Cadix. Riégo, qui avait concouru à ces différentes décisions, fut nommé, malgré sa qualité et contre les termes de la constitution, commandant de l’escorte qui conduisit le roi dans cette ville ; mission qu’on l’accuse d’avoir remplie avec autant de hauteur que de rigidité. Le général Ballesteros inspirant des soupçons, Riégo avait été, dès le mois de juin, chargé de le surveiller et nommé à cet effet commandant en second de son armée. Au commencement d’août il reçut l’ordre de se rendre à sa destination. Il devait aussi enlever à Zayas, dont on se défiait, les troupes que ce général avait amenées a Malaga, et lever le plus d’argent et d’hommes qu’il pourrait. Ses instructions lui prescrivaient en même temps de marcher sur les cantonnements de Ballesteros, de le rattacher à la cause révolutionnaire ou d’entraîner ses soldats, de se joindre à ce qu’il pourrait trouver du côté de Grenade des deux corps épars dans l’Estramadure, et d’opérer, de concert avec Placencia, sur les derrières de l’armée française, de manière à faire lever le siége de Cadix. Avec ces instructions, mais sans argent, Riégo quitta les ministres, qu’il n’aimait pas et qui le redoutaient ; il échappa dans un petit bâtiment à la surveillance de l’escadre française, passa à Gibraltar et de la à Malaga, où il débarqua le 17 août. Il y prit le commandement de 2 000 hommes qui restaient à Zuyas, qu’il envoya prisonnier à Cadix, leva

  1. Maison de plaisance du roi à deux lieues de Madrid.