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leur fournit les secours dont ils avaient le plus pressant besoin. La destruction de la colonne de Riégo. acculé maintenant dans les solitudes de la Sierra-Morena, sans soldats et sans ressources, avait jeté le découragement parmi les troupes de Quiroga, renfermées dans l’île de Léon et pressées vivement par le général Freyre, tandis que le même événement avait rendu la confiance à l’armée royale. La cause de la révolution semblait perdue sans retour ; elle l’eût été en effet si les ministres avaient montré plus de vigueur et ne se fussent pas bornés à des demi-mesures et à délibérer au lieu d’agir, lorsque la nouvelle de l’insurrection de la Corogne et de quelques autres places de la Galice vint à leur connaissance. L’entrée de Mina sur le territoire espagnol, suivie du soulèvement d’une partie de la Navarre, répandit l’agitation dans l’Aragon et dans la Catalogne, augmenta la perplexité du cabinet de Madrid, qui, ayant tant de motifs pour être soupçonneux, n’osait donner sa confiance à aucun général. Il l’accorda néanmoins de nouveau au comte de l’Abisbal, qui la méritait si peu et qui, chargé de rassembler les troupes de la province de la Manche pour les porter sur la Galice, se préparait à une nouvelle trahison, dont il avait formé le plan, même avant de quitter la capitale (3 mars). À peine sa détection fut-elle connue à Madrid que les émissaires des révoltés y organisèrent une insurrection, et le roi, de concession en concession, cédant aux conseils du général Ballesteros, se décida, le 7 mars, à reconnaître la constitution des cortès de 1812. Cette détermination sauva Riégo : de fugitif et de proscrit qu’il était, il fut salué par ses partisans du titre de régénérateur de l’Espagne, de héros de las Cabezas, et lorsque la constitution fut proclamée dans tout le royaume, il entra à Séville en triomphateur. Les révoltés lui avaient en effet de grandes obligations ; car, quoiqu’il n’eût pas obtenu le succès qu’il attendait, il avait tenu en échec les troupes royales pendant un mois et demi, et donné le temps aux révolutionnaires de soulever les autres parties de l’Espagne. Au mois d’avril, les chefs de l’insurrection furent confirmés dans les grades qu’ils s’étaient eux-mêmes attribués, et ils obtinrent, contre l’intention formelle du gouvernement, que l’armée de l’île de Léon, portée récemment à 12 000 hommes, y serait conservée entière jusqu’à la convocation des cortès. Cette convocation ayant eu lieu au mois de juin et Quiroga ayant été élu député, Riégo lui succéda dans le commandement et arriva à Cadix le 3 juillet. Dirigé par Arco-Aguero, homme instruit, mais dominé par l’orgueil et l’ambition, Riégo voulut faire servir son armée à compléter l’ouvrage de la révolution. Il se fortifia dans les positions qu’il occupait et refusa d’exécuter l’ordre de dissolution qui lui fut donné par le ministre de la guerre, marquis de las Amarillas. Cette conduite inspira des soupçons et des craintes au gouvernement et même à la majorité des cortès, et le ministre de la guerre persista dans la mesure qu’il avait adoptée, dont le général Quiroga lui-même reconnaissait la convenance. Pour séparer Riégo de son armée, on le créa capitaine général de la Galice. Riégo, sûr d’être fortement soutenu par les clubistes de Madrid et croyant voir un siége dans l’honneur qu’on lui accordait, le refusa positivement en affectant une modestie qu’il était loin d’avoir. De nouveaux ordres de se rendre au poste qu’on lui confiait et de dissoudre l’armée ne furent pas mieux accueillis que les précédents, quoiqu’ils fussent adoucis par l’invitation de venir à Madrid et par le désir qu’on faisait manifester au roi de voir le héros de la liberté. Le marquis de las Amarillas résolut alors d’employer les mesures les plus énergiques et même de faire marcher s’il le fallait, pour soutenir l’exécution des ordres du roi, dix-huit bataillons de milice d’Andalousie. Ce ministre, vivement attaqué par les clubistes, se vit forcé de donner sa démission, malgré les instances pressantes du roi. M. de Jabat, son successeur, suivit cependant la même ligne de conduite à l’égard de Riégo, qui, après avoir persisté dans ses refus de dissoudre l’armée et avoir adressé aux cortès et au roi les représentations les plus fortes, se rendit néanmoins incognito à Madrid, où il arriva le 30 août. Il obtint immédiatement une audience de Ferdinand VII, et lui peignit avec l’insolence d’un soldat exalté les titres de son armée à des récompenses et son vœu de ne point s’en séparer. Le roi refusa avec une noble fermeté de modifier les résolutions qui avaient été arrêtées dans le conseil, quoique Ríégo assurât que leur exécution mettrait la patrie en danger. Appelé en conférence avec les ministres, il éleva tellement la voix qu’on fut obligé de le ramener à plus de modération par des raisons sévères, et de lui faire entendre que toute résistance était désormais inutile, qu’il n’aurait aucun commandement en Andalousie, que lui et son armée obéiraient aux ordres du roi, qui étaient irrévocables, et qu’ils se trompaient grandement s’ils comptaient sur l’appui des cortès, du peuple, de la garnison de Madrid ou du reste de l’armée. L’orgueil de Riégo fut vivement irrité de cette opposition à laquelle il ne s’était pas attendu : il ne garda plus de mesure, et, cédant aux insinuations du club Lorenzini, il s’attacha à émouvoir les passions et à mettre les armes aux mains de la multitude. Entré incognito dans Madrid par calcul, ce fut aussi par calcul que ses partisans lui préparèrent une entrée triomphale dans cette capitale. Mais il ne dut pas en être satisfait ; car on y remarqua peu d’enthousiasme, malgré les menées secrètes des clubistes. Après une série d’extravagances, il ne craignit pas de se compromettre de la manière la plus indécente,