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Canaries et une brigade d’artillerie, envoyés pour occuper Puerto Santa-Maria, au lieu de se rendre à leur destination, désertèrent la cause royale et se réunirent aux insurgés de l’île de Léon, malgré les efforts du général O’Donnell, dont la cavalerie fut repoussée par Riégo, qui prenait à cette époque le titre de général. Les rebelles venaient de s’emparer par surprise de l’arsenal de la Carmen, où ils trouvèrent une nombreuse artillerie, des vivres et des munitions de toute espèce. Après cette conquête importante et la prise du San-Julien, vaisseau de 74, qui portait des poudres destinées à l’Amérique, ils résolurent de profiter des moyens offensifs qu’ils avaient pour tenter une nouvelle attaque contre la Cortadura. Riégo, à qui ils la confièrent, fut complétement repoussé le 16 janvier ; il tomba du mur qui soutient la chaussée sur la plage et se blessa. Les chefs de la rébellion, craignant que le découragement ne s’emparât des soldats, et bien convaincus que dans les révolutions il faut occuper sans cesse les esprits et ne pas laisser le temps de la réflexion, se déterminèrent à détacher de leur petite armée, qui ne s’élevait pas à plus de 5.000 hommes, une colonne mobile de 1,500 hommes pour ramasser des vivres, répandre des proclamations et décider la défection des corps qu’ils supposaient disposés en leur faveur. Le commandement de cette expédition fut confié à Riégo, non pas qu’il eût fait jusqu’alors preuve de beaucoup de talent ; mais il avait montré une grande exaltation, une certaine audace, et c’était lui d’ailleurs qui avait le premier planté l’étendard de la révolte. Ce fut le 27 janvier qu’il partit avec sa bande de San-Fernando et qu’il traversa Chiclana aux cris de Vive la constitution! il passa à Conil et à Bejer, et arriva sans obstacle à Algésiras. Riégo avait fondé les plus grandes espérances sur cette ville et se flattait de trouver à Gibraltar des ressources pour son entreprise. Il s’empressa d’ouvrir le premier de ces ports au commerce étranger. et permit, moyennant quelques droits, l’introduction des marchandises jusque-là prohibées. Le gouverneur de Gibraltar, loin de se montrer favorable à la cause des insurgés, comme Riégo avait osé s’y attendre, fit couper toute communication avec Algésiras au moyen d’une frégate et d’un brick. Après être resté cinq jours dans cette dernière ville, Riégo. qui n’avait pu s’y procurer que mille paires de souliers et quelques ressources en vivres, en effets et en argent, en sortit le 7 février. Il n’avait pu être rejoint par les émissaires que Quiroga, instruit des mouvements du général O’Donnell sur la droite de sa colonne et inquiet pour lui-même des dispositions du général Freyre, avait envoyés pour lui donner l’ordre de rentrer dans l’île en toute hâte. Il commençait à sentir la témérité de son entreprise en se voyant harcelé de tous côtés par les partis de cavalerie qu’O'Donnell avait mis à sa poursuite, tandis que dans aucun endroit la population ne faisait de mouvements en sa faveur. Aussi se rapprocha-t-il de l’île de Léon dans le dessein d’y chercher un refuge ; mais les environs en étaient si bien gardés par différents corps de l’armée royale qu’il fut obligé de renoncer à ce dessein. Il se jeta alors dans les montagnes pour fatiguer la cavalerie royale et se dirigea sur Malaga. Dans sa route, il eut divers engagements ; le 16 février, il fut vigoureusement mené auprès de Marbella, et perdit plus de 100 hommes. sans compter ceux qui s’égarèrent dans les montagnes ou qui l’abandonnèrent après avoir échangé quelques coups de fusil avec le gouverneur de Malaga, qui, à l’approche des insurgés, avait pris position à trois quarts de lieue de la ville avec sa garnison et jugea ensuite convenable de se retirer à Velez-Malaga. Riégo entra dans Malaga le 18, à huit heures du soir. La proclamation qu’il s’empressa d’adresser le lendemain au peuple de cette ville ne produisit aucun effet ; partout on fermait l.es boutiques, et personne ne paraissait disposé à se joindre aux insurgés, qui furent bientôt obligés de se barricader dans un des quartiers de la ville pour résister aux attaques du général O'Donnell, lequel y avait pénétré avec un corps de troupes. Il résulterait du rapport de San-Miguel, chef d’état major du corps de Riégo, qu’après avoir éprouvé une vive résistance dans la place de la Merced, O’Donnell fut contraint de se retirer à une demi-lieue de la ville. Riégo l’abandonna lui-même le 20 février, toujours poursuivi par cet infatigable général, et, voyant que non-seulement plusieurs de ses soldats, mais même une partie de ses officiers cherchaient leur salut dans la fuite, il essaya de se sauver lui-même dans les montagnes avec le peu de troupes qui lui restaient. Il se procura quelques secours à Antequerra, d’où le corrégidor et les alcades s’étaient enfuis à son approche, et à Ronda, où il eut un engagement avec l’avant-garde d’O’Donnell. Le 3 mars, il trouva à Moron 200 dragons démontés qu’il détermine à se réunir à lui. Attaqué le lendemain par le général O`Donnell, il éprouva une perte considérable et fut forcé de se replier vers les Cordillères. Enfin, après avoir traversé le pont de Cordoue, Espier et Fuente Vejuna, toujours suivis de près par les troupes royales, qui ne cessaient de leur livrer des combats, les insurgés arrivèrent le 11 mars à Bienvenida, épuisés de fatigue, dans un dénuement absolu et réduits à moins de 300 hommes. La Relation succíncte de l’expédition de don Raphaël Diégo, que don Evariste San-Miguel, son chef d’état-major, a publiée au mois d’août 1820 et qui nous a presque toujours servi de guide, contient des aveux remarquables. On y voit que les habitants des lieux que les révoltés parcouraient non-seulement ne prirent aucune part à l’insurrection, mais qu’il y eut très-peu d’endroits où on