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parler avec clarté et facilité sur les sujets les plus abstraits ; il n’avançait jamais une opinion sans y avoir profondément réfléchi et sans l’avoir envisagée sous toutes ses faces. Aussi, quoiqu’il fût loin de posséder toutes les qualités qui constituent le grand orateur, on l’écoutait toujours avec un vif intérêt, surtout lorsqu’il traitait quelque question d’économie politique. Il avait passé la plus grande partie de sa vie à la Bourse de Londres, où son industrie, sa persévérance et ses talents lui avaient donné les moyens d’accumuler une fortune considérable, qui s’élevait à sa mort à treize ou quatorze millions[1] de francs. Mais malgré les distractions d’une vie si occupée, il ne négligea jamais ses recherches spéculatives ; et lorsqu’il fut parvenu à l’opulence, il se retira des affaires et consacra tous ses moments à l’étude, surtout à celle de la science intéressante dont on peut le regarder comme le second créateur, et à laquelle son nom est irrévocablement uni. Ricardo s’occupait de mettre la dernière main à un Essai sur la meilleure constitution d’une banque nationale, qui était presque terminé, lorsqu’il mourut à sa terre de Catomb-Park le 11 septembre 1823[2]. Outre les deux ouvrages dont nous avons parlé, on doit à Ricardo : 1o Essai sur l’influence du bas prix du blé sur les profits ou le cours des fonds publics, 1815, in-8o (50 pages). L’auteur y démontre que les obstacles imposés par la législation anglaise à l’introduction des blés étrangers sont une mesure impolitique, dont l’effet a été de faire jeter beaucoup de capitaux dans la culture des mauvaises terres ; mesure que le gouvernement est forcé de maintenir pour ne pas mettre ces capitaux en péril. Il en résulte un désavantage pour la main-d’œuvre par le haut prix des blés indigènes, qui provoque celui des salaires. 2o Projet d’un papier-monnaie économique et sûr brochure de 128 pages, 1816 et 1818. Cet écrit ingénieux, qui fit grand bruit, et dans lequel l’auteur jette beaucoup de jour sur la nature et l’usage des monnaies, a pour but l’introduction d’une monnaie de papier que le public pourrait, en tout temps et à bureau ouvert, se faire rembourser en lingots d’or et dont il ne demanderait jamais le remboursement, parce que des lingots d’or ne pourraient tenir lieu d’espèces monnayées. Il en résulterait un papier-monnaie qui devrait toujours valoir autant que de l’or. On prétend que ce pamphlet de Ricardo a donné à la banque de Londres les moyens de revenir sans secousse aux payements en espèces. Suivant un de nos économistes français les plus distingués, il y a peut-être plus de subtilité que de solidité dans ce projet de lingots d’or. Il est bien certain que les billets dont un tel dépôt serait le gage ne se présenteraient guère au remboursement ; mais si la valeur des lingots devait égaler celle des billets, quel serait l’objet d’une telle banque ? 3o Sur les prohibition en agriculture, brochure de 95 pages, publiée en 1822, in-8o, et qui renferme une excellente doctrine. Ricardo a inséré dans le supplément de l’Encyclopedia Britannica, un article remarquable sur le système d’amortissement[3].

D—z—s.


RICARDOS (don Antonio), général espagnol né à Séville le 10 septembre 1727, appartenait à une famille illustre. À l’âge de quinze ans, il entra dans le corps des gardes espagnoles ; en 1746, il assiste à la bataille de Plaisance, et le courage qu’il y déploya lui valut à vingt ans le brevet de colonel. Après avoir fait la campagne de Portugal (1762), il fut envoyé au Mexique, et à son retour nommé un des commissaires pour la démarcation des limites entre l’Espagne et la France. Il se trouva aux expéditions d’Alger (en 1777) et de Gibraltar (en 1782), et il y donna des preuves d’intelligence et de courage. Après avoir occupé plusieurs gouvernements, il fut nommé capitaine général de la Catalogne. Peu de temps après sa nomination à cette place, la guerre éclata contre la France en 1793. Ricardos réunit à la hâte une armée, et, se portent à marches forcées sur les frontières, entra» sur le territoire français où il battit les troupes républicaines, emporta le fort des Bains après vingt-trois jours de blocus et celui de Bellegarde après un bombardement. Au combat de Trullas, il décida lui-même la victoire en chargeant à la tête de ses carabiniers ; enfin il arriva jusqu’aux portes de Perpignan, mais il ne put s’emparer de cette place, qui lui aurait assuré la conquête du Roussillon. Après cette brillante campagne, il vint à Madrid rendre compte de ses opérations et demandeuses renforts afin d’ouvrir la campagne suivante. Il fut reçu dans la capitale au milieu des acclamations du peuple, et le roi lui conféra la grande croix de l’ordre de Charles III. Il se disposait à retourner dans le Roussillon pour y recommencer une nouvelle campagne, lorsqu’il mourut à Madrid le 13 mars 1794. On attribua sa mort à une tasse de chocolat qu’il aurait prise

  1. C’est par erreur que quelques écrivains français ont évalué à plus de quarante millions de francs la fortune de Ricardo.
  2. La maladie de Ricardo était un abcès à l’oreille, dont le développement rapide résista à tous les remèdes, et qui finit par crever et s’épancher dans l’intérieur. C’est donc faute d’informations suffisantes que M. Mac-Culloch a attribué sa mort à la formation d’un hydrocéphale (voy. la Notice nécrologique qu’il lui a consacrée dans le Scotsman). Tous les journalistes anglais ont commis la même erreur. C’est encore par une faute d’impression que la même Notice porte que Ricardo avait cinquante-six ans lorsqu’il a cessé d’exister : il n’avait pas complété sa 52e année.
  3. Les divers ouvrages de Ricardo, traduits en français par M. A. Fontegrand, forment un volume, Paris. 1844, grand in-8o, ; il fait partie de la Collection des principaux économistes et ne remplit pas moins de 800 pages. La Notice du traducteur sur la vie et les écrits de Ricardo remplit 48 pages. Cinq lettres, adressées à J.-B. Say, ont été insérées par Ch. Comte dans les Mélanges de J.-B. Say, 1844. Parmi diverses notices relatives à ce célèbre économiste, nous signalerons celle qui se trouve dans un ouvrage de lord Brougham : Galerie des hommes marquants du règne de George III. Le Penny cyclopedia renferme un article attribué à M. Porter ; le Dictionnaire d’économie politique (Paris, 1853) en contient un autre dû à la plume de Joseph Garnier.
    Z.