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tion, le ministère de la police fut distrait des attributions de Regnier et rendu à Fouché. Regnier conserva le titre de grand juge avec le ministère de la justice, qu’il exerça sans exciter personnellement aucune plainte. Napoléon, qui avait pour principe d’élever aux plus hautes dignités ceux auxquels il confiait des places éminentes, nomma successivement Regnier grand officier de la Légion d’honneur, sénateur et duc de Massa. Le portefeuille de la justice lui fut ôté en novembre 1813, et il devint président du corps législatif, place qu’il occupait encore lorsque Napoléon abdiquait, en 1814. Il écrivit le 8 avril au gouvernement provisoire pour savoir s’il serait continué dans ces fonctions. On ne lui fit aucune réponse, et dès lors aussi affligé de la chute de son maître que de ses propres disgrâces, il vécut dans le chagrin et mourut à Paris le 24 juin 1814.

B—u.


REGNIER (Edme), célèbre mécanicien, naquit à Semur le 15 juin 1751. Ayant perdu son père pendant qu’il faisait ses études dans sa ville natale, il resta l’aîné de onze enfants, et fut retiré du collége pour être placé chez un arquebusier de Dijon, où il se distingua par son adresse et son application au travail. Quoique bien jeune encore, il sentit la nécessité, comme l’aîné de la famille, de se mettre promptement en état de remplacer son père et remporta un premier prix de dessin à l’âge de dix-sept ans. Le professeur Deroge s’intéressait vivement à lui : sa jeunesse, sa position, tout parlait en sa faveur. Enfin, rentré dans sa famille, il exerça à Semur l’état d’arquebusier, avec lequel il fit exister sa mère devenue infirme et établit ses frères et ses sœurs. S’étant marié, il fit dernier une éducation soignée à cinq enfants qu’il eut et trouva dans son industrie seule les moyens d’élever cette nombreuse famille. Le prince de Condé, qui l’avait connu dans un de ses voyages à Dijon et qui avait admiré son adresse, lui fit donner le titre de mécanicien de la province de Bourgogne. En 1783, Régnier eut l’honneur d’offrir à Louis XVI un modèle réduit du méridien sonnant qu’il avait composé pour la ville de Semur. Ce prince, qui avait spécialement étudié les arts mécaniques, examina avec intérêt cette invention, qui ressemble beaucoup au canon méridien du Palais-Royal, et dont Régnier, jusque dans les derniers temps de sa vie, prenait plaisir à préparer et à voir l’explosion. Une de ses premières inventions fut son éprouvette pour essayer la force des poudres de chasse, supérieure à toutes celles qui avaient été imaginées jusque alors, parce que les degrés gravés sur un arc de cercle sont l’expression de poids déterminés et que les régulateurs sont constants. Ce premier produit de son esprit inventif fut montré à Guéneau de Montbéliard, ami de Buffon, qui l’admira et accorda sa protection à Régnier. C’est à peu près à la même époque qu’il inventa sa serrure et ses cadenas à combinaisons. Buffon et Guéneau, qui désiraient faire des expériences sur la force de l’homme et des animaux et qui n’avaient à leur disposition que des machines lourdes et peu commodes, proposèrent à Régnier de tâcher d'en inventer une qui fût applicable au plus grand nombre de cas possibles. C’est de cette demande que naquit le dynamomètre, instrument simple, commode et dont l’application peut s’étendre aux machines pour en déterminer avec précision la force et la résistance. Le dynamomètre resta longtemps inconnu. Il en fut fait mention dans un mémoire publié en l’an 7 (1798). Regnier fut encore le premier qui construisit des parafoudres en Bourgogne. Il les perfectionna ensuite, en remplaçant les conducteurs établis avec des barres de fer plantées dans les murs par des cordes faites avec des fils de fer qui ont l’avantage d’être à la fois solides, flexibles et de pouvoir être isolés des édifices. À l’époque de la révolution, persécuté dans la ville qu’il habitait, par le seul motif qu’il avait été protégé et récompensé par l’ancien gouvernement, il fut obligé de se réfugier à Paris, où le comité de salut public, éclairé par Carnot, son compatriote, sut l’apprécier et le chargea de diriger la fabrication des armes portatives. Regnier commença dès lors à réunir les matériaux qui ont servi depuis à former le musée central d’artillerie, dont il devint plus tard le conservateur. Un incendie, qui détruisit en 1799 une maison située au coin de la rue St-Roch et où périrent plusieurs personnes, donna l’occasion à l’Institut d’ouvrir un concours, dans lequel un prix fut proposé à celui qui exécuterait la meilleure machines à incendie. Regnier composa une échelle perfectionnée, et il obtint le prix. Le modèle de cette machine est déposé au conservatoire des arts et métiers. Regnier fit encore à cette époque des recherches utiles sur les platines des fusils de munition. La machine qu’il inventa pour régulariser l’action des ressorts fut approuvée par l’Institut et par plusieurs officiers d’artillerie, ainsi que par les premiers arquebusiers de Paris. Enfin une de ses dernières inventions est le sécateur, destiné à la taille des arbres et fort en usage aujourd’hui. Cet instrument est très-expéditif, puisqu’on peut faire en quatre jours ce qui en demandait douze, et qu’il est impossible de se blesser, ce qui arrive souvent avec la serpette. Edme Régnier, à qui l’on peut donner avec tant de raison le titre d’utilitaire, mourut à Paris le 10 juin 1825. il était membre de plusieurs sociétés savantes et faisait partie du comité de mécanique de la société d’encouragement pour l’industrie. Au nombre des services qu’il a rendus à sa patrie, on ne doit pas oublier qu’il sut, à force de soins, conserver presque intact, pendant l’invasion étrangère de 1814 et 1815, le musée d’artillerie, qui est aujourd’hui l’un des établissements les plus curieux de la capitale. À