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de 1538 qu’on rencontre pour la première fois les premiers livres de Rabelais réunis ensemble ; mais avec une pagination différente ; ils paraissent imprimés à Paris ; en 1542 le Lyonnais François Juste les publia de la même manière ; ce fut également en 1542 que le malheureux Etienne Dolet fit paraître à Lyon son autre édition aujourd’hui fort recherchée ; mais que le titre annonce à tort comme prochainement reveue et de beaucoup augmentée par l’autheur mesme. Le fait est qu’il y a peu de corrections et qu’elles semblent l’œuvre de Dolet lui-même. La première édition connue du Tiers livre est celle de Paris, Ch. Wechel, 1546, mais il a dû en exister une antérieure, car le privilége est daté du 19 septembre 1545, et c’est sur cette date que le catalogue des ouvrages condamnés en 1551 mentionne ce livre. Il fut réimprimé plusieurs fois séparément en 1546, en 1547 et même en 1552 après la censure, l’imprimeur parisien Michel Fezandat se nommant expressément. Ce typographe mit au jour, également en 1552, le Quart livre. En 1553 parut la première édition collective des quatre livres réunis ; elle fut suivie de quatre autres dont deux datées de 1556 et deux données à Lyon par Jean Martin en 1538. C’est dans ces dernières que se montre pour la première fois le cinquième livre, dont l’authenticité a été l’objet de controverses. La plupart des éditeurs n’ont pas révoqué en doute qu’il ne fût l’œuvre de maitre François ; mais la critique moderne y regarde de plus près Le traducteur allemand de Rabelais, Régis, pense que ce livre n’est pas de Rabelais, et il fait ressortir les particularités de style, les caractères distinctifs qui le séparent des livres précédents. Ch. Nodier ne doute pas que Rabelais ne soit l’auteur. M. Lenormand est du même avis ; il voit dans ce cinquième livre « un testament aigre et désespéré ; la griffe de l’aigle y est empreinte. D’un autre côté, M. Paulin Paris le regarde comme tellement inférieur aux autres que s’il eût paru nous le nom de Rabelais, il n’y aurait eu que des sifflets pour cette imitation maladroite. N’oublions pas l’édition de 1663, sans nom d’imprimeur, mais où l’on reconnaît les types des Elzeviers ; elle est fort jolie, mais très-incorrecte, ce qui n’empêche pas les amateurs de la rechercher avidement. Il faut arriver à l’an 1711 pour trouver la première édition critique de l’épopée rabelaisienne ; ce fut alors que parut à Amsterdam, en 5 volumes petit in-8o, l’édition de Jacques le Duchat, qui revit le texte sur les anciennes impressions qu’il put découvrir (les plus anciennes lui échappèrent), et qui recueillit de nombreuses variantes ; il y joignit un volumineux commentaire dans lequel, au milieu de bien des inutilités, on trouve des renseignements intéressants. Cette édition, qui renferme aussi quelques observations de l’ingénieux la Monnaye, fut réimprimée en 1725 et en 1732 ; elle obtint en 173i (Amsterdam,

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3 vol in-4o) les honneurs d’une édition de luxe ; le commentaire est plus développé, les gravures de Bernard Picart ont du mérite, mais le costume est de pure fantaisie, et l’artiste ne s’est pas suffisamment inspiré de la verve de l’auteur. Il faut ensuite franchir un long intervalle pour arriver aux travaux de de l’Aulnay ; ils parurent pour la première fois dans l’édition donnée par Desoer, Paris, 1820, 3 vol. in-18, jolie mais peu correcte et d’un caractère trop fin ; ils furent reproduits avec des développements dans les 3 volumes in-8o publiés par l’éditeur Louis Jaunet en 1823, et ils ont été insérés dans un volume grand in-8o, publié après 1830. De l’Aulnay n’a point fait de commentaire, mais il a réuni par diverses classes (glossaire rabelaisien, Erotica verba, etc.) une multitude de renseignements parmi lesquels il en est de curieux ; un assez grand nombre sont, il est vrai, étrangers à maître François, et on pourrait parfois relever des inconvenances assez choquantes. La plus volumineuse des éditions de Rabelais est celle dite Variorum, Paris, Dalibon, 1823-1826, 9 vol. in-8o ; revue par MM. Ermangart et Eloi Johanneau ; elle reproduit les notes des précédents commentateurs avec des additions considérables. Il en résulte une réunion d’observations souvent prolixes et tellement multipliées que les vers qui composent le second chapitre du premier livre, donnent lieu à 48 pages de remarques, et que souvent une ou deux lignes du texte se trouvent au haut de pages dont le reste est occupé par le commentaire. Le chapitre des jeux de Gargantua occupe 49 pages ; celui de la bibliothèque St-Victor en remplit 82. En tête de chaque chapitre est exposé un système qu’on ne saurait admettre, celui d’une interprétation historique régulière et suivie de tout ce qu’écrit Rabelais. Pas un trait qui ne reçoive des mains des éditeurs une interprétation minutieuse. Dans Grand-Gousier, Gargantua et Pentagruel, ils voient Louis XII, François Ier et Henri II, et nul doute qu’il n’y ait des allusions parfois peu déguisées, mais il en est très-peu qui se suivent, soit dans le même personnage, soit dans le même récit, et loin d’être rangées dans un certain ordre de façon que l’une aide à dépister l’autre, elles se croisent sans cesse et se contredisent souvent. Il est juste d’ailleurs de reconnaître de la variété dans l’érudition des éditeurs, parfois de l’adresse et du bonheur dans l’emploi qu’ils en ont fait. Ils ont péniblement réuni de précieux matériaux, mais ils sont loin d’avoir donné de Rabelais une édition irréprochable. M. Paul Lacroix, qui, fort jeune encore, avait mis au jour une petite édition de Rabelais avec quelques notes (1825, 5 vol. in-32), a fait paraître en 1840, chez M. Charpentier, un volume qui, pour la première fois, offrit, sous un format portatif, le Gargantua et le Pantagruel. L’éditeur fit connaître deux chapitres inédits d’un cinquième livre tirés d’un manuscrit de la biblio-