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La Sciomachie et festins faits à Rome, au palais du révérendissime cardinal du Bellay, pour l’heureuse naissance de M. le duc d’Orléans, Lyon, 1549, in-8o. Devenu presque introuvable, ce livre s’est payé une centaine de francs à la chaleur des enchères en 1844 (vente Nodier). Il a été réimprimé dans les éditions de de l’Aulnay et dans le tome 8 de celle Variorum.

Épîtres de François Rabelais, Paris, 1651, in-8o, avec des observations (la plupart généalogiques), par les frères de Ste-Marthe. Les Épîtres sont au nombre de seize et remplissent 75 pages ; les Observations en remplissent 191 en plus petit caractère. Une nouvelle édition, sous le titre de Lettres de M. Fr. Rabelais, fut donnée à Bruxelles, en 1710, in-8o[1].

10° Épître (en vers) à Bouchet, parmi les Épîtres familières du Traverseur, 1545, in-fol. Elle est intéressante parce qu’elle montre le genre de vie que menait Rabelais au château de Légugé, auprès de l’évêque de Maillezais.

11° Nous arrivons aux compositions qui ont entouré de tant de célébrité le nom de maître François. Les éditions originales de ces écrits n’ont été bien connues que depuis quelques années ; des recherches heureuses ont amené la découverte de ces livrets dont il ne reste la plupart du temps qu’un exemplaire et qui se payent au poids de l’or. Le savant auteur du Manuel du libraire, M. J.-Ch. Brunet a, dans un travail étendu à cet égard, débrouillé ces questions avec une lucidité et une exactitude qu’on ne pourrait surpasser. La première production qu’on rencontre est un opuscule de 16 feuillets imprimé à Lyon en 1532 et intitulé Les grandes et inestimables cronicques de grand et énorme géant Gargantua, contenant la généalogie, la grandeur et force de son corps. Il ne faut pas confondre ce récit avec le Gargantua qui figure dans les œuvres de Rabelais ; c’est une facétie basée sur des traditions populaires alors fort répandues, et M. Brunet ne doute pas que ce ne soit « l’œuvre de Rabelais lui-même, qui l’aurait composée, en se jouant, à la demande de quelque libraire. » Plus tard il aura repris ce thème informe et l’aura développé, lui donnant les vastes formes d’une conception plus complète et mieux étendue[2]. Telle est également l’opinion de Charles Nodier qui a écrit à cet égard une notice fort ingénieuse[3], où il montre fort bien que si les Cronicques ne sont au fond qu'un amas d’hyperboles ridicules faites pour amuser le peuple, on y trouve cependant quelques-uns de ces traits de satire enjouée et l‘ironie mordante que Rabelais seul, en ces temps-là, était a même de lancer. Cette boutade sans conséquence, qui semble avoir pour but de railler les romans de chevalerie, très en vogue a cette époque, a pu révéler a Rabelais |’aptitude et l'opportunité de sa facétieuse colère contre la société qui se dévoilait & ses yeux. Les Cronicques ont été réimprimées a Lyon, sans date in-4°, 12 feuillets , et petit in-8°, 23 feuillets. Deux rédactions nouvelles et amplifiées ont vu le jour, l'une sans lieu ni date , l'autre sous le titre de la Vie admirable du puissant Gargantua, Paris, 1846. M. Brunet fut le premier qui signalât ces curiosités bibliographiques jusqu’alors restées ignorées; il leur consacra une curieuse notice sur deux anciens romans intitulés la Chronique de Gargantua, (Paris, décembre 1834). La plus ancienne édition datée que l’on connaisse du Gargantua est celle de Lyon, imprimée chez Francois Juste en 1535; il en existe une autre de 1537. Quant au Pantagruel, il existe des éditions sans date, fort anciennes et toutes d'une rareté extrême; M. Brunet pense pouvoir fixer a l'année 1532 la publication de celle qui est un in-4° de 64 feuillets et dont un exemplaire se trouva dans la vente du fonds de libraire de la maison de Bure en 1834; il était imparfait de 2 feuillets; acheté d'abord par le prince d’Essling, ce précieux volume fut ensuite payé six cent soixante francs pour compte de la bibliothèque du roi. D’autres impressions sont datées de 1533 et 1534. Elles pourraient toutes donner lieu a de longs détails qui seraient déplacés ici, nous renverrons a un travail spécial de M. J.-Ch. Brunet : Recherches bibliographiques et critiques sur les éditions originales des cinq livres du roman satirique de Rabelais, Paris, Potier, 1852, in-8°. Chose remarquable, les premières éditions offrent des variantes importantes, des leçons hardies qui ont ensuite été effacées dans les impressions qui les suivirent, et qui sont parfois restées totalement ignorées jusqu’à ces dernières années[4]. C'est sous la date

  1. Les frères St-Marthe ont laissé incomplet un passage dans lequel Rabelais s'exprimait trop vivement sur les scandales de la conduite du pape Alexandre VI. M. Lacroix a donné, d‘après les Journaux de Pierre de l’Estoile, une lettre de maître François, remarquable par la gaieté qui y règne, et adressée & M. le bailliuf du bailliuf des bailliufs, maistre Antoine Hullet, à Orléans. Elle ne se trouvait que dans l'édition de le Duchat, mais le texte offrait quelques différences.
  2. Ces grandes et inestimables cronicgues ont été à plusieurs reprises communiquées au public; M. Regis les a réimprimées dans le 2e volume de sa traduction allemande de Rabelais; elles forment la vingtième livraison de la Collection de petits poémes et romans, mise au jour, en caractères gothiques, par M. Silvestre ; enfin M. Chenu en a publié, en 1846, une édition nouvelle, avec des caractéres elzéviriens, tirée à 110 exemplaires.
  3. Des materiaux dont Rabelais s'est servi dans ta composition de son ouvrage, Paris, Techener, janvier 1836, in-8° de pages.
  4. Nous nous en tiendrons 4 un seul exemple. L'édition originale donne , au commencement du 23e chapitre de Pantagruel, la poses suivante : « Pantagruel eut nouvelles que son« Gargantua avoit été translaté au pays des Phées par Morgue,comme feut jadis Énoch et Élie » Ce rapprochement peu respectueux disparaît. Aux deux prophètes bibliques on substitua Énoch et Élie. La leçon primitive ignorée de le Duchat, de de l'Aulnay, d’Eloi Johanneau, etc., n'a été signalée, nous le croyons, que dans |’édition de M. Jannet. Nous pourrions multiplier les exemples de ce genre. Nous ferons observer que les éditions originales ont fourni les moyens de corriger des fautes d'impression toujours soigneusement reproduites et qui défiguraient le sens. C'est ainsi que, jusqu’à l’édition Jannet, on a lu (chap. 24) que Pantagruel « épousa la fille d’un roi d’Inde, nommée Presthan »; ce qui n’a point de sens raisonnable, tandis que l'édition originale porte trés-bien : « La fille d’un roi d'Inde nommeé Prestre Jehan », allusion à un monarque imaginaire sur le compte duquel circulèrent tant de légendes pendant le moyen age.